— Je peux être franche ?
— Je vous en prie.
— Les hommes sont des cons égoïstes avec de gros problèmes d'ego. Tous.
Sa belle chevelure blonde ondulait au rythme de ses protestations. Elle n'essayait même pas de cacher son énervement, et je crevais d'envie de savoir pourquoi.
— Pourquoi dites-vous cela ? Une expérience compliquée dernièrement ?
Elle croisa les bras sous sa poitrine, faisant remonter ses seins parfaitement moulés par son débardeur. Je m'en voulais de ne pas avoir suffisamment profité de la vue de son corps dénudé quand j'en avais eu l'occasion.
— J'ai couché avec un homme il y a quelques jours. Il était du genre taquin, mais aussi gentleman. Je pensais qu'avec lui ce serait différent, qu'il pourrait se passer quelque chose, mais rien.
— Est-ce qu'il y a eu pénétration durant votre rapport ?
Ma question, bien qu'abrupte, ne la dérangea absolument pas. Au fil des séances, elle avait appris à se lâcher en ma présence, ne se montrant plus gênée quand il fallait entrer dans les détails.
— Oui. Il a fait son affaire sans prendre la peine de me demander ce que je voulais. Quand il a joui, il s'est endormi sans se soucier de mon plaisir à moi. Pourquoi est-ce que vous êtes tous aussi égoïstes ?
Ma main se crispa si fort autour de mon stylo que je faillis le briser. Quand elle l'avait choisi, je savais très bien qu'il se passerait quelque chose, mais au fond de moi, j'espérais qu'ils n'iraient pas si loin. Loup n'était pas le pire du club, mais sous ses airs charmeurs, il n'était pas aussi tendre qu'il le laissait paraître. C'était un véritable obsédé comme j'en voyais rarement. Son masque lui allait à merveille. Comme le prédateur qu'il était, il appâtait ses proies avec de belles paroles avant de les dévorer toutes crues. Si elle voulait trouver du plaisir, ce n'était pas avec lui qu'elle l'aurait. Alors qu'avec moi...
— Je ne peux pas nier que beaucoup d'hommes ne se soucient pas du plaisir féminin. À cause de la misogynie intériorisée et de la pornographie, beaucoup d'hommes ne savent pas comment donner du plaisir aux femmes, certains ne voulant même pas essayer. Il y a malheureusement du chemin à faire pour que le plaisir féminin soit enfin reconnu comme aussi important que celui des hommes.
— Et vous, comment êtes-vous ? Votre métier vous empêche-t-il d'être égoïste avec vos partenaires ?
Sa question me coupa le souffle. Je ne pus répondre immédiatement tant la surprise était grande. Il y avait tant de choses que je voulais lui dire, mais comment le faire compte tenu de ma position, surtout quand mon sexe commençait déjà à se raidir ?
— Excusez-moi. Ma question était déplacée, je n'aurais pas dû vous demander ça.
— Je m'assure de toujours faire jouir mes partenaires. Un rapport n'est pas terminé tant que les deux n'ont pas trouvé leur plaisir.
— Et si, malgré tous vos efforts, la personne ne jouit pas ?
— Ça ne m'est jamais arrivé. Tous ont frémi de plaisir grâce à ma bouche, mes doigts ou mon sexe.
Un silence s'installa dans la pièce. J'avais écouté mes pulsions et parlé comme si elle n'avait pas été ma patiente. J'avais depuis longtemps dépassé les bornes, et continuer de la prendre en consultation était le pire de tout ce que j'avais déjà pu faire.
— Écoutez, je...
Elle se mordit la lèvre, le regard brillant. Ses cuisses commencèrent à se frotter l'une contre l'autre, tandis qu'elle n'osait plus me fixer dans les yeux. Elle était aussi excitée que moi. Bordel. Qu'est-ce qui m'empêchait de lui faire l'amour sur le bureau, maintenant ?
— Bien, reprenons, lançai-je après plusieurs secondes de silence. Vous m'avez dit avoir eu un rapport très frustrant. Vous n'avez donc ressenti aucun plaisir, qu'il soit corporel ou bien psychologique ? Si vous avez accepté de coucher avec cet homme, c'est que l'envie devait tout de même germer dans votre esprit ?
Elle se racla la gorge, continuant de frotter ses jambes l'une contre l'autre.
— J'avais envie de lui, c'est même moi qui l'ai provoqué. Tout était très excitant, le contexte, le lieu, lui, ses mots, son corps. Je ne pourrais pas dire que je n'ai pas pris de plaisir tant mon esprit était en ébullition.
— Et votre corps, toujours aucune sensation ?
Elle osa enfin reposer les yeux sur moi, m'offrant le privilège d'admirer le vert de ses pupilles.
— Si, à un seul moment. Il me touchait, avec ses doigts. Au début, je ne ressentais rien, mais tout d'un coup, j'ai commencé à percevoir une chaleur dans mon corps. À chaque fois qu'il était en moi, je ressentais comme un courant électrique qui parcourait la peau. Après quelques secondes, la sensation était tellement forte que mon esprit a commencé à se détacher de mon corps. Je n'ai pas supporté, je perdais le contrôle, comme si ma tête arrêtait de fonctionner. J'ai paniqué, alors je lui ai demandé de faire autre chose pour que tout ça s'arrête. À ce moment-là, il a commencé à me pénétrer, et nous avons terminé notre rapport sans que je ne ressente plus rien jusqu'à la fin.
Malgré l'agitation sous ma braguette, j'essayais de noter au mieux tout ce qu'elle venait de me raconter. J'avais mis le doigt sur le nœud du problème, j'en étais persuadé.
— Êtes-vous du genre à lâcher prise ?
— Qu'entendez-vous par là ?
— Quand vous vous promenez dehors, arrivez-vous à vous perdre dans vos pensées jusqu'à ce que le monde disparaisse autour de vous ? Êtes-vous capable d'arrêter de penser en regardant un film ? Savez-vous déconnecter votre cerveau pendant le sexe pour que ce dernier vous laisse profiter de l'instant ?
Elle entortilla le bout de ses doigts dans le cordon de sa veste.
— Non.
— Non à quels points ?
— Aux trois. Je suis incapable d'arrêter de penser. Peu importe le moment, mon cerveau tourne, il ne me laisse jamais en paix.
— Est-ce volontaire de votre part ?
— Absolument pas. Ça a toujours été comme ça, depuis que je suis gamine.
— Avez-vous eu une enfance heureuse ?
— Je ne vois pas le rapport.
— Je pense, au contraire, que ça a tout à voir.
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Les masques de la chair
RomanceQuand je suis entrée dans le club, les règles étaient claires, je ne devais en aucun cas enlever mon masque et montrer mon visage aux autres joueurs. Tout ce qui se passait entre ces murs devait rester secret. À 28 ans, j'avais tout pour être heureu...