ECLIPSE

CHAPITRE 1 - Aurore

(Bon petit information : à chaque chapitre, vous aurez des musiques à écouter. C'est dit. Je vous conseille de le faire, je pense que c'est plus sympa et qu'ainsi, on accède plus facilement aux sensations que je tiens à faire passer. Je vous laisse donc commencer par « Linkin Park - In the End (Mellen Gi & Tommee Profitt Remix slowed version »).

- Mais accélère !!! Limace !!! Me gueule mon amie dans l'oreillette.

- Parle pour toi ! J'suis déjà à soixante ! Hurlé-je à mon tour, en me détruisant les cordes vocales au passage.

- La moitié, ouais !

- Preuve en est, t'es toujours derrière moi, bâtarde !

- Je t'emmerde !!!!!!!

Je continue d'appuyer sur l'accélérateur pour faire tomber les murailles qui se dressent devant moi, et de voir défiler les magnifiques paysages qui couvrent l'horizon et emplissent mes yeux azurés d'un éclat nouveau. Entre nos cuisses, pistons et vrombissements infernaux rugissent et mènent la danse, tandis que nous nous laissons porter par le vent, sur ces routes de campagne que nous aimons tant et à proximité desquelles nous avons grandi. C'est un plaisir des sens, mais aussi un plaisir d'essence. Nous n'arrêtons plus de casser notre poignée, de le tordre jusqu'à en ressentir de la douleur, pour tenter d'aller encore plus vite, malgré la peur et les battements de nos cœurs qui se battent pour rester en vie, sous la vision trépidante des arbres que nous ne voyons déjà plus autour de nous et qui apparaissent comme de simples ombres mortelles faisant déjà partie du passé.

Nous faisons corps avec le bitume.

Corps avec la terre.

Corps avec notre âme.

C'est une sensation toute singulière dont nous faisons l'expérience. Et même si nous n'osons pas aller plus vite que l'éclair, nous profitons d'un instant merveilleux, chacune sur notre selle, les mains liées à notre machine qui devient comme un prolongement de notre enveloppe charnelle. Ces machines qui hurlent de plus en plus fort et distinctement et qui en appellent à notre âme sont maintenant l'incarnation de notre destin. Les minutes, les heures, l'éternité s'écoule. Le bourdonnement dans nos oreilles devient de plus en plus insupportable et pourtant, nous en redemandons encore jusqu'à n'en plus finir, jusqu'à ce que tous nos sens en soient ébranlés.

Souvent, nous sortons ensemble au petit matin et décidons d'aller fendre la bise. Main dans la main. Souvent, nous disparaissons à l'horizon, là où les rayons du soleil touchent la terre pour éclairer notre chemin. C'est une sensation inégalée, un sentiment que seul un motard peut comprendre. Cette soif de liberté lorsque la rotation du poignet nous emporte toujours plus loin, comme cette impression de déployer ses ailes et de se mettre à voguer parmi les étoiles. Cette envie d'éternité lorsqu'on se penche pour suivre les sentiers de notre avenir.

Elle peut être difficilement expliquée, pourtant elle existe.

- Tiens ! On me dit dans l'oreillette qu'un sac à patate non-identifié bloque la circulation ! M'envoie tout à coup Emy, sur un ton sarcastique lorsqu'elle me voit serrer les freins avant d'entrer dans un virage.

- Le sac à patate va bientôt écraser ta face de rat, si tu calmes pas un peu ta joie !

- Pute sans scrupule.

- Salope sans conscience.

- EH !

C'est sa voix mélodieuse que j'entends dans mon Intercom. Cette voix singulière et inimitable qui s'est chargé de me faire pousser des ailes en seulement quelques mois, en ajoutant une pincée d'étoiles sereines dans ma vie, ainsi qu'un soupçon d'une liberté jusqu'à leur oubliée. Emy est ma meilleure amie. La seule. L'unique. On nous appelle « Le duo de choc ». On nous a toujours surnommées ainsi, nous, les reines des coups foireux et des fous rires sans limites. Aujourd'hui, nous sommes deux cabris qui courent parmi les cieux, ne faisant même plus partie de ce monde mais d'un univers bien plus grand que nous. La plupart des êtres humains le croient inatteignable. Mais de notre côté, nous avons réussi à nous élever assez haut pour le toucher du doigt.