Au lendemain des événements survenus dans la petite église, je sens encore mon corps trembler de peur, et ma cheville me fait toujours souffrir. L'ascension de la montagne n'a fait qu'aggraver la douleur. Comme Francesco me l'a clairement rappelé, je suis désormais l'épouse d'un Chef de famille, et je dois m'habituer à ce genre de situations.
Je me lève péniblement du lit, mes pieds vacillant légèrement sur le sol froid. Je me dirige lentement vers la salle de bain. Elle est entièrement revêtue d'un marbre blanc éclatant. Au fond, une douche à l'italienne trône à côté d'un grand jacuzzi, tandis que des serviettes de bain, soigneusement pliées, reposent sur des étagères en bois blanc. Je ferme la porte à clé, craignant que quelqu'un n'entre. Je me déshabille lentement, mais chaque mouvement déclenche une douleur lancinante à travers tout mon corps.
Je me glisse sous le jet d'eau chaude, espérant que la chaleur apaisera mon corps endolori. Après de longues minutes, je sens enfin mes muscles se détendre, et même la douleur de ma cheville s'atténuer. Le poids des événements semble peu à peu s'effacer sous l'effet de l'eau. Une fois mon dernier shampooing rincé, j'arrête le jet et sors de la douche, attrapant un peignoir blanc moelleux et une serviette pour enrouler mes cheveux encore trempés.
En sortant, je réalise soudain que je n'ai pas de vêtements de rechange. Je me dirige vers le dressing, mais à ma grande déception, il est totalement vide. Je décide de rester en peignoir et reprends ma place sur le lit.
Deux gardes du corps sont postés à l'entrée de ma chambre. J'ai remarqué ceux qui font le guet aux abords du jardin, ceux près de la piscine en bas, et ceux sur la plage en contrebas. Ma fenêtre, une grande baie vitrée, offre une vue sur une jolie crique, mais je préfère garder les rideaux fermés. On ne sait jamais.
Soudain, j'entends quelqu'un toquer et entrer. Une jeune femme, pas plus âgée que moi, pénètre dans ma chambre en portant un plateau.
- Bonjour, Madame Cesareo. Désirez-vous un petit déjeuner ? me demande-t-elle avec un bon accent anglais. Elle est plutôt jolie, avec ses cheveux noirs tirés en un strict chignon.
- Oui, merci, murmuré-je, essayant de ne pas laisser transparaître ma gêne à l'évocation de mon nouveau nom. J'aimerais lui dire que cette identité n'existe pas réellement, qu'elle a été créée sous la pression et la peur.
Elle pose le plateau sur une petite table noire près de la baie vitrée, où le rideau est légèrement tiré.
- Je me présente, je m'appelle Sylviana, la fille de la gouvernante de Monsieur Cesareo.
- Bonjour. Merci pour le petit déjeuner, lui dis-je avec un léger sourire, en me levant doucement pour m'asseoir autour de la petite table.
- C'est normal, Madame, je suis là pour ça, me répond-elle avec une voix légèrement agacée.
Elle se tourne ensuite vers mon lit défait qu'elle commence à ranger par des gestes rapides et précis. Sourcils froncés, elle ne semble pas vouloir être aimable avec moi. Je suis gênée car chez moi, c'était moi qui m'occupait de l'entretien de la maison et de voir une autre personne s'en occuper me met mal à l'aise.
- Vous savez je peux le faire, je lui informe en me relevant doucement de mon siège.
- Non, Madame! C'est mon travail, répète-t-elle encore une fois, encore plus agacée. Et puis vous êtes blessée, dit-elle en jetant un regard vers ma cheville.
En quelques minutes, elle a fini avec mon lit et part dans la salle de bain où j'entends un petit soufflement de lassitude.
Bon, cette Sylviana ne sera pas mon amie, j'en conclue en décidant de prendre mon petit-déjeuner. Au bout de quelques minutes, elle ressort de la salle de bains.
- Avez-vous besoin d'autres choses, Madame ?, me demande-t-elle, les lèvres pincées à présent.
- Non, ça ira, je lui réponds en déglutissant difficilement.
Je ne veux rien lui demander. Je vois bien que je l'insupporte déjà. Sylviana sort de ma chambre en claquant trop fort la porte derrière elle. Je délaisse rapidement mon petit déjeuner. En réalité, je n'ai plus vraiment d'appétit depuis des mois. Depuis que mon père m'a annoncé, un soir d'automne, que j'étais destinée à épouser un certain Francesco Cesareo.
Il m'avait alors expliqué qu'étant endetté auprès de la famille Cesareo depuis des années, il avait promis ma main en guise de remboursement. Contre toute attente, le père Cesareo avait accepté. Mais pourquoi donc ? La famille Cesareo est l'une des plus grandes familles de la pègre italienne ; les prétendantes ne manqueraient pas pour l'aîné, Francesco, surtout pour sceller des liens avec d'autres familles tout aussi importantes. De plus, mon père ne possède qu'une modeste épicerie.
Je ne comprends pas ce que la famille Cesareo y gagnerait en s'alliant à nous. Au départ, je pensais que le fils refuserait ce marché d'un autre temps, mais non. Une parole est une parole, avait conclu mon père face à nos contestations, à Pedro et moi.Difficilement, je reprends ma place sur le lit.
À nouveau, quelqu'un toque à ma porte. Sans attendre ma réponse, un homme assez jeune pénètre, accompagné de l'un des gardes postés à mon entrée
- Bonjour, je suis Frédérico, le médecin. Je viens examiner votre cheville, se présente-t-il en s'approchant.
Lorsque j'essaie de me relever du lit, une douleur aiguë me force à me rasseoir rapidement.
- Ah ! Je vois que vous avez très mal, remarque-t-t-il en posant un sac à dos près du lit. Vous permettez ? Il soulève légèrement le drap et examine ma cheville délicatement. Le garde, posté devant la porte de ma chambre, ne perd pas une miette de la scène. Il doit penser que je vais demander de l'aide à cet homme. Mais cela fait bien longtemps que je n'attends le secours de personne.
- C'est gonflé, signe-t-il après quelques minutes d'examen. Je vais d'abord vous donner des anti-inflammatoires, cela apaisera la douleur. Si dans quelques jours vous ressentez toujours autant de mal, je vous prescrirai une radio. Pour l'instant, je ne pense pas qu'il y ait une déchirure ou quoi que ce soit.
Je me contente d'acquiescer.
- Si la douleur s'intensifie, contactez Armando.
Devant mon regard perplexe, le médecin comprend que je ne connais pas ce fameux Armando.
- C'est votre charmant garde du corps, précise-t-il en désignant l'immense homme placé devant la porte, tout en me souriant. Le jeune médecin a un regard perçant, et j'ai l'impression d'avoir déjà vu ce regard, mais je ne saurais dire où.
Tard dans la soirée, Sylviana pénètre dans ma chambre d'une humeur massacrante.
- C'est ici, informe-t-elle en indiquant trois hommes portant des sacs avec des logos connus.
Je préfère rester sur mon lit, de toute façon ma cheville me fait mal. Tandis que Sylviana range des vêtements dans le dressing, je tourne mon regard vers les rideaux des baies vitrées.
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Vœu sicilien, Le Clan Cesareo
RomanceJeune fille de Little Italy, ma vie devait suivre un chemin tracé : études, travail, et peut-être un mariage avec quelqu'un que j'aurais choisi. Mais tout a basculé lorsque mon père, pour rembourser une dette colossale, m'a vendue à la famille Cesar...