Francesco. 18

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Je vois Josepe s'approcher de moi, les épaules courbées, tenant son vieux béret noir par les deux mains.

-Tu voulais me voir ? lui demande-je en le fixant.

- Oui, Monsieur Cesareo.

- Prends place alors, lui dis-je en l'invitant à s'asseoir sur un des fauteuils en face de mon bureau.

C'est la première fois que je vois Josepe venir jusqu'à moi dans mon lieu de travail. Il a toujours nié notre famille, pire, il a parfois même montré son dégoût envers nous. Mais à présent, je sens qu'il a une demande à me faire, et pas n'importe laquelle.

- Vous savez que le prêtre Cozi est sorti hier ? me demande-t-il après s'être essuyé le front avec un vieux mouchoir

- Oui, c'est exact, lui répondis-je en buvant mon café.

- Vous savez ce qu'il a fait à mes deux jeunes filles ? m'interroge-t-il avec un léger tremblement dans la voix.

- Oui, et il a été emprisonné pour cela, non ? Je pose la question, connaissant cette sombre histoire.

- Une de mes filles, l'aînée, Carla, s'est donnée la mort il y a quelques jours, et vous le savez aussi, me dit-il en déglutissant difficilement. Ce criminel a passé seulement deux ans en prison, deux petites années, et il reprendra sa vie comme si de rien n'était, s'indigne Josépé, les yeux larmoyants.

- Oui, je me contente de répondre.

Josepe n'a jamais fait partie de la Famiglia et en était très fier. Il se permettait même de nous regarder avec mépris. Alors, malgré cette histoire si moche, je ne ressens aucun regret. Je reste froid face à lui.

- Je voudrais, du moins, je veux dire, j'aimerais... hésite-t-il.

Je soulève un sourcil, intrigué par cette demande potentielle. Dans mon bureau, en ma présence, personne n'est en droit de demander quoi que ce soit, surtout pas un homme comme Josepe. Ce dernier comprend sa faute, se racle la gorge et reprend la parole.

- Pardon, Monsieur Cesareo. Je voulais dire, j'aimerais savoir ce qu'il faut faire pour obtenir de l'aide de la Famiglia.

Nous y voilà.

- Pourquoi voudrais-tu l'aide de la Famiglia ? lui demande-je en m'enfonçant dans mon siège.

- Je veux la justice. Je veux que le sang coule pour mes filles ! réclame-t-il, les yeux emplis de haine.

-Donc, tu réclames une vendetta, une vengeance. Tu estimes que la justice de ton pays n'a pas bien fait son travail.

- Oui, vous aviez raison depuis le début, votre père et bien avant vous, avoue-t-il en baissant à nouveau les épaules. La justice ne protège que les hommes influents. Elle a oublié mes filles et moi-même, sanglote-t-il.

Je le laisse un peu se ressaisir puis je reprends la parole.

- Je sais où est Cozi. Je sais même où il est allé à l'heure actuelle.

Josépé me regarde, ahuri.

- Que crois-tu, Josepe ? Ce sale prêtre a abusé de deux jeunes filles de ma communauté. Des petites filles que j'ai vu grandir, lui dis-je les dents serrées par la colère. Si tu étais avec moi, dans la Famiglia, si tu avais accepté mon aide, j'aurais pu m'occuper moi-même de son cas, le tuer de mes propres mains pour ses gestes abjectes, même s'il était protégé par le Vatican. Et ta fille aînée serait encore parmi nous, au lieu d'être enterré six pieds sous terre.

Je suis fou de rage car j'aurais pu protéger ces deux innocentes filles mais leur têtu père avait fait aveuglement confiance en la société, en sa justice et avait refusé mon soutien. Quelle justice! Le Vatican avait su protéger son prêtre pédophile et le laver de toutes souillures en le mettant dans une prison protégée à Naples. Josepe se met à sangloter face à la dure réalité et ma vérité. Je me relève et m'approche de lui pour lui serrer l'épaule en guise de réconfortation.

Vœu sicilien, Le Clan CesareoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant