Livia
Mon stylo tourne entre mes doigts, ses clics rompent le silence de la salle vide. Mon regard revient régulièrement vers la porte. Le calme de la pièce fait tourbillonner mes pensées, comme une tempête tranquille qui refuse de s'apaiser. Les élèves ne sont pas encore là, mais mon esprit est déjà perdu dans les souvenirs de la veille et les messages qui clignotent encore sur l'écran de mon téléphone
Je relis encore ces deux messages en boucle. Le premier vient d'Eliot : « La jeune fille tatouée a quitté le bar en furie. » Ce simple message a suffi à éveiller une curiosité nouvelle en moi. Quelle situation a pu provoquer une telle réaction chez elle ?
Le second message, celui de Nolan, est plus bref : « Je n'ai rien dit, mais elle attend des explications. » Mademoiselle Baldini ne se contente pas d'attendre. Elle exige. Une légère inquiétude me traverse à l'idée de ce qu'elle pourrait dire. Elle a ce talent unique de créer une tension que je ne peux ignorer.
Je repose mon téléphone au moment où les élèves commencent à entrer. Mademoiselle Baldini entre d'un pas assuré, son regard croise le mien un instant, mais elle ne dit rien. Pas encore. Elle passe près de moi, son parfum délicat flottant dans l'air, et je me sens légèrement déstabilisée.
— Je veux vous parler à la fin du cours, annonce-t-elle d'une voix sèche, avant de s'installer au fond de la classe.
Le ton est donné. Cette heure de cours sera éprouvante pour nous deux. Elle semble prête à tout, et je peux déjà sentir le poids de ses regards et des sous-entendus dissimulés dans chacun de ses mots. Pendant tout le cours, elle ne manque pas une occasion de me tester, de laisser des remarques à double sens.
Alors que j'explique un passage clé de l'œuvre étudiée, elle lève la main, ses lèvres s'étirant légèrement en un sourire taquin.
— Vous semblez experte en manipulation, non ? C'est quelque chose que vous pratiquez aussi en dehors de la classe ? demande-t-elle avec un ton léger, mais ses yeux en disent plus long.
Je la fixe un instant, tentant de ne pas me laisser déstabiliser. Sa remarque, bien que subtile, est clairement une provocation. Je continue mon explication sans répondre directement, gardant mon calme.
Quelques minutes plus tard, elle relance, cette fois plus directement.
— Vous parlez souvent des luttes de pouvoir mais dites moi, est-ce que vous préférez dominer ou vous laisser mener ? murmure-t-elle.
Elle se penche légèrement vers moi, et sa main frôle le bord de son bureau, laissant une sensation étrange. Je sens qu'elle attend une réaction. Je la regarde avec un sourire léger.
— Il est toujours fascinant d'observer qui, dans une pièce, comprend vraiment où se situe le pouvoir, dis-je calmement, en effleurant son avant-bras de ma main, de manière subtile. Vous, par exemple, Mademoiselle Baldini, savez vous vraiment à quel point il vous échappe ?
Je laissai mes mots glisser entre nous, mon regard accroché au sien, laissant entendre que je savais exactement où résidait ce pouvoir.
Alors que je parle de sincérité dans l'écriture, Alessandra m'assène une nouvelle pique, la voix douce mais acérée :
— Et vous, madame, avez-vous un jour été sincère ? Ou bien est-ce que vous cachez toujours vos vérités derrière des mots ?
Cette réplique me coupe légèrement le souffle. Elle sait comment piquer là où ça fait mal. Je l'ignore encore une fois, mais je sens que le reste du cours sera plus difficile que je ne l'avais anticipé.
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Entre deux vies
Romance"Vivre entre deux mondes, c'est risquer de perdre les deux." Entre secrets et passions, deux femmes aux destins liés luttent pour se libérer de l'emprise de leurs vies cachées. Livia, professeure respectée le jour, cache une identité que personne ne...