CHAPITRE 13

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Cela ne pouvait pas être possible. Non, c'était impensable. Il n'y avait aucune chance que ce soit elle, pourtant, je l'avais vue. À l'instant où mes yeux avaient parcouru son dos, cet aplat de fleurs m'avait tétanisé. J'essayais de me convaincre que j'avais pu me tromper, ayant seulement aperçu son tatouage de manière fugace lors de notre dernière séance. Mais si c'était bien elle qui m'avait fait jouir, que devrais-je faire ?

L'aiguille de mon horloge m'indiqua que j'avais 14 secondes de retard. Rien n'allait plus. Il fallait à tout prix que je ne laisse rien transparaître, pas avant d'être certain de son identité. Je quittai mon bureau pour rejoindre la salle d'attente. Les nerfs en vrac, j'essayais malgré tout de paraître aussi naturel que possible.

— Louise, c'est à nous.

Mon cœur manqua un battement lorsqu'elle se tourna vers moi. La minceur de son corps, la couleur de ses cheveux, sa taille, tout était identique. Si j'avais l'occasion de la humer, j'aurais même pu reconnaître son odeur. C'était elle, il n'y avait aucuns doutes.

Je l'invitai à entrer et à s'asseoir, sachant qu'elle attendait, comme à chaque fois, mon feu vert pour le faire. Derrière mon bureau, je commençai à réarranger minutieusement les objets devant moi. J'étais nerveux, et je devais canaliser ce stress de n'importe quelle manière.

— Comment allez-vous ? me demanda-t-elle, un sourire adorable aux lèvres.

— Je vais bien. J'espère que vous aussi, répondis-je en essayant d'éviter l'erreur de la dernière fois.

Le silence s'installa dans la pièce. C'était à moi de commencer, comme toujours. Mais comment ? J'aurais dû poursuivre mon enquête sur son absence de plaisir, mais une autre question me rongeait. Je voulais savoir si elle fréquentait vraiment ce club. Et si c'était le cas, pourquoi n'avait-elle jamais mentionné un tel détail ? Comment peut-on omettre de dire à son sexologue qu'on fréquente ce genre d'établissement ?

— Vous allez bien ? Vous êtes tout pâle.

— Tout va bien.

Je n'osais plus parler. Et si elle me reconnaissait ? Nos masques déformaient légèrement la voix, compressant notre nez. Avec mon naturel peu loquace au club, elle ne devait pas avoir fait le lien entre nous deux. Tout était pensé pour empêcher les gens de se reconnaître une fois là-bas, si on excluait, bien sûr, les marques indélébiles comme les tatouages.

Sa présence ici me rendait fou autant qu'elle me captivait. Par quel miracle avait-elle réussi à me faire jouir ? Comment cette femme, anxieuse à l'idée de prononcer des mots crus et incapable de ressentir du plaisir, avait-elle pu m'atteindre ainsi ? Je m'apprêtais à franchir toutes les limites éthiques de mon travail, mais la tentation était trop grande. Je voulais savoir, pour moi.

— Vous m'aviez dit ne ressentir du plaisir que 1 % du temps. Comment réagissez-vous dans ces rares moments ?

— C'est-à-dire ?

— Comment gémissez-vous quand vous prenez votre pied ? Comment sont vos orgasmes et que vous procurent-ils ?

Mon vocabulaire était plus direct, mais je ne pouvais pas me contrôler. J'avais goûté à la douceur de sa peau et il m'était désormais difficile de maintenir la barrière professionnelle.

Pour la première fois, ses joues rosirent, contrastant avec son teint pâle. Un mot l'avait troublée, mais lequel ?

— Je n'ai jamais...

— Vous n'avez jamais joui ?

Elle secoua la tête, ses lèvres pincées.

Elle m'avait offert un orgasme sans savoir ce que c'était. Cette femme, plus douée que toutes celles que j'avais connues, n'avait jamais goûté à la jouissance, même pas une seule fois. Cette conclusion faisait sens en vue de tout ce qu'elle m'avait déjà expliqué, mais étrangement, cette conclusion ne m'avait jamais parcouru l'esprit.

Les masques de la chairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant