Chapitre 12 - Rattrapée par le passé

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Une nouvelle journée commence. Je tente de me convaincre que la détermination va pointer le bout de son nez dans les prochaines heures. Car, malgré le cadre magnifique dans lequel je me trouve, la pilule d'hier n'est pas passée.

La nuit a été courte. Trop de préoccupations qui se bousculaient dans ma tête. J'ai fixé le plafond une bonne heure sans bouger avant de m'avouer vaincue et de sortir du lit. Mais faire les cents pas encore et encore n'était pas franchement mieux.

Depuis la terrasse de l'hôtel, je peux admirer les bateaux qui sillonnent la mer laissant derrière eux, une trainée d'écume, illuminée par le soleil déjà haut dans le ciel. J'envie ces marins, rêvant de laisser mes mains glisser à travers le rideau des vagues produit par la coque de mon bateau. Je ferme les yeux, espérant désespérément que la plénitude qu'accompagne ses sensations, me traverse.

Je descends jeter un coup d'oeil au buffet de l'hôtel, bien que ma motivation première pour avoir eu la force de sortir du lit fut cette tasse de café en main. La chaleur est écrasante déjà à cette heure de la journée. Heureusement que les tables trônant sur l'arrière-cours sont recouvertes d'auvents en pailles, permettant à l'ombre de s'infiltrer. Ça, ajouté à la légère brise provenant de l'océan en contrebas, fait que le temps est bien plus supportable.

Je ne devrais pas me prélasser de cette manière, comme si le temps ne m'était pas compté. Je ne devrais pas... et pourtant. Je ressens un vide face à ce nouvel échec. Mais cette fois, la peur vient s'insinuer en moi. Je ne sais pas où je vais.

Et si je ne trouvais pas mes réponses ? Je ne pourrais plus me regarder dans le miroir. Noah a fait tellement pour moi... Tant de choses dont je ne pourrai plus jamais lui rendre la pareille. Je lui dois bien ça. Une dernière fois...

Et malgré tous mes problèmes, ce foutu connard arrive quand même à s'immiscer dans mon crâne. Je n'ai plus de raison de recroiser son chemin et ce n'est pas grave car c'est un inconnu. Une personne de passage, que l'on oublie rapidement. Pourtant, une partie de moi est légèrement déçue face à cette idée. J'espérais vraiment qu'il me soit d'une grande aide... Mais je dois me résigner, Alek n'apporte rien à ma quête de vérité, je dois trouver une nouvelle tactique.

Je secoue la tête et décide de profiter du peu de paix que je peux m'accorder. Tout en sirotant un deuxième café, j'étire mes jambes devant moi et me lance dans un nouveau livre. Mais mes pensées sont happées sur les événements de la veille, mon cerveau refusant de se concentrer sur les mots devant moi.
Décidément, je n'y échapperais pas.

Le soleil s'immisce doucement sur mon corps et m'indique qu'une bonne heure au moins s'est écoulée. Sa douce brûlure m'oblige à me replier dans ma chambre. Cosmos halète comme un fou et soupire de soulagement lorsqu'il s'allonge de tout son long sur le carrelage froid. Je le caresse, démêlant au passage les noeuds qui se forme dans son pelage, lorsque mon téléphone vibre.

Numéro inconnu : Je suis désolé pour hier, on peut se voir ce soir?

Je reste bouche bée devant l'écran, incapable de faire marcher mes neurones. Ma première question est de me demander comment il a eu mon numéro. Mais vite plusieurs autres se bousculent. Même si j'avais envie de le voir, ce qui n'est pas le cas, qu'est-ce qu'il croit ? Que cela effacera la façon dont il s'est comporté ? Qu'un simple message balayera ma colère ?

Ce texto se veut un drapeau blanc pourtant il augmente mon énervement. Malgré tout, la curiosité prend le pas et me pousse à accepter. Et d'une certaine manière, je rêve de le faire mariner dans ses excuses, comme une vengeance personnelle.

Moi : D'accord.

Numéro Inconnu : 20h. Chez moi. Je t'envoie l'adresse.

Son message transpire déjà l'arrogance. Je sens que je vais regretter mon choix...
Je me laisse tomber sur le lit dans un soupire. De nouveau face au plafond, je laisse mes pensées vagabonder librement, trop fatiguée pour en contrôler le contenu. Un peu trop apparemment car des yeux noisettes viennent me parasiter avant de sombrer dans le sommeil.

Un bruit constant vient déranger ma tranquillité. J'émet un grognement et encore groggy, je tente d'en repérer l'origine. Cela ressemble étrangement à une vibration de téléphone. À taton, je mets la main sur mon portable et décroche, les yeux encore fermés.

« Allo? »

«  Sasha ! »

Je me redresse d'un coup. Je reconnais cette voix. Le soulagement la fait monter dans les aiguës, mais je ne connais que trop bien cet accent du sud. J'avale ma salive avec difficulté, cherchant des mots sans pour autant être capable de les prononcer.

«  J'étais si inquiète ! Tu es partie sans prévenir. Tu vas bien ma chérie ? »

Sa remarque m'arrache un rire amer. C'est comme si, à ses yeux, j'étais partie hier alors que ça fait 2mois. Pas un appel. Pas un message.

«  Je vais bien maman. »

«  Ça me fait plaisir d'entendre ta voix, ça fait si longtemps... »

Un silence s'installe entre nous. Il y a tellement de choses dont j'aimerais lui parler. Me confier. Rattraper le temps. Une partie de moi, la plus naïve, espère que maman va mieux. Que je peux me fier à elle. Mais je ne peux pas prendre ce risque. Ça me déchire de la savoir là, mais inatteignable.

«  Où es-tu ? »

« Quelque part dans l'océan. Tu me connais, la terre ferme c'est pas trop mon truc »

Un petit rire s'échappe du combiné et réchauffe mon coeur. Bon sang, ce que ça m'a manqué !
Ma gorge se noue de tristesse et j'inspire profondément pour dissiper tant bien que mal ce noeud. J'ai besoin d'elle. Mes barrières s'écroulent et sans réfléchir je lui demande :

« Comment tu vas toi? Tu prends toujours ton traitement ? »

«  Oui évidemment ! Je me sens mieux que jamais. J'ai même repris un petit peu le travail. »

«  Mais non ! C'est super ! »

«  J'ai aussi commencé le yoga. Tu devrais essayer, ça aiderait pour tes crises d'anxiété »

« J'y penserai. »

« Tu sais, tu nous manques beaucoup ici.. Côme me demande constamment de tes nouvelles »

Mon sang se glace. Ses paroles me ramènent à la réalité. Ma réalité. Celle où je dois me protéger de ma propre mère.

« Je peux te le passer si tu veux, il est à coté de moi. »

L'angoisse me paralyse le corps. Seule ma bouche fonctionne et crache les mots à toute vitesse, telle une urgence. Celle de fuir.

«  Non non non. C'est bon je dois y aller de toute façon. Je t'aime fort. »

«  Moi aussi ma chérie. On se rappelle vite hein ? »

«  Oui bien sur »

Les larmes me montent aux yeux. Mon coeur se brise un peu plus à chaque fois. Je ne la rappellerai pas. Je n'arriverai pas à la sortir des griffes de ce monstre. Je ne la reverrai plus jamais. Je suis sur le point de m'écrouler lorsqu'une voix masculine tinte dans mes oreilles.

«  À très vite Sasha. »

Je raccroche instantanément. La peur tiraille mes intestins et se mêle avec la tristesse dans un cocktail meurtrier. Je me laisse glisser au sol et recroquevillée, je pleure encore et encore. Les soubresauts se joignent aux tremblements. Je suis incontrôlable. Déréglée. Je n'arrive plus à m'arrêter.

Une heure passe sans qu'aucun changement ne s'opère. Lorsque les larmes ne coulent plus par manque d'eau, je jette un coup d'oeil à l'heure. 18h57.

Je ne veux pas aller chez Alek. L'insécurité est partout. Je suis à découvert. Mais je pense à cette femme que j'aime tant. Il faut continuer. Elle l'aurait voulu. Jamais je ne la sauverai si déjà je ne peux pas arriver à bout de la vérité sur la mort de son fils.

Difficilement, je me lève et vais me préparer. Mon reflet est pire chaque jour qui passe. Je suis pale et mes traits sont tirés. Mes yeux sont gonflés et rougis. Mes cheveux plaqués en arrière perdent de leur éclat.

J'étire les lèvres dans un sourire figé, me demandant bien qui je vais réussir à berner.

L'ombre des vaguesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant