EPILOGUE

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— Je pense sérieusement à arrêter. Les jeux deviennent tellement ennuyeux... C'est déjà la quatrième fois qu'on nous sort le tour de la peinture comestible, soupira Sylvain.

Au bord de la rupture, j'essayais de l'écouter avec attention. Si je me laissais aller, il s'en apercevrait, et il aurait gagné.

— Après sept ans, ce serait peut-être le moment de passer à autre chose, tu ne crois pas ? lui lançai-je d'un ton neutre.

Sylvain ne répondit pas, portant simplement son verre de champagne à ses lèvres. Le temps avait laissé ses marques sur son visage ; ses cheveux bruns s'étaient presque tous volatilisés sous le poids des années. À son âge, il aurait été normal de vouloir autre chose, mais il s'y accrochait pourtant toujours.

— Tu n'as qu'à trouver un autre club, continuai-je, tapotant nerveusement le menu du bout de l'index. Tu t'amuseras peut-être plus ailleurs ?

— J'ai déjà fait mes recherches, rien ne me semble intéressant. Et puis, je crois que je me suis attaché à mon masque. Loup a pris une place presque trop importante dans mon quotidien, murmura-t-il, pensif.

Loan sourit en me jetant un regard discret. Lui rappeler le club le rendait toujours heureux, comme si retrouver, même par procuration, les souvenirs de cet endroit lui faisait du bien.

— Et tu n'envisagerais pas de te ranger ? Trouver quelqu'un pour...

Je m'interrompis brusquement, un spasme traversant mon bas-ventre. Je ne devais pas flancher, pas maintenant.

— Tout va bien, chérie ? s'inquiéta Loan, son regard se posant sur moi avec une lueur d'amusement que je connaissais trop bien.

— Oui, tout va bien. Je suis juste fatiguée, je pense qu'on devrait rentrer.

— Tu vois, c'est ça que je ne veux pas, lança Sylvain en sortant son porte-monnaie pour régler l'addition. Se mettre en couple, pour quoi faire ? Vous allez rentrer, regarder un film, et vous endormir simplement. Quand on est en couple, on ne baise plus. Depuis combien de temps n'avez-vous pas pris votre pied ? Des mois, j'imagine.

Je ne rebondis pas, voulant éviter cette énième discussion qu'il adorait lancer pour se rassurer concernant son célibat. Il était un cas désespéré et je crois que cela lui convenait parfaitement.

— Tu connais déjà mon avis, répondit Loan en m'aidant à enfiler mon manteau. Je ne renoncerais à mon choix pour rien au monde. Et ne t'inquiète pas pour notre vie intime, on gère ça très bien.

Il se leva à son tour, passant une main dans sa barbe grisonnante. La moi d'il y a sept ans n'aurait jamais cru cette situation, même si on le lui avait promis.

— Tu n'oseras jamais me dire la vérité devant elle. Mais toi, Louise, avoue-le. Souviens-toi quand tu étais au club, tout ce que tu as pu faire et tester. Les fois où nous avons couché...

— Je t'ai déjà dit de ne plus parler de ça, le coupa Loan d'une voix froide, sa paume s'abattant fermement sur la table. Reste célibataire autant que tu veux, mais arrête de projeter tes insécurités sur nous, s'il te plaît.

Lui rappeler notre passé commun pouvait l'exciter aussi bien que l'énerver. Imaginer ce que j'avais pu faire avec Loup ou d'autres hommes avait le don de le rendre fou. Loan chérissait chaque moment que nous avions partagé, mais il aurait préféré effacer tous ceux auxquels il n'avait pas participé.

Une fois l'addition payée, nous nous dirigeâmes vers le parking, prêts à clore notre sortie habituelle du jeudi soir.

— J'ai bientôt choisi la date de mon enterrement de vie de garçon, dit Loan, d'un ton plus léger. Je te la communiquerai bientôt. Mais je te préviens, si tu viens, il n'y aura pas d'orgie. Compris ?

Les masques de la chairOù les histoires vivent. Découvrez maintenant