CHAPITRE 3 - Aurore

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Zéphyr.

Est-ce que c'est un prénom ?

Un surnom ?

Il me semble sentir une peinture de couleur vermeil venir se placarder sur mes joues. Mes jambes sont aussi faibles que du coton. Malgré tous mes efforts pour revenir à l'instant présent, je ne parviens plus à me détacher de ce souvenir, de cet homme caché sous sa tenue en cuir et sous son casque chromé, qui a traversé ma vie en un éclair et qui, pourtant, a su l'éclairer d'un vif coup de tonnerre. De cet inconnu qui a su toucher mon cœur sans même m'approcher à moins de trois mètres. De cet homme qui a pu pénétrer mon âme en un seul regard, aussi secret fut-il sous sa visière charbonneuse. Il ne me semble pas l'avoir déjà croisé auparavant. Pourtant, je n'ai jamais bougé d'ici. Vient-il d'emménager ? Ou s'apprête-t-il à partir ? Ou s'apparente-t-il justement à un Zéphyr, un messager de la terre qui circule parmi les nuages ? Si on considère le Zéphyr comme un vent pluvieux, alors il a déchaîné des flots éternels à l'intérieur de moi. Il a parfumé mon âme en laissant son odeur imprégner mes narines et venir tapisser mon corps d'une couleur rubis.

Oh, Aurore...

Ferme-la.

- Qu'est-ce qu'il m'arrive... Songé-je à voix haute sans réellement m'en rendre compte.

- Mmh ?

- Heu... Non, rien...

Je replonge dans le passé, pour une raison qui m'échappe. Durant mon adolescence, et même avant cela, lorsque je n'étais qu'une enfant, j'ai toujours été fleur bleue. Un papillon qui butinait de fleur en fleur sans s'y arrêter. Mais après ma première et seule expérience amoureuse, qui a été une catastrophe, je me suis promis de ne plus succomber. J'ai trop souffert par le passé, et je ne compte pas replonger la tête la première dans une histoire sans le moindre bonheur, surtout pour un inconnu dont je ne connais ni l'apparence, ni le comportement, aussi charismatique soit-il lorsqu'il est assis sur son bolide.

Pourquoi est-ce qu'il revient encore dans mes pensées, celui-là ?!

C'est pas possible, bon sang de bonsoir.

Je soupire silencieusement, en portant une nouvelle fois mon verre à mes lèvres. La fraîcheur de la surface plane m'en ferait presque claquer des dents. Il est vrai que cette époque de l'année, nous approchons de l'automne. Les températures ne sont plus aussi chaudes que ces dernières semaines. Malgré tout, nous devons nous y habituer. Qui plus est, il ne nous reste que peu de temps pour sortir nos bolides respectifs, avant de les abandonner jusqu'à pouvoir les ressortir lorsque le printemps pointera son nez l'année suivante. Les yeux toujours plongés dans le vide, et la vie vide de sens dès à présent, je songe une nouvelle fois à tout ce qu'il vient de se produire.

Et si Emy avait raison ?

Et s'il avait soixante-dix ans ?

Bah, il aurait quand même un cul d'Enfer !

Ce qui est absolument certain, c'est que je croquerais bien dedans comme dans une délicieuse pomme cueillie sur un arbre. Emy et moi terminons de siroter notre boisson puis, une fois les verres vides, nous constatons qu'il est déjà l'heure de rentrer. Toutefois, je ne suis pas là première à le faire remarquer.

- Bon, on va peut-être pas tarder...? M'interroge ainsi mon amie, après un long silence qui m'a laissé le temps de songer à bien d'autres choses.

- Ouais, on y va, abdiqué-je.

Je crois que je n'avais jamais été aussi pressée de rentrer. Aussi long le trajet soit-il. Nous réglons rapidement notre dette en prenant le temps de saluer notre vieille amie Rebecca, dont les cernes s'étirent à vue d'œil, puis déguerpissons d'ici au plus vite. Mes jambes deviennent du coton. Qui aurait cru que faire de la moto serait si épuisant ? J'ai l'impression d'avoir passé trois jours d'affilée à la salle de sport, exercices de gainage et soulevé de fonte inclus. Quoi qu'il en soit, nous remettons notre veste en cuir, prêtes à repartir.

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