CHAPITRE 13 - Aurore

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— Tu plaisantes ?

­— Non, répond mon cousin, d'une voix toujours aussi froide et sans la moindre once de joie, en descendant de sa machine.

Je me croirais presque dans un rêve éveillé. J'hésite à me pincer le bras pour me prouver que je me trouve bien dans la réalité et que l'homme qui me fait face me propose effectivement d'entrer chez lui. J'avoue avoir un choc dans la poitrine : je me suis toujours méfiée des hommes, mauvaises expériences obligent. Mais dois-je rester sur mes gardes avec celui-ci ? Dois-je réellement affronter ce moment ou décliner l'invitation ?

— Tu ne devais pas rejoindre ton collègue ? L'interrogé-je, en penchant la tête sur le côté pour exprimer mon hésitation.

— Il attendra. Je reste avec toi.

Ces paroles sont si douces...

À ses mots, le jeune homme fouille dans les poches de son blouson en cuir pour dénicher ses clés. Il s'approche alors de la porte en bois et glisse cette dernière dans la serrure. Là, je ne comprends vraiment plus rien. Nada. Il semblait si saoulé par ma présence que j'étais prête à déguerpir sans ajouter un mot il y a quelques minutes lorsque nous étions au bar, et voilà qu'il m'invite chez lui. C'est tout bonnement invraisemblable. Ce mec a réellement un problème dans la prise de décision. Ou dans autre chose, je ne sais pas.

Je ne sais plus.

Le jeune homme passe ainsi devant moi, se battant d'arrache-pied avec sa porte d'entrée qui refuse de se déverrouiller, et rien que l'aura puissante qu'il dégage me fait effectuer deux pas en arrière. Je me sens comme la plus faible des nanas sur cette terre. Heureusement que je ne suis pas un homme, on m'aurait traitée de « sans-couilles ».

Je n'ai ni couilles ni ovaires, d'ailleurs.

Pas en sa présence, du moins.

J'ai d'ordinaire un caractère bien trempé, et je crois que tout mon entourage pourrait aisément le confirmer. Or, en la présence de cette personne précisément, je perds toujours tous mes moyens. Depuis hier. J'en viens à me demander si ce n'était pas déjà le cas quand nous étions enfants. Qui saurait le dire ?

Le temps semble ralentir, et le sol s'écrouler sous mes souliers. Lorsque mon hôte ouvre enfin la porte, il me fait signe de passer en premier d'un geste de la main, tel l'homme galant qu'il est apparemment. Je m'attendais à atterrir dans son entrée, mais il n'en est rien. Nous sommes dans son jardin, encore éclairé par un soleil radieux. C'est un petit bout de terrain qui doit faire dans les cinq-cents mètres carré, couvert d'une herbe aussi verte que pouvait l'être celle autour du bar dans lequel nous nous sommes rafraichis plus tôt.

C'est ça, la vie à la campagne !

C'est merveilleux. Paisible. On s'y sent réellement chez soi. Je passe finalement l'embrasure de la porte et admire ce petit panorama idyllique, ce salon de jardin coquet qui donne une vue imprenable sur les monts qui dominent l'horizon et à la surface desquels les arbres dansent dans le vent. Je reste plantée là, des paillettes plein les yeux.

Pourtant, il ne s'appelle pas Kévin !

Mais des paillettes, il en a à revendre.

Zayn referme la porte derrière lui et me contourne pour déposer les clés de l'entrée, ainsi que celles de son véhicule, sur la droite. Lorsque je tourne la tête, je trouve un canapé en tissu, collé à un des pans de murs de la propriété, un peu délavé à force de nicher à l'extérieur, sous une tonnelle en bois. Et en face de celui-ci, se trouve une table basse également en bois, sur laquelle le jeune homme s'empresse de déposer son casque et ses gants en cuir. Il émet un long soupir, et cambre le dos, poussant son corps en arrière le plus possible pour l'étirer. Je l'entends craquer à maintes reprises.

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