Alek a déposé mon sac devant la chambre d'amis, qui est maintenant la mienne pour un temps indéterminé. J'ai attendu que ses pas s'éloignent pour sortir timidement une tête dans l'entrebâillement de la porte en bois. Depuis, je me terre entre ces quatre murs comme une fillette apeurée. Mais finalement, c'est un peu ce que je suis. Apeurée de cette réalité qui s'impose à moi, celle qui implique que mon frère n'était peut-être pas celui que je pensais.
Je l'idéalisais, ça oui. Mais je n'ai quand même pas inventé sa générosité, sa compassion, sa détermination d'aider ceux qui le méritaient. N'est-ce pas ?
Pourtant, plus je réfléchis aux propos d'Alek, plus j'en viens à la conclusion que Noah ne trempait pas dans quelque chose de légal. Ce si petit nombre de la compagnie à venir sans aucun supérieur. Sa reprise par des grecs. Ça n'a aucun sens. L'armée française ne l'aurait pas autorisé....
J'ai beau retourner le problème dans tous les sens, j'en viens à la même conclusion. Et cela m'empêche de dormir.Je ressens le besoin d'être rassurée. D'entendre que mon frère était quelqu'un de bien. J'attrape la pochette marron, celle que j'ai demandé à Alek de récupérer dans le coffre de la chambre d'hôtel. Je mets la main sur le papier qui m'intéresse et compose le numéro sans même me soucier de l'heure qu'il est. Des bips retentissent et en l'espace de quelques secondes, une voix feminine se diffuse dans le combiné, me faisant l'effet d'un électrochoc. Je n'avais pas beaucoup d'espoir d'avoir une réponse à cette heure-ci.
- Allo? je balbutie, encore étonnée.
- Helena Sokratis à l'appareil, en quoi puis-je vous aider? demande une jolie voix en anglais avec des intonations méditerranéennes nettement distinguables.
Je me lève d'un bond hors du lit, une poussée d'adrénaline parcourant mes veines.
- Oui ! Bonjour, je suis la soeur de Noah Tessier. Nous nous sommes croisés il y a quelques jours à la caserne.
- Oui, je me rappelle de vous, acquiesce Helena.
- Je me demandais si l'on pouvait se rencontrer...
Des bruits résonnent derrière elle. Des conversations indistinctes mêlées au bourdonnement incessant de la circulation.
- Avec plaisir, je suis disponible demain mais pas avant 17h...
- C'est parfait ! je m'exclame sans lui laisser le temps de finir.
Elle laisse échapper un petit rire. Cette femme a quelque chose de rassurant, presque maternant. Cette simple idée emplit mon coeur de reconnaissance pour tout ce qu'elle a dû apporter à mon frère. Oui c'est peut-être un peu naïf de ma part mais je dois bien me raccrocher à quelque chose.
- Je connais un endroit au bord de l'eau. Bossa café.
- J'y serai. À toute à l'heure.
Une vague d'excitation s'empare de moi. J'ai hâte d'entendre la version officielle des faits mais également sa vision personnelle des mois passés en compagnie de Noah. C'est peut-être une des seules personnes qui l'a vu les derniers jours avant sa mort... Cette pensée me procure un pincement au coeur.
Mon cerveau cogite encore et encore, me laissant peu de répits. Pendant de longues heures, je fixe le plafond, essayant tant bien que mal de mettre de l'ordre dans mon tourbillons de pensées avant que le sommeil s'empare de moi.
Le réveil est dur, principalement dû à la lumière qui filtre à travers les rideaux. Je suppose que le berger australien qui gigote à mes cotés n'a pas dû aider. Mon ventre vient gargouiller en harmonie avec le sien et me pousse à sortir du lit.Mon téléphone m'indique qu'il est déjà quatorze heures.
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L'ombre des vagues
RomanceSasha fuit depuis 68 jours sa ville natale à bord de son voilier, espérant tant bien que mal semer le démon à qui elle a ouvert sa porte. Mais plus que ça, elle cherche des réponses. La mort de son frère qui paraissait un simple accident dramatiqu...