CHAPITRE 26 (Louise)

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— Tu veux quelque chose à boire ? J'ai de l'eau, du jus de fruit, de l'alcool...


— Surtout pas d'alcool ! le coupai-je avec embarras, échouant aussitôt dans mon plan de paraître confiante. De l'eau, ce sera parfait.

Il s'exécuta immédiatement, me laissant seule dans son salon. Cette fois, sobre, je redécouvrais son appartement. Modeste et parfaitement rangé, il ressemblait davantage à celui du sexologue qu'à Ours. Le beige recouvrait presque l'intégralité des meubles, rendant les lieux aussi impersonnels qu'un catalogue de décoration. Si je n'avais été pas au bord de la crise cardiaque, je lui aurais fait remarquer en plaisantant, mais l'humour n'était pas vraiment le bienvenu dans notre discussion.

Le regard sérieux, il revint de la cuisine, un verre à la main.

— Tiens.

Timidement, je saisis le verre et le bus presque en entier, essayant de convaincre mon cerveau qu'il s'agissait de vodka, espérant un effet apaisant qui ne viendrait jamais.

— Tu veux t'asseoir ? me demanda-t-il en désignant du doigt son sofa beige.

— Je ne sais pas, je ne vais pas rester longtemps.

— Ah bon ?

Sans l'inviter à me suivre, je finis par m'asseoir sur le sofa, mon verre toujours serré entre mes paumes. Je ne savais pas dans quelle direction notre conversation allait aller, mais il fallait bien qu'elle commence quelque part.

— J'ai bien entendu tes paroles au club. J'y ai réfléchi des nuits entières, mais je ne suis toujours pas capable de savoir si je peux te croire ou...

— Quand je te dis que je t'aime, ce n'est pas un mensonge. Il faut que tu comprennes que...

— Laisse-moi terminer ! le coupai-je d'un ton autoritaire.

Notre rapport de force avait changé. C'était moi qui posais les questions et dirigeais la discussion. S'il tenait vraiment à moi, il allait devoir l'accepter.
Surpris, il se contenta de hocher la tête et vint s'asseoir à mes côtés. De l'Ours, il s'était transformé en un petit animal docile. Jamais je n'aurais pu l'imaginer ainsi.

— Tu as été honnête avec moi sur la nature de tes sentiments, alors je vais l'être aussi. Tu le sais mieux que moi, au vu de toutes les séances que nous avons faites ensemble, l'amour et moi, c'est compliqué. J'ai du mal à me livrer, à me confier, à m'attacher. Tout ça est très abstrait. Mais avec toi, c'est différent. Tous les signaux me montrent que je ne peux pas te faire confiance, mais d'un autre côté, je ne veux pas avoir de regrets. S'il y a bien quelque chose que tu m'as appris, c'est à lâcher prise, alors je vais essayer. Tu m'as dit vouloir t'expliquer, fais-le, et peut-être que je changerai d'avis en t'écoutant.

La bouche crispée, je bus les dernières gouttes d'eau qui tapissaient le fond de mon verre. Ma demande était ridicule. J'étais tellement attirée par lui que même une justification grotesque m'aurait convaincue. Il m'avait fait ressentir des choses que je ne pouvais pas ignorer, mensonge ou non. Je le voulais, mais je ne devais pas lui avouer cela si facilement.

Après avoir pris une grande inspiration, il déboutonna lentement sa chemise, faisant glisser les boutons sous ses doigts.

— Je veux des explications, pas coucher avec toi, m'exclamai-je. Tout n'est pas qu'une histoire de sexe. J'espère que tu en as conscience ?

Il ricana en dégageant ses épaules du tissu. Dévêtu, il ne portait qu'un débardeur qui couvrait encore son torse, ne laissant que ses épaules apparentes.

— Je ne suis pas tombé amoureux de toi aussi facilement que tu le penses. Des choses m'ont fait vaciller, petit à petit, des choses que j'ai découvertes au club et pendant nos séances. Je t'aime aussi parce que tu es comme moi.

Les masques de la chairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant