CHAPITRE 23

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La main en l'air, j'appelai à nouveau le serveur. Visiblement agacé de revenir sans arrêt à ma table, il souffla en voyant mon verre de vin encore vide.

— Un autre ?

— S'il vous plaît.

Il saisit le verre par le pied et s'en alla en direction du bar. Je savais qu'en venant avec autant d'avance, je ne pourrais pas résister à la tentation de boire, et j'avais vu juste. Il me fallait plus que deux verres de vin pour être saoul, mais avant d'atteindre cette limite, ils m'aidaient déjà à ne pas mourir de stress en l'attendant. À quelques centaines de mètres de chez moi, j'avais choisi le bar le mieux noté de mon arrondissement. Je voulais l'impressionner, l'inviter dans un endroit à sa hauteur, mais égoïstement, être également situé près de chez moi si cette soirée devait se prolonger dans la nuit. Mes intentions à son égard me tiraillaient l'estomac. Je lui devais la vérité, mais par quoi commencer ? Devais-je lui avouer que je rêvais qu'elle monte dans ma chambre pour enfin lui faire véritablement l'amour ? Lui dire que je l'aimais, ou lui expliquer maladroitement qu'Ours et moi étions la même personne ?

M'enfonçant toujours plus dans mes mensonges, je n'étais devenu qu'un imbécile trop aveuglé par l'amour pour se rendre compte du bourbier dans lequel il s'était enlisé. Je lui devais la vérité, mais pas ce soir.

— Je suis désolée pour le retard. J'espère que je ne t'ai pas fait trop attendre ?

Je ricanais de soulagement en la voyant s'excuser alors qu'elle-même était en avance. J'avais peur qu'elle ne vienne pas, mais elle était finalement là, devant moi, plus belle que toutes les femmes qui existaient. Habillée le plus simplement du monde, son jean et son t-shirt me faisaient comprendre que nous n'étions pas sur un rendez-vous sérieux. Une conclusion douloureuse qui ne faisait pas sens avec mon pantalon de costume, ma chemise blanche cintré et mes chaussures de ville parfaitement cirés.

— J'aimerais que tu me tutoies Louise. Sans ça, je risque d'être embarrassé très vite.

Elle se pinça les lèvres et leva les yeux au ciel. Je voulais la prendre, maintenant.

— Pardon, c'est l'habitude. Comment dois-je t'appeler si tu n'es plus mon sexologue ?

— Appelle-moi tout simplement Loan.

Elle hocha la tête alors qu'elle s'assit, scrutant mon verre de vin déjà presque vide. M'en voulait-elle de ne pas l'avoir attendue ?

— Je pensais qu'on prendrait un café, mais je ne dirai pas non à du vin moi aussi.

J'appelai une énième fois le serveur qui devait désormais me détester.

— Je vais reprendre la même chose, lui demandai-je après avoir terminé cul sec mon reste d'alcool. Et pour toi ?

— La même chose..

Mon verre de nouveau saisi, le serveur quitta la table. Le silence qu'il laissa derrière lui fit tambouriner mon cœur. Jamais je n'aurais cru me retrouver dans cette situation quelques semaines auparavant.

— Je trouve que la situation n'est pas très équitable, me lança-t-elle en regardant la carte pour éviter mon regard.

— C'est-à-dire ?

— Je n'ai fait que parler de moi pendant des heures et des heures, tu connais beaucoup de choses me concernant. Moi, je ne sais rien de toi, Loan. Je ne trouve pas ça très équitable.

Je lui étais reconnaissant de lancer la discussion dans ce sens. Elle était d'humeur joueuse, et cela m'arrangeait, c'était un domaine dans lequel j'excellais.

Les masques de la chairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant