CHAPITRE 20 (Louise)

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Le dos collé à la porte de la chambre, je le regardais retirer sa veste avec soin. Ses mains étaient ornées, comme à leurs habitudes, de bagues en argent imposantes, mais cela n'altérait en rien la grâce de ses longs doigts. Je ne pouvais plus me voiler la face, il me troublait profondément, à bien des égards. Tout chez lui m'enivrait, comme si sa simple présence suffisait à éveiller en moi un désir incontrôlable. Même son visage, dissimulé sous ce masque d'ours imposant, me paraissait absolument parfait. Il devait être beau à en crever, c'était certain.

— Le hasard aime nous réunir. Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

Il ne répondit pas, comme d'habitude. Silencieux, il s'assit sur le lit au centre de la pièce, caressant du bout des doigts le satin rouge des draps. Il semblait ailleurs, encore.

— Je pensais que je te dégoûtais, mais la manière dont tu m'as touchée lors du dernier jeu m'a surprise. On ne m'a jamais...

Mon hésitation attira enfin son attention. Mon cœur se compressa quand il tourna lentement la tête vers moi. Comme à chaque fois qu'un homme me faisait perdre mes moyens, la fuite semblait être la seule option raisonnable. Louise avait passé sa vie à fuir, mais Renard n'était-elle pas prête à enfin agir de manière déraisonnable ?

— Continuez.

— Pardon ?

— Continuez votre phrase. On vous a rarement quoi ?

Il contracta le poing en me voyant pincer les lèvres.

— On m'a rarement touchée comme tu l'as fait. Loup m'a baisée comme un objet, mais toi... toi, tu as été différent. Je ne comprends plus rien, je pensais que je ne te plaisais pas.

Il s'éclaircit la voix, comme pour se préparer à parler.

— Cette situation n'a rien à voir avec votre apparence. Ne vous dévalorisez pas ainsi, je vous en prie.

Son insistance à maintenir le vouvoiement m'irritait autant qu'elle m'attirait. Cette distance qu'il imposait entre nous ne faisait qu'attiser mon envie de la franchir.

— Donc on ne va pas jouer, c'est ça ? Tu vas rester assis là, sur le lit, pendant les vingt prochaines minutes à me regarder ?

— J'ai déjà trop terni ma réputation ici pour être celui qui abandonne en premier. Tu peux attendre avec moi en silence, ou sortir tout de suite. Ça m'est égal.

Un flot de larmes envahit brusquement mes yeux. La vue brouillée, je distinguais à peine sa silhouette à quelques mètres de moi. Je voulais m'effondrer, épuisée de pleurer depuis des jours entiers. Je connaissais par cœur le goût de l'eau salée sur mes lèvres, la brûlure de mes paupières quand je n'arrivais plus à feindre un sourire. J'étais une bombe prête à exploser, même sous ce masque.

À l'écoute de mes pleurs, il se leva aussitôt pour saisir ma main et m'installer doucement sur le lit, glissant un pan du drap sur mes genoux pour me réchauffer. Rien n'était plus insupportable que ces hommes qui vous faisaient pleurer pour ensuite se montrer gentils.

— Je...

— Ce n'est rien ! le coupai-je, voulant écourter ce moment humiliant.

Son rejet m'était insupportable, et je lui en avais déjà trop montré pour m'accrocher aux réponses qu'il ne me donnerait sûrement jamais. Il ne devait pas savoir qu'il détenait cet ascendant sur moi, qu'il avait le pouvoir de piétiner ce cœur déjà trop meurtri par ses paroles. Personne ne devrait être capable de me faire souffrir, et encore moins un inconnu comme lui.

Les masques de la chairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant