- 26 - Traquée

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L'angoisse me noue la gorge. Ces images, si claires et si terrifiantes, me laissent présager le pire. Je lève les yeux vers le père de Virgile, son regard fixé sur moi, implorant une réponse. Mon cœur s'accélère. Je lui décris alors, d'une voix tremblante, ce que j'ai vu : l'obscurité, la corde, le poignard... Et cette ombre menaçante.

Il me fixe, insistant. 

- Il doit y avoir un détail, quelque chose qui nous mènera à lui. Une marque, un objet, n'importe quoi qui pourrait nous révéler l'identité de son ravisseur.

Je ferme les yeux, replongeant dans ces images troubles. Chaque détail compte désormais, chaque ombre pourrait dissimuler un indice crucial.

Cette corde, d'un éclat presque métallique, me revient avec une force inouïe. Je la vois, tendue, brillante sous la lumière... Étrangement hors de propos dans cette obscurité. Et puis, cette main... Féminine, élégante, serrant le poignard avec une telle assurance. Le rire de cette femme résonne encore dans mes oreilles, un écho glaçant dans ce lieu vaste et lugubre. Le père de Virgile, le front plissé, me demande de décrire cette corde. 

- Elle est... Brillante. Murmure-je, comme si elle était neuve, ou en or.

Il hoche la tête, son regard s'assombrissant.

- Il doit s'agir de la corde des damnés. Lâche-t-il, la voix grave. Cette relique, disparue depuis des siècles... Comment a-t-elle pu ressurgir ? Et surtout, entre les mains de qui ?

Il se frotte les tempes, l'inquiétude le tenaille. Soudain, il se lève, le visage crispé. 

- Comment quelqu'un, à part un ange, peut-il connaître l'existence d'un tel artefact ?

Je reste bouche bée. Il continue. 

- La corde des damnés... Un tel objet entre les mains de quelqu'un qui veut du mal à Virgile ? C'est impensable. Cette corde nous brûle, nous neutralise. C'est comme si notre essence même était attaquée. Je comprends alors pourquoi mon fils est si vulnérable. Je pense que son ravisseur en sait beaucoup trop sur nous. Et je crains que ce ne soit un des nôtres.

Je le regarde, surprise. 

- Josh.... ?

Il secoue la tête. 

- Non. Leur différend ne justifierait pas ça. J'ai vu le regret dans ses yeux après l'incident du bal. Celui qui a fait ça veut faire souffrir Virgile, et plus encore, le détruire.

Un nom s'impose à moi, un nom qui me glace le sang. Je le regarde, incapable de prononcer ce mot. Il sent mon trouble et me demande des explications.

- À en juger par votre expression, vous pensez à quelqu'un. Dites-moi tout !

Je lève les yeux au ciel, exaspérée. 

- Non, je doute que cette personne s'en prenne à Virgile, bien au contraire !

Il lève un sourcil, intrigué. 

- Comment cela ?

- Je pense... Enfin, je suis persuadée que cette personne a des sentiments pour lui. Elle ne lui ferait jamais de mal.

Il secoue la tête, amusé. 

- Vous avez bien des choses à apprendre, ma chère. Au contraire, ce sont souvent ceux qui aiment qui font le plus de mal. La jalousie, la possessivité, ce sont des sentiments très puissants. Alors dites-moi tout, à qui pensez-vous ?

- Gaïa, répondis-je, la voix tremblante. Il semblerait qu'elle soit très jalouse. J'ai moi-même dû lutter pour ma survie. Elle a tenté de me tuer à plusieurs reprises, heureusement, mes dons et Virgile étaient là pour me sauver.

Il fronce les sourcils, l'air pensif. 

- Gaïa... Ce nom me dit quelque chose.

Il se frotte les tempes, cherchant dans sa mémoire. 

- Est-ce une ange ?

- En effet, de ce que l'on m'a rapporté, elle aurait été responsable de plusieurs morts inexpliquées, toutes des filles qui avaient de l'affection pour Virgile.

Il baisse la tête, l'esprit confus, et coupable. Il semble avoir souvenance d'elle. 

- Il y a de cela bien longtemps, Virgile était destiné à épouser Gaïa, seulement, il a rencontré Ariel. Tu n'es pas sans savoir que tu es la réincarnation d'Ariel ? À cette époque, nous ne pouvions aller contre la volonté de Virgile et il est vrai que Gaïa en a souffert, mais je pensais qu'elle était passée à autre chose. Je ne me doutais pas qu'elle... Il faut que nous agissions vite, avant qu'il ne soit trop tard.

Connaissant maintenant l'histoire, il est évident que Virgile ne pouvait pas rester entre les mains de Gaïa, d'autant plus qu'elle connaissait les faiblesses des anges et n'hésiterait pas à s'en servir.

- Nous devons le sauver. Dis-je déterminée.

À la demande de ce dernier, je fouille dans les tréfonds de mon esprit, espérant y dénicher le moindre indice sur la localisation de Virgile. Chaque seconde qui passe est une éternité. Le stress me serre la gorge, me tétanise. Et si mes souvenirs me trahissaient ? Et si je ne parvenais pas à le retrouver à temps ? L'idée de ne pas pouvoir l'aider me glace d'effroi.

Mes mains tremblent, trahissant mon angoisse. Soudain, je les sens enveloppées dans celles du père de Virgil. Je sursaute, surprise par ce contact inattendu. Ses yeux, plongés dans les miens, reflètent un désespoir abyssal.

- S'il te plaît, retrouve mon fils. 

Sa voix, tremblante, me glace le sang. Je le regarde, impuissante. Il a placé tous ses espoirs en moi, mais suis-je capable de les justifier ? Comment pourrais-je affronter les dangers de ce monde inconnu, moi qui n'en suis qu'une novice ? La peur me paralyse.

Je plonge à nouveau dans les abysses de mon esprit. Des bribes d'images défilent : une porte en fer, un couloir obscur, un cri étouffé... Je vois Virgile, mais son visage est flou. Je perçois un symbole étrange, une sorte de clé, et un lieu... Un endroit que je ne reconnais pas. C'est comme si un voile se levait, mais seulement en partie.

Au fur et à mesure que je décris la vision, je sens son corps se tendre. Il me coupe le mot :

- C'est là. 

Sa voix est faible, mais empreinte d'une certitude glaçante. Il me raconte alors l'histoire de cette usine, un lieu hanté par les fantômes de son passé. C'est là que Virgile a perdu sa femme, là où il a pris cette décision terrible de se couper du monde.


AuroraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant