La théorie de l'arc-en-ciel

Chapitre 16

Faire pencher la balance

— Taylor ?! Liv s'étrangla de surprise.

Lorsqu'elle s'était levée du canapé dans lequel elle s'était pelotonnée avec un livre, elle s'était attendue à tomber sur Andrea. A une heure pareille, ça ne pouvait qu'être Andrea. Pourtant, ce n'était pas sa meilleure amie qui se tenait sur le pas-de-porte, mais Taylor.

Taylor...

Elle avait tout essayé pour se sortir la jeune femme de la tête, mais rien n'avait fonctionné. Ce qu'elle avait surpris entre son ex et elle la rongeait littéralement de l'intérieur comme le plus vicieux des poisons. Malgré tout, malgré ce baiser qu'ils avaient échangé, Taylor était là, devant elle. Une partie de Liv était en colère de la trouver ici, maintenant. Une autre partie d'elle exultait. Au fond d'elle, bien cachée, l'envie de la voir venir se battre pour elle avait flamboyé depuis qu'elle lui avait envoyé ce fameux message de rupture. Elle avait secrètement espéré l'entendre lui dire que tout ça n'était qu'un malentendu. Elle avait aussi espéré la trouver à sa porte beaucoup plus tôt. Or, deux jours étaient passés sans qu'elle n'ait de nouvelles de la jeune McAllister et Liv ne savait pas bien discerner laquelle de ces deux parties l'emportait sur l'autre.

— Hey, la salua Taylor dans un murmure qui coupa court à son débat intérieur.

Liv avisa le sourire aviné que lui lançait Taylor et ses yeux vitreux qui l'observaient sans vraiment la voir. Il ne lui en fallut pas plus pour comprendre qu'elle était soule. Bien sûr, Taylor n'était venue ici que parce qu'elle avait trop bu.

Subrepticement, la balance pencha du côté de la colère.

— Taylor... Liv souffla clairement irritée. Je pensais avoir été clair, je ne veux plus rien avoir à faire avec toi.

— Explique-moi au moins pourquoi ? Je pensais que tout allait bien entre nous.

— Tu pensais que tout allait bien ? la railla Liv. Eh bien, figure-toi que moi aussi, mais c'était avant de te surprendre dans les bras de ton ex.

Le visage de Taylor se décomposa et ses sourcils se froncèrent sous l'effet de l'incompréhension.

— Tu m'as espionnée ?!

Liv soupira avant de se résigner à ouvrir davantage la porte pour l'inviter à entrer. Apparemment, elles se devaient respectivement des explications et si elle n'avait aucune envie d'avoir cette conversation maintenant, elle voulait encore moins l'avoir dans le couloir, là où les oreilles indiscrètes de ses voisins insomniaques pouvaient trainer.

Taylor tangua dangereusement en s'avançant dans le living-room. Liv referma la porte d'entrée et s'empressa de la rejoindre pour l'accompagner jusqu'au fauteuil en la tenant par le bras. Elle reprit ensuite sa place sur le canapé où son exemplaire de Fahrenheit 451 l'attendait bien sagement. Elle le posa sur l'accoudoir, consciente que la suite des aventures de Guy Montag ne serait pas pour maintenant.

Taylor écrasa un bâillement et rejeta sa tête en arrière en fermant les yeux. Elle avait l'air épuisé. Liv l'était aussi. Ce n'était vraiment pas le moment d'avoir cette discussion, mais en même temps, elle n'avait pas le cœur à la renvoyer de chez elle dans cet état. Peut-être qu'elle pouvait la laisser dormir ici et parler à tête reposée demain matin ? C'était sûrement la meilleure chose à faire.

— Je t'aime, avoua soudainement Taylor, l'arrière du crâne calé contre le dossier du fauteuil et les paupières toujours closes.

— Pardon ?

— Tu m'as très bien entendue Liv. Je t'aime ! Cette fois, Taylor planta ses yeux dans les siens avec une détermination qui fit frémir Liv. Mason et moi, c'est de l'histoire ancienne. Ça s'est terminé le jour où tes lèvres se sont posées sur les miennes.