Chapitre 11 - La chaleur grimpe (2)

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Même après être passé à la caisse payer nos maillots de bain, la tension entre nous n'est pas redescendue. Mais finalement, ce n'est pas si désagréable. Cela me fait penser à autre chose que le poids qui pèse sur mes épaules constamment. Et pour une fois, je m'amuse réellement.

Je repère vite un deuxième magasin pour acheter des serviettes de plages, mais Alek refuse de m'y accompagner, prétextant que je pouvais choisir celle que je voulais. Je vais m'en donner à coeur joie.

Je parcours des yeux les étagères pleines à craquer. Mon choix est vite fait. Je prends une serviette bleue basique pour moi, tandis qu'Alek aura le droit à quelque chose de plus...fantastique on va dire. J'aborde un sourire victorieux en arrivant à la caisse, tandis que l'employé me lance des regards perplexes. Je l'ignore royalement, il faut dire que ça fait un moment que le regard des autres ne m'atteint plus. Avoir failli mourir deux fois fait cet effet, parait-il.

La chaleur m'agresse à la sortie du magasin. Je cherche Alek du regard avant de le trouver au coin de la rue, en pleine discussion avec un homme. Il semble assez vieux, le dos vouté et les paupières tombantes. Malgré qu'il se tienne de sa main droite à sa canne, il semble exploser d'énergie. Il tapote le dos d'Alek de sa main libre, qui ce dernier, étouffe un juron. Cela m'arrache un petit sourire et pour une raison que j'ignore, mon instinct me dicte de rester en retrait. Je me retrouve comme une voyeuse, à moitié cachée par un stand de glace, à espionner chaque réaction d'Alek.

La ressemblance entre les deux hommes me frappe soudainement, malgré la différence d'âge assez importante. Leurs yeux se plissent de la même manière lorsqu'ils jaugent les propos de leur interlocuteur. Ou encore, la manière de se gratter le menton lorsqu'ils réfléchissent. Mais Alek a ce petit quelque chose en plus dans le regard. Il me faut quelques secondes pour comprendre de quoi il s'agit et surtout, où est-ce que je l'ai déjà aperçu. Mais maintenant, cela sonne comme une évidence.

Cette lueur, c'est dans mes yeux que je l'ai vu. Ce grain qui témoigne d'une souffrance vive et profonde, dont on ne se défait jamais vraiment. On aura beau panser nos plaies, cette lueur restera, comme une marque au fer rouge de notre passé. La mort de son père doit certainement en être la cause principale, mais je soupçonne autre chose de s'y cacher. Une curiosité non feinte nait en moi. Cet homme semble d'une complexité redoutable. De l'extérieur, d'une légèreté et insouciance digne d'un enfant. Mais, plus je regarde de près, plus se dessinent des tourments entrelacés et teintés d'une noirceur que je ne connais que trop bien.

Alek me ressemble bien plus que je ne le pensais. Cette pensée se pointe d'une tristesse, car personne ne mérite de ressentir une telle souffrance et une telle solitude. Je vois maintenant le jeune homme d'un œil nouveau et la culpabilité m'empare. Je l'utilise. Il ne mérite pas ça.

Comme s'il m'avait entendu, il se retourne dans ma direction. Ses sourcils, toujours froncés sous les rayons du soleil, m'interrogent. Alors, je m'avance vers les deux hommes, tentant tant bien que mal de dissiper le noeud qui s'est formé dans ma gorge. J'aborde un sourire de façade tandis que l'oeil vif du vieil homme me jauge.

- Kaliméra, soufflé-je dans un léger hochement de tête.

L'homme me rend la pareil tandis qu'Alek fait les présentations, visiblement gêné.

- Hum...Sasha, voici mon grand-père. Papou, eínai i Sása.

L'homme m'observe avec intérêt. Malheureusement, la barrière de la langue ne me permet pas de parler d'avantage avec lui. Une pointe de regret montre le bout de son nez. J'aurais pu en apprendre davantage sur le père d'Alek et donc sur mon frère... Oui, c'est ça, convaincs toi.

L'ombre des vaguesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant