Chapitre 21 - Infiltration

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La pièce garde cette même odeur, celle du tabac froid. J'arpente avec délicatesse le parquet pour venir me poster devant la bibliothèque. Toute cette situation me donne l'impression d'un gros déjà-vu. Pourquoi il faut toujours que je me retrouve dans des situations pareilles ? Non pas que je compare Côme à Alek...

Sur les étagères, les livres sont disposés par genre. Il y en a de toutes sortes allant de la mythologie Grecque à de la politique, passant par des livres de cuisine. J'effleure du bout des doigts les reliures abîmées mais ne comprend pas un mot des titres qui s'y trouve. Mon grec est décidément moins bon que ce que je pensais...

Je laisse de coté la bibliothèque pour venir me concentrer sur le bureau. Le tiroir s'ouvre sans que je n'ai recours à la force et la première chose qui me saute aux yeux, c'est ce cliché de Noah et le lieutenant Iossifidis. Cette même tristesse et incompréhension s'empare de moi comme la première fois. Mes yeux parcourent du regard les courbes du visage de mon frère, de son sourire. J'enregistre chaque détail, tentant tant bien que mal de maintenir un souvenir précis de Noah.

Plus les mois passent et plus il m'est difficile de me rappeler de certaines choses, comme son grain de beauté etait-il sur la joue droite ou gauche ? Ça me tue de ne pas arriver à me rappeler. C'est mon frère jumeau, s'il y a bien quelqu'un qui devrait savoir, c'est moi !

Je serre les poings pour tenter de me calmer. Il faut que je reste concentrer. Ne pas laisser les émotions prendre le dessus. Je m'attarde quelques secondes de plus sur l'image avant de la déposer sur le côté et inspecter le contenu qui se trouve en dessous.

Il n'y a pas grand chose, des papiers administratifs essentiellement. Je mets ma main sur un relevé de compte en dessous de la pile. Le document date d'un an ce qui attire ma curiosité. Plusieurs mouvements d'argent ont été réalisé par le père d'Alek dans le mois de sa mort. Encore plus étrange, d'assez grosses sommes d'argent ont été viré sur son compte. De vraiment grosse sommes....

Cela ressemble fortement à un pot-de-vin. Son père n'aurait pas été réglo? Peut-être qu'il aurait menacé Noah s'il ne lui obéissait pas? Mais ça ne colle pas avec le reste. Leur proximité, la lettre qu'il m'a adressé me faisant part de son entente avec son lieutenant.C'est à rien n'y comprendre...

J'ai vite fait le tour du tiroir sans trouver plus de réponse à mes questions. Je tente ma chance dans la petite commode au fond gauche de la pièce. D'autres photos m'accueillent, mais cette fois, la qualité se fait moins belle. Elles sont cornés et jaunis à certains endroits signe d'une certaine vieillesse.

Je reconnais le père d'Alek ainsi que son grand-père. La ressemblance est folle. Alors quand un Alek haut de trois pommes se joint au tableau, c'est des vrais clones qui se présentent devant moi. Je parcours les autres photos, observant un Alek adolescent avec les cheveux remontés en chignon, un Alek entrain de pêcher avec des mèches éclaircis par le soleil. Je souris devant son air victorieux en pointant son poisson de l'index.

Ça me fait bizarre de le voir si différent de maintenant... Je me demande comment il était plus jeune. Bagarreur et explosif ? Calme et introverti ? Est-ce qu'il travaillait bien à l'école ? Etait-il l'un de ces enfants qu'il fallait forcer à manger des légumes ?

Je me pince la lèvre tout en secouant la tête.
Ne sois pas ridicule Sasha.
Je dépose les clichés et inspecte la suite de la commode. Sans grand succès. Dans un soupire, je me laisse tomber sur le fauteuil fasse à la bibliothèque.

Ce n'est quand même pas possible qu'il n'y est rien ici ?! Mon instinct me pousse à poursuivre, mais je ne sais pas comment m'y prendre. Les yeux dans le vague, je me creuse les méninges tout en tripotant nerveusement les peaux mortes autour de mes ongles.

Attends une seconde. Qu'est-ce que c'est que ça? Je penche la tête pour plus précision.
Je ne rêve pas!

D'un bond je me lève et m'approche de la bibliothèque. J'attrape la couverture rouge d'un livre sur la droite. Le titre est écrit en blanc et... en français. Vingt milles lieux sous les mers.

Qu'est-ce que vous faisiez avec ceci, lieutenant ? C'est certes un classique, mais nous ne leurrons pas, il n'y a aucun livre de littérature dans cette bibliothèque. Encore moins dans une autre langue que le grec. Je l'ouvre prudemment, mais quelques feuilles glissent au sol malgré tout.

L'excitation parcourt mes veines à mesure que les secondes passent. Je sens que je tiens quelque chose. Je le sais ! Je me baisse à toute hâte pour ramasser les papiers et mes yeux se posent instantanément sur les mots dessus cherchant à déceler leur mystère. Ils passent frénétiquement de la gauche à la droite, absorbant toutes les informations possibles. À mesure que je progresse dans ma lecture, ma bouche se fait plus sèche et mon teint plus pale.  Je dois m'adosser contre le meuble pour ne pas défaillir. Mes mains tremblent tant l'émotion est intense.

Le document est officiel et retrace l'arrivée des français sur l'île. Il est noté qu'un en particulier a accepté la mission et a choisi quatorze de ses camarades pour la mener à bien avec lui. Cette mission consistait à ramener illégalement à Naxos certaines personnalités politiques grecques qui avait été exilé en France. Le nom de mon frère est noté en grosse lettre, étant décrit comme l'un des deux coordinateurs de la mission. Le deuxième étant Joseph Iossifidis. Le père d'Alek. Il ne donnait donc pas les ordres à Noah, mais les faisaient appliqués à ses cotés. Mais pourquoi Noah a-t-il accepté ça ?

Les paroles d'Helena me revienne en tête. Il a expliqué faire ça pour nous. Mais quel est le lien ? Quelque chose ne colle pas, il manque une pièce du puzzle. Bon sang, si seulement je pouvais mettre la main dessus.

Un deuxième document se cache derrière, mais contrairement au premier, celui-ci est une missive où le lieutenant s'adresse à son fils.

« Cher Alek,
Je n'ai que peu de temps alors je serais bref. La mission s'est compliquée, notre escorte se voit obligée d'aller à l'entrainement de reprise d'île à Athènes. Ma source m'affirme qu'ils comptent nous éliminer là-bas. Tu dois les empêcher de s'en prendre à Noah, coûte que coûte. Contacte la source, elle t'expliquera.

Je compte sur toi fils,
En espérant pouvoir te revoir »

Je ne sais plus quoi penser. Ma tête va exploser. J'ai envie de vomir. Je ne réfléchis plus. Le pilote automatique se met en route et je sors de la pièce, les papiers toujours en main. Je les ranges dans le porte document marron, contenant tous mes trésors. Ce dernier va directement dans mon sac, ainsi que tous mes vêtements.

Mes gestes sont rapides et maladroits. C'est devenu une nécessité, je dois partir d'ici. Le choc a fait place à la colère. Une colère sourde dirigée tout droit contre Alek Iossifidis.

Cosmos me suit dans l'incompréhension lui aussi. Je dévale à toute vitesse les marches de l'escalier, mon sac en main, manquant de peu de me rétamer sur le parquet. J'attrape un stylo dans la cuisine et griffonne à la hâte sur un papier mon message.

« MENTEUR !! »

Si je pouvais cracher dessus je le ferais. Bordel ce que je le ferais !

Dans un dernier élan, je compose à toute vitesse un numéro de téléphone. Il ne faut que quelques sonneries avant que la personne ne décroche. Je ne lui laisse pas le temps d'émettre le moindre son, déversant à toute vitesse les mots comme un besoin primaire.

« J'ai besoin d'aide. »

L'ombre des vaguesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant