Kha: L'amour impossible

Chapitre 43

Les nuits sont longues et froides dans ma cellule. La solitude est un gouffre sans fond où je me perds chaque jour un peu plus. Les souvenirs de Léto me hantent, son sourire, sa voix douce, ses mains délicates qui soignaient mes brûlures et mon âme.

Un soir, alors que je suis recroquevillé dans un coin de ma cellule, j'entends des voix basses. Des gardes parlent, croyant que je suis trop abattu pour les écouter.

— Si je te dis un secret, est-ce que tu me promets de le garder ?

— Dis toujours et on verra, répond son camarade avec nonchalance.

— Le palais va être attaqué par l'ancien prince. Ce n'est plus qu'une question de jours.

Voilà qui éveille nos esprits, que ce soit celui de son collègue ou le mien.

— Balivernes. Comment tu saurais ça, toi ?

— À ton avis, comment un militaire comme moi pourrait avoir ce poste ? Tu te doutes bien que je ne dois pas mon grade à ma bravoure, je suis juste le fils d'un des généraux de l'ancien roi. Mon père a été appelé pour l'attaque, il part dès ce soir.

— Et que vont-ils faire là-bas ?

— À ton avis, pardi ? Reprendre le pouvoir. Et si tu veux mon avis, je n'aimerais pas être à la place de la princesse Diane.

— Pourquoi ?

Oui, pourquoi ?

— Elle s'est déjà échappée une fois. Crois-moi que cette fois ils ne se feront pas avoir. Ils ont pour ordre de la tuer. Maintenant, la seule chose qu'on puisse lui souhaiter, c'est d'être déjà morte avant que l'ancien prince ne la retrouve.

— Bien fait, je ne l'ai jamais aimée, cette sale traîtresse.

Moi qui étais vide depuis la disparition de Léto, je semble reprendre vie et me lève d'un coup avant de frapper si fort contre les barreaux de la cellule que je fais trembler tout le cachot et mes geôliers.

— Qu'est-ce qu'il a, le macchabée ambulant ? Retourne te coucher sans un bruit, va donc t'entraîner à être mort et laisse-nous tranquille.

Mourir, c'est vrai, je dois mourir et je suis bloqué ici. Je suis pris dans un tourbillon de pensées. Diane est en danger. Puis-je rester ici, attendre ma mort, alors qu'elle pourrait être sauvée ? Mon désir de mourir est grand, mais l'idée de laisser Diane à son sort me torture.

Je me lève, parcourant ma cellule de long en large. Je peux m'échapper, je me suis déjà évadé de prisons bien plus sécurisées. Je sais que je peux la sauver. Mais suis-je en mesure de le faire ? Le dégoût que je me porte vaut-il plus que sa vie ?

Je m'étais promis de ne plus jamais la revoir, j'ai peur du regard qu'elle posera sur moi, sur ce visage laid et hideux. Non, je n'ai pas peur, je suis terrifié comme je ne l'ai que rarement été dans ma vie.

Aller la chercher signifie que je renonce à la mort qui m'est enfin promise, que je mérite. Car je n'aurais pas juste à la sortir du palais, il faudra ensuite que je prenne soin d'elle, trop de monde veut la voir morte, elle aura besoin de ma protection et je ne peux pas imposer ce risque à mes deux vieilles amies qui ont déjà tant fait pour moi.

Mais comment le faire en me cachant, sans qu'elle ne reconnaisse mon identité ? Le masque ? Espérons que cela soit suffisant, je n'ai pas d'autre solution de toute façon. De plus, je devrais rester muet.

Et où aller vivre ? J'ai bien peur de devoir abuser une fois encore de l'ingéniosité de la vieille Mimone, elle saura me dire où aller. Ou non. Elle n'est pas magique, elle ne peut pas connaître mille endroits merveilleux. Et si nous finissions à errer sans but ?

J'ai si peur. Prendre tous ces risques alors que je pourrais juste mourir, tout simplement mourir. Après tout, j'en ai le droit. Cela ne regarde que moi, ma perte ne le sera pas pour d'autres, je peux donc prendre cette décision. Ma vie n'appartient qu'à moi, je peux donc faire ce que j'en souhaite. Tant de personnes souhaitent me voir mort, dont moi, donc pourquoi une seule femme pourrait-elle changer mon destin ?

Et soudain revient dans mon esprit le mantra qui me hante, mais cette fois il a une suite.

"Maintenant que je suis vide de ton amour, Léto, je suis vide de sens. Sans toi, je ne suis rien, sans toi, je ne serai plus. Mais attends-moi encore un peu dans l'au-delà, car aujourd'hui Diane a besoin de moi."