II

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Alessandra

Je sens tous les regards braqués sur moi, mais je refuse de me laisser déstabiliser. Je déteste être au centre de l'attention, et encore plus quand c'est à cause d'elle. La professeure, celle que j'ai défiée hier, semble s'amuser de la situation. Elle a clairement l'avantage, et elle le sait. Mais je ne lui donnerai pas cette satisfaction.

Lentement, j'enlève mes lunettes, dévoilant mes yeux vairons. L'un vert, l'autre bleu. 

— Enfin, mademoiselle, c'est mieux ainsi, dit-elle d'un ton narquois, le sourire en coin.

Je sens son regard glisser sur mon visage, comme si elle cherchait à comprendre quelque chose de plus profond en moi. Je laisse mes lèvres s'étirer en un sourire joueur avant de répondre, ma voix douce et légèrement moqueuse.

— Si votre seul objectif était de voir mes yeux, vous auriez pu le faire de manière plus directe.

Je me penche légèrement vers elle, me rapprochant, mes doigts frôlant brièvement le bord de son bureau. Une chaleur inattendue traverse ce contact, et je remarque un éclat d'hésitation dans ses yeux. Elle détourne rapidement le regard, reprenant contenance, mais je sais que j'ai touché un point sensible. Son sourire disparaît, et son ton devient plus sec.

— Assez de bavardages. Nous sommes ici pour un cours, pas pour vos plaisanteries, dit-elle, coupant court à la conversation.

Elle marque une pause, son regard balayant la salle d'un air assuré, presque autoritaire, comme si elle reprenait définitivement le contrôle. 

— Je suis Livia Harris, et ce semestre, je vais vous enseigner la littérature contemporaine. Ce cours portera principalement sur les évolutions des courants littéraires modernes, ainsi que sur les enjeux sociaux et politiques que l'on retrouve dans les œuvres les plus marquantes de notre époque. J'attends de vous un esprit critique affûté et une capacité à analyser en profondeur. Autant dire que l'insolence ou les distractions ne seront pas tolérées ici.

Un silence s'installe dans la salle. Personne ne bronche. Moi, je la fixe toujours, amusée par son petit discours. Sous ses airs de professeure stricte, je devine une autre facette d'elle. Peut-être plus intéressante, plus imprévisible. Peut-être plus vulnérable aussi.

Cette journée va définitivement être plus captivante que je ne l'aurais imaginé.

Le cours se termine enfin, et je prends mon temps pour ranger mes affaires, observant discrètement les autres étudiants qui sortent. Je veux être la dernière, juste pour la fixer une dernière fois et comprendre ce que j'ai cru voir au début du cours. Ce regard, cet intérêt, était-ce réel ?

Je me lève enfin et m'avance vers la porte, espérant capter à nouveau cette lueur. Mais quand je croise son regard, tout ce que je reçois, c'est un mépris glacé, comme si je n'étais qu'une simple perturbation dans son emploi du temps. Mon cœur rate un battement. Peut-être que je me suis trompée.

Je me rapproche un peu plus, et cette fois, je laisse mon épaule frôler la sienne en passant. Un geste subtilement calculé, mais qui en dit long sur ce qui me traverse l'esprit. Son corps se tend légèrement à ce contact, mais elle ne dit rien, me laissant partir avec cette étrange tension flottant encore entre nous.

A peine ai-je franchi la porte que je tombe nez à nez avec le jeune homme blond de tout à l'heure. Un sourire en coin se dessine sur son visage.

— Nolan Mancini, dit-il en tendant la main. Tu t'es bien débrouillée là-dedans, mais je crois que la professeure n'a pas trop apprécié ton intervention.

Entre deux viesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant