CHAPITRE 22 (Louise)

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Le cœur au bord de la rupture, j'agrippais avec rigidité le poil du fauteuil sur lequel j'étais assise. Lors du trajet jusqu'au club, dans le vestiaire pour me changer, dans le long couloir qui m'amenait à la salle de jeu, j'avais hésité à faire demi-tour à chaque étape de mon parcours. Mais désormais proche de l'estrade, en attendant l'arbitre, il était trop tard pour faire marche arrière.

Après les pleurs, c'était maintenant la tourmente qui envahissait mon quotidien. Le sexologue m'avait scotché en m'invitant à sortir. Malgré sa fâcheuse manie de ne prendre aucune pincette à mon égard, il était parfaitement mon genre. À chaque séance, je ne pouvais détacher mon regard de ses cheveux noirs lui tombant avec précision sur ses yeux de la même couleur. Son visage était parfait, l'angulation de sa mâchoire était à frémir, le teint pâle de sa peau m'enivrais, sans compter la douceur de son sourire quand j'avais le privilège qu'il m'en offre un. Son corps, long et fin, me correspondant également parfaitement, n'appréciant pas particulièrement les muscles prêts à exploser. Un homme beau à en crever, expert en sexe, le dragueur parfait par excellence. Un signal d'alerte qui aurait dû me faire fuir, mais prise de court, j'avais écouté mon envie plus que puissante de continuer à découvrir ce personnage énigmatique. Moi qui restais éloignée des hommes par prudence, il était entré dans ma vie de manière inattendue, exactement comme Ours. Cet homme fou dont je ne pouvais nier l'attraction des plus charnels. Il avait su apprivoiser mon corps, comme si mon problème n'était que poussière à son contact. Pour la première fois, je me sentais capable d'un plaisir illimité, je me sentais prête à jouir, à me laisser transporter par tout ce que la vie avait à m'offrir. Le sexologue avait réussi à s'immiscer dans mon esprit, alors qu'Ours avait fait l'impensable en domptant mon corps. Une ressemblance troublante entre ces deux hommes qui ne s'arrêtait pas là. Leurs honnêtetés déplaisantes, cette capacité à lire en moi comme dans un livre ouvert, la finesse de leurs doigts, la pâleur de leur peau et la couleur corbeau de leurs cheveux. Je n'avais vu que trop peu l'entièreté du corps du sexologue, le voyant majoritairement assis pendant nos séances. Mais son buste fin et dessiné avait tout pour m'indiquer un corps aussi élancé que celui d'Ours. Tout cela n'était pas troublant, mais totalement terrifiant. Avais-je des goûts en matière d'hommes bien trop précis, ou tout ceci était-il le coup de malchance le plus terrible ? Les deux pouvaient-ils être...

Me sentant tirée en arrière, un torse vint me stopper dans mon élan, mon dos le percutant dans la foulée. Une main glacée venait de me saisir le bras, me faisant reculer avec force.

— Qu'est-ce que tu fais là ? me chuchota Ours d'un ton plus grave que d'habitude, alors que sa bouche était collée à mes oreilles.

Son parfum m'enivra, ne me donnant pas la force de me défaire de son etreinte. Je pouvais apercevoir quelques regards curieux se diriger vers nous, et à juste titre. Qu'est-ce qu'il faisait ?

— Je t'avais dit de ne pas revenir ici, reprit-il, mordant cette fois le lobe de mon oreille à m'en faire gémir.

— Je ne t'ai rien promis, tu es partie de la chambre avant même que j'aie pu te donner une réponse. Mais cette fois, si tu es prêt à m'écouter, je vais te la donner. La réponse est non, je continuerai à venir ici autant qu'il me plaira.

Sa main se glissa dans le bas de mon dos, accentuant la chaleur qui gagnait déjà mon intimité. Comment était-il capable de me mettre dans un état pareil avec si peu ?

— Tu connais la nature de mes sentiments et pourtant tu me provoques en venant ici ?

— Tu n'es personne pour moi, lui lançai-je en me dégageant enfin de la douceur de ses doigts. Ne me fais pas la morale alors que tu es là toi aussi. C'est ça ta conception de l'amour, moi qui t'attends bien sagement pendant que tu continues à baiser pendant les jeux ?

Les masques de la chairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant