La terrasse du café donne directement sur l'eau. Les quelques personnes qui sirotent tranquillement un café frappé - traditions grecques - sont protégés du soleil par une pergola blanche, laissant passer la fraicheur du vent. Je repère Helena aisément, toujours habillée de son uniforme militaire. Elle est assise dans un coin et pianote sur son téléphone en m'attendant. Je regarde autour de moi avant de m'exposer davantage, plus par réflexe que par réelle méfiance envers elle. Un sourire se dessine sur son visage lorsqu'elle m'aperçoit.
- Bonjour, Sasha.
- Merci d'avoir trouvé du temps pour me voir.
- Oh je t'en prie, tutoie moi, demande-t-elle tout en balayant ma phrase d'un revers de main.
Je souris et accepte d'un mouvement de tête.
Par où commencer ?
J'ai tellement de questions, de doutes, que tout se bousculent dans ma tête. Elle semble percevoir mon trouble et me laisse le temps nécessaire pour rassembler mes idées. Cette simple attention me touche.- Tu pourrais me raconter son arrivée sur l'île ? je l'interroge d'une voix timide.
- Bien sûr ! S'exclame Helena dans un demi sourire. Je m'en rappelle drôlement bien. C'était au début du mois de mars, la caserne était assez calme, beaucoup de militaires se sont vu accorder une permission et profitaient de ce repos bien mérité. Alors évidemment quand quinze français ont débarqué sans lieutenant, avec comme seul ordre, une feuille signée, ça a fait du bruit.
Helena rit légèrement avant de reprendre.
- Nikolas Masalis était déjà en charge de la caserne à ce moment là. Il ne semblait pas surpris mais n'avait rien organisé, ni prévenu personne pour autant. Je te dis pas ! Les autres militaires n'étaient pas très contents. Beaucoup se méfiaient de ces étrangers qui ne parlaient pas un mot de grec.
Le serveur vient prendre nos commandes. Je n'ai même pas regardé la carte, déjà trop absorbée par le récit de la militaire. Alors je décide de prendre comme elle, sans vraiment savoir ce que c'est. Elle le remercie avant de reprendre.
- Enfin bon, des insulaires quoi ! Pour ma part, j'ai déjà travaillé avec des français alors ça ne me dérangeait pas tant que ça. Et puis entre militaires, il faut se serrer les coudes. Et c'est exactement ce qu'on a fait...
- Vous les avez hébergé, complété-je.
- Exactement. Certains avaient de la place, alors ils en prenaient plusieurs. Mais chez nous, c'est assez petit, et puis André, mon mari, aime son intimité. Il n'est pas militaire tu comprends, alors tout ce coté famille, partage, il ne comprend pas bien.
Je hoche la tête. Je comprends tout à fait. Plusieurs fois je me suis fait la remarque, cette impression que les nouveaux camarades de Noah étaient devenus sa nouvelle famille...
- Le faite que ce soit Noah que nous avons hébergé, était plus un hasard. Mais nous avons été ravis ! Il était très reconnaissant de ce qu'on faisait pour lui. Il faisait toujours attention à ne pas déranger notre petite routine, s'intéressait à notre culture, nos coutumes etc...
Mon coeur se gonfle de fierté et de soulagement. En seulement quelques mots, elle m'a conforté dans l'idée que je me faisais de mon frère.
Le serveur nous apporte deux cocktails. Le liquide est rose et surmonté d'une petite ombrelle colorée. Helena m'apprend que ça s'appelle un Slush Ouzo à la framboise. Je m'empresse d'y déposer mes lèvres tandis qu'une douce note de sucrée suivie du goût de l'anis, réveillent mes papilles. Helena aborde un air victorieux devant mon approbation.- Et cela a duré un mois donc ?
- Oui, environ. Nous ne le voyions pas beaucoup la journée, ils étaient assez occupés. Mais chaque soir, il rentrait nous aider à préparer le repas. Il n'en a manqué aucun.
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L'ombre des vagues
RomansaSasha fuit depuis 68 jours sa ville natale à bord de son voilier, espérant tant bien que mal semer le démon à qui elle a ouvert sa porte. Mais plus que ça, elle cherche des réponses. La mort de son frère qui paraissait un simple accident dramatiqu...