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Alessandra

Le réveil est brutal. La douleur martèle mon crâne dès que j'ouvre les yeux. J'aurais dû m'en douter. La soirée d'hier était un chaos d'alcool et de musique assourdissante. Mais sur le moment, tout semblait si facile. Si nécessaire. Maintenant, le prix à payer est ce mal de tête qui me donne l'impression que mon cerveau est sur le point d'imploser.

Malgré tout, je dois me dépêcher de récupérer ma carte étudiante à la fac.

Je me redresse doucement dans le lit, les draps froissés glissant de mes épaules. L'appartement est plongé dans une demi-obscurité, la lumière grise du matin passant à peine à travers les rideaux. Je jette un coup d'œil autour de moi. Des bouteilles vides, des cendriers pleins. C'était la tempête, et je suis au milieu de son épave.

Je me lève en titubant, chaque pas résonnant dans ma tête comme un coup de marteau. Une douche. Il me faut une douche. L'eau chaude s'écrase sur ma peau, m'apaisant un peu, mais pas assez pour effacer cette sensation de lourdeur qui m'envahit. Je ferme les yeux, laissant l'eau couler. Deux mois que je suis rentrée d'Italie, et je n'ai toujours pas répondu à un seul de ses appels.

Je ne suis plus Rossetti. Ici, en France, je suis Baldini, comme ma mère. C'est ma manière de lui échapper, de ne plus être liée à tout ce qu'il représente. Deux mois de silence. Deux mois sans répondre, sans céder à ses injonctions.

Je sors de la douche, enroule une serviette autour de moi et m'avance vers la machine à café. Son ronronnement familier me réconforte un peu. L'odeur chaude du café envahit la pièce. J'attrape une tasse et m'appuie contre le plan de travail.

Mon téléphone vibre, cassant le silence. Je le fixe un instant, hésitant. Mon instinct me dit de ne pas regarder, mais je le fais quand même. Je le déverrouille et je ne suis même pas surprise en voyant l'écran.

"Appelle-moi."

Je serre les dents. Encore ce message. Encore lui. Depuis mon retour en France, il m'a inondée de ces injonctions, comme si je lui devais toujours quelque chose. Comme si je n'étais qu'un pion qu'il pouvait déplacer à sa guise. Mais je sais ce qu'il veut. Ce contrôle, ce besoin constant de me ramener dans son monde, sous son pouvoir.

Je repose le téléphone sans répondre, le laissant glisser sur la table avec un bruit sourd. Mon père ne lâchera jamais, je le sais. Mais moi non plus. Pas aujourd'hui. Pas maintenant.

Sans réfléchir, je lance Vivo per lei. La voix douce et puissante emplit la pièce, enveloppant chaque recoin de cet appartement silencieux. C'était la chanson préférée de ma mère. Chaque fois que je l'écoute, c'est comme si elle était encore là, avec moi. Ça fait mal, bien sûr, mais cette douleur m'apaise d'une certaine manière. Quand tout se bouscule dans ma tête, cette musique est mon refuge.

Je me lève, la mélodie résonne dans mes oreilles, et je commence à chanter à gorge déployée. Je connais chaque mot par cœur. C'est ma manière de me reconnecter à elle, malgré les souvenirs qui pèsent toujours aussi lourd.

Je fouille dans mes affaires et enfile un t-shirt noir, légèrement trop grand, déchiré sur les côtés. J'enfile ensuite un jean grunge, bleu foncé. Mes tatouages apparaissent sous les manches retroussées, et j'aime ça. Ils sont ma carapace, ce qui me protège du monde, ce que j'ai choisi de montrer. J'ajuste mes Doc Martens noires, usées juste comme il faut. Avant de sortir, je mets une large paire de lunettes de soleil pour cacher mes yeux vairons. Ça évite les questions, les remarques. Après tout, j'ai entendu bien assez de critiques venant de lui.

Une fois arrivée devant la fac, je franchis les portes sans vraiment regarder où je vais. Le bâtiment est censé être presque vide, mis à part le bureau des admissions exceptionnellement ouvert. Ça devrait être tranquille. Je marche d'un pas mécanique, sans prêter attention à rien, encore bercée par les échos de la musique dans ma tête.

Entre deux viesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant