CHAPITRE 4 - Aurore

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Nous continuons à rouler sans nous arrêter. Et je dois dire qu'étrangement, je n'ai plus vraiment peur. Je crois qu'en fait, je suis un peu ailleurs. Je repense encore et encore, sans jamais m'arrêter, à cet homme mystérieux qui a traversé ma vie et qui, d'une certaine manière, l'a changée. A moins qu'il ait égayée, je n'en sais rien encore. Malgré tout, des milliers de questions prennent vie dans mon esprit. Le reverrai-je un jour ? Est-ce que j'aurai l'occasion de lui parler ? De savoir qui il est réellement, au-delà de toutes ces rumeurs qui font de lui un paria ? Pourrai-je un jour admirer son visage, caché sous ce casque intégral qui ne me laisse même pas apercevoir son regard ? Je prie pour qu'un jour, ce soit possible.

J'ai toujours été attirée par le mystère. Toujours. J'aime percer les secrets, trouver les clés pour ouvrir les différents coffres de mon existence et découvrir de nouveaux horizons à explorer. Cet inconnu en est un. C'est un horizon à lui seul, une créature de l'infini qui fend la bise à toute vitesse sans jamais relâcher l'accélérateur.

Quoi qu'il en soit, ce n'est plus le moment de rêver d'éternité. Mon amie et moi continuons notre route sans nous soucier du lendemain, en passant entre les arbres, en n'ayant même pas le temps de voir les visages des automobilistes lorsque nous passons devant eux à toute vitesse. À certains moments, Emy ne parvient même plus à me suivre tellement j'accélère, même lorsque je contracte tous mes muscles pour forcer la machine à s'incliner toujours plus bas en direction du bitume. Tout d'un coup, j'ai besoin d'une adrénaline sans commune mesure. J'ai besoin de sentir le vent qui me fouette les membres, qui passe à travers cette lourde veste en cuir, qui brûle mes iris même sous une visière teintée, qui imprègne mes poumons de son doux parfum jusqu'à n'en plus finir.

Lorsque nous arrivons enfin au panneau STOP que nous redoutions depuis de longues minutes, peut-être même depuis le début de notre balade ce matin, mon amie relève sa visière et hurle pour bien se faire comprendre :

- On va devoir se séparer ici, non ? M'interroge cette dernière.

Finalement, le moment des adieux arrive beaucoup trop vite. Je ne sais même pas si je suis encore capable de dire cela sans remords, puisque durant tout ce temps, depuis que nous sommes sorties du centre-ville, je n'ai étrangement plus accordé la moindre attention à Emy, restée dans l'oubli tandis que je voguais parmi les étoiles.

- Ouais, c'est ici ! Confirmé-je, avant de tendre mon bras gauche dans sa direction.

Elle me tend le sien. Ainsi, nous crochetons nos doigts et les entremêlons les uns les autres comme un couple. Je me demande ce que doivent penser les passants qui nous entourent. Il faut dire qu'il fait si beau aujourd'hui, qu'ils se sont donnés le mot pour sortir.

- Gros bisous ! Hurle-t-elle finalement en se détachant de moi.

- Salut, la gueuse ! Envoyé-je à ma camarade.

Je lui envoie un sourire à peine visible, délicatement caché par mon casque. Puis, lorsqu'elle s'apprête à partir, un bruit sourd se fait entendre, puis c'est le néant.

- AHAHAHAHAH !!!! Me moqué-je comme une enfant. T'AS CALÉ !!!!!!

- MAIS LA FERME !!!! Me sermonne cette dernière, tout en enclenchant de nouveau l'embrayage pour appuyer sur le bouton de démarrage de son bolide.

Emy finit par partir sur la gauche, tandis que je tourne sur la droite pour rejoindre mon lieu de vie. Je réaccélère comme un foudre de guerre pour arriver à la vitesse maximum autorisée, et ne pas gêner le trafic. Mes cuisses commencent à tirer, les muscles de mes bras, à fatiguer. Mais je crois que le pire, reste mes poignets, que je ne sens quasiment plus à force d'effectuer des pressions dessus dans chaque virage.

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