ECLIPSE

CHAPITRE 15 - Zayn

(BONSOIR! J'espère que vous appréciez toujours ce livre. Si vous voulez vous plonger dans l'atmosphère du livre, tapez "Florida right round (HBz Hard Bounce remix)" sur YouTube. Merci à mon Biker pour cette masterclass ! Je vous souhaite une bonne lecture, gros bisous !)

J'observe de temps à autre ma jauge d'essence qui continue de descendre en flèche à mesure que je parcours ces trajectoires divines que je connais par cœur. J'ai presque l'impression de laisser derrière moi le mauvais temps, que même les plus minuscules gouttes de pluie ne peuvent plus m'atteindre, alors même que je gis sous les nuages noirs. Certains, trop raisonnables, me diraient de rentrer pour économiser, pour me sauver, éventuellement pour me préserver d'un accident qui serait juste un magnifique chemin de plus vers la mort, mais ceux-là ne connaissent certainement pas la sensation des ailes qui poussent dans le dos lorsqu'on est sur sa machine. Ils ne connaissent pas cette impression de décoller, de voguer parmi les étoiles, de se placer bien au-dessus du monde et de pouvoir le regarder de loin, de si loin qu'une seule erreur pourrait être fatale.

Non, je ne rentrerai pas.

Si je le pouvais, je ne rentrerais même jamais.

Je continuerais de voguer dans le ciel, de laisser mes ailes me porter à travers les nuages et le firmament. Je laisserais à mon corps le loisir d'être encore plus léger qu'une plume. Je laisserais à mon esprit le temps de s'effacer. Je me laisserais mourir.

La vie est si belle lorsque la machine est en route. Elle n'a jamais été aussi merveilleuse. Quoi qu'il en soit, malgré les mises en garde que la vie m'envoie depuis des années maintenant, je continue de fendre le vent sans me soucier de la température ou bien de la météo. Je continue. J'accélère toujours plus, en faisant même comme si mes freins n'existaient plus, sans faire attention aux passants qui quémandent pour traverser la route, vêtus de leur plus gros manteau, un parapluie au-dessus de la tête. Ils devraient rentrer chez eux. Il est tard. Moi, je peux me contenter de passer la nuit dehors, les fesses sur ma selle et des idées plein la tête. Pas eux.

Ma machine ne ronronne plus depuis bien longtemps. Elle carcasse. Elle hurle. Elle s'arrache les poumons en gueulant à gorge déployée et en extirpant toute sa douleur. Les pistons entrent dans une danse endiablée. Les amortisseurs souffrent et me transmettent leur douleur. J'ai l'impression d'agresser la route comme une bête sauvage attaque sa prochaine victime. Je suis féroce. Dangereux. Je l'ai toujours été. Tout autour de moi, le vent gelé parvient à traverser toute l'épaisseur de ma veste en cuir, ainsi que mon jean beaucoup trop fin pour pouvoir laisser mes cuisses au sec. La fraîcheur atteint tous mes tissus. Mes os, ma chair, mes muscles. Elle atteint même mes organes vitaux, beaucoup trop faibles à l'heure actuelle pour pouvoir résister. La tempête fait rage, ce soir. Une tempête comme je n'en avais pas vu depuis un sacré moment, mais je suis toujours là, à fendre la bise comme si j'avais neuf vies.

Continue, Zayn.

Je ne peux plus m'arrêter. Je penche de plus en plus dans les virages, sans me soucier de la route cabossée qui m'offre les pires obstacles à franchir. À chaque fois, je passe de justesse, frôlant avec intensité la Mort qui m'attend au tournant en me tendant les bras comme une amie de longue date. En réalité, il ne suffit pas d'être expérimenté pour survivre à moto lors d'une tempête aussi dévastatrice qui est l'écho de celle qui fait rage au creux de mon ventre. Il suffit seulement de ralentir lentement et de s'arrêter pour laisser passer la colère des dieux.

Non, hors de question.

Continue, Zayn.

C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour me vider le corps et l'esprit. La puissance avec laquelle ma bécane me transporte dans des contrées lointaines, est inestimable.