CHAPITRE 1

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Toi ta gueule ! Je t'ai pas adressé la parole, je t'aime pas ! (Ronald - Supernatural )

Toi ta gueule ! Je t'ai pas adressé la parole, je t'aime pas ! (Ronald - Supernatural )

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Lose Yourself — Eminem


— Et là, boum ! Tout explose ! affirme-t-il.

Les yeux exorbités, les mains écartées comme s'il tentait de contenir une supernova, l'enseignant fait une pause pour nous observer. Son regard court dans l'amphithéâtre, alors que la photo projetée sur le tableau blanc teinte ses traits affaissés d'une couleur rougeoyante.

Un silence poli lui répond alors qu'il arpente l'estrade :

— Mettez-vous à leur place une seconde. Ceux qui ne sont pas morts dans l'instant sans comprendre ce qu'il leur arrivait ont été plongés dans une épaisse fumée pour s'y étouffer.

Revivre le drame de Nagasaki en fin de journée est un supplice. La géopolitique a beau être une matière passionnante, à cette heure, la seule chose dont je rêve, c'est d'une sieste.

Monsieur Carpenter se fige avant de marmonner dans sa barbe pour maudire notre génération tout entière. Il retourne à son bureau tout en tentant de cacher son air morne et passer à l'image suivante.

Il continue son exposé alors que mon portable vibre devant mon nez. L'écran attire mon attention et je réponds à mon frère aîné qui m'envoie une énième vidéo débile que je n'ai pas son temps.

Cet imbécile me renvoie un emoji qui pleure. Un soupir profond étouffé m'échappe tandis que mon smartphone atterrit dans mon sac pour me permettre d'écouter l'enseignant qui débite son cours à vitesse grand V.

Les deux heures s'écoulent comme si elles en valaient trois chacune. Une fois cette séance de torture officiellement terminée, j'enfile mon gros manteau et mon bonnet. En Floridienne accomplie, je ne me suis jamais faite aux hivers glacés de New York.

Dehors, il fait beau, mais les températures taquinent les zéro degré, ce qui est décourageant pour un mois de mars. Les épaules rentrées et la démarche raide, je rejoins ma chambre universitaire pour me reposer un peu avant d'aller bosser.

Étudier à Fordham, même avec une bourse, a un vrai coup. Heureusement que je suis studieuse, sans ça, je trimerais dans le garage que tiens mon père en Floride. Pas que la mécanique ne me plaît pas, mais mon rêve a toujours été d'officier dans le commerce international. Je voulais surtout voyager et ça m'a semblé le bon plan. Cependant, mon stage en entreprise de troisième année a souligné que dans les faits, c'était plus compliqué que ça. À l'heure de la mondialisation, internet et le téléphone suffisent pour déterminer les termes d'un contrat.

Enfin, toujours est-il que pour financer cette déception grandeur nature, il m'a fallu un job. C'est pourquoi, la nuit, je travaille comme hôtesse d'accueil dans un prestigieux hôtel de Manhattan. Ça ne paye pas grand-chose, mais souvent les clients sont plutôt généreux en pourboire. Une place à laquelle je m'accroche avec férocité depuis trois ans.

Après un passage rapide chez moi pour une douche éclaire, je file en direction du St. James sur la 109 West 44 th Street. Marnie, mon homologue de jour m'informe qu'une super star débarquera dans la nuit et que toute l'équipe est sur le pied de guerre. J'opine pour la forme et récupère mon uniforme à la blanchisserie, puis m'offre un café. Il me reste une heure avant de pointer, ce qui me laisse une belle fenêtre de tir pour un petit cinq à sept avec Liam, un des commis.

— Pas le temps ! assène-t-il lorsqu'il me voit arriver.

— Mégadéçue !

Ma remarque s'accompagne d'un geste du doigt en direction de ma moue de bébé, alors qu'il pivote vers moi. Ses yeux sombres détaillent ma silhouette avec envie avant qu'il ne secoue la tête, agitant ses mèches blondes.

— Demain, si c'est plus calme, lâche-t-il.

Il se retourne par la même occasion, alors que je m'approche de lui.

— C'est qui ?

— Aucune idée, mais ils sont tous sur les dents. Maintenant, bouge ! gronde-t-il, frustré.

Loin de me formaliser et pour l'agacer un peu plus, j'avance à reculons et lui adresse un sourire coquin qui le pousse à jurer entre ses dents.

Je détale pour prendre mon poste le plus vite possible. Il me reste encore un peu de temps, mais lorsqu'un guest arrive, c'est toujours la folie en fin de début de soirée. En me voyant, ma collègue m'envoie un regard reconnaissant. Je m'occupe des réservations lambda tandis qu'elle s'assure que notre VIP ne manquera de rien.

À vingt heures trente, soit une demi-heure plus tard que d'ordinaire, mon homologue de la journée s'en va enfin.

Son départ précède une longue nuit. Il y a quelques allées et venues jusqu'à minuit, surtout des clients qui demandent les références d'endroits pour manger ou boire un verre. Après ça, c'est le calme plat.

La réincarnation de 2pac devrait se présenter vers trois heures du matin, ce qui me laisse de la marge pour piquer du nez. Posée en équilibre sur ma chaise, j'adopte ma posture préférée pour éviter que l'on me voie roupiller. Donner l'impression de bosser, c'est la clé.

À peine installée, mon téléphone sonne dans ma poche. Ça ne peut être que mon frère qui m'envoie encore une vidéo. J'extirpe le cellulaire et me fige devant le nom affiché à l'écran, assez longtemps en tout cas pour rater le coup de fil.

Interdite devant mon portable, mon estomac opère un looping. Pas un signe de vie en quatre ans. Pourquoi est-ce qu'il m'appelle maintenant ? Une fausse manipulation peut-être ?

Ça doit être ça.

La seconde d'après, le vibreur se remet en action, les quatre mêmes lettres s'inscrivant en énorme devant mes yeux. S'il réitère après notre dernière conversation, c'est qu'il n'y a pas d'erreur.

L'appareil collé à mon oreille, mon palpitant tambourine et ma salive se raréfie comme l'air dans mes poumons.

— Joyce ? Il y a eu... merde, il n'y a pas de bonne façon d'annoncer un truc pareil, tranche la voix brisée de mon géniteur.

Il n'a pas fini sa phrase, mais j'en connais déjà la teneur. Quand on y réfléchit bien, il ne m'aurait jamais contactée pour quoi que ce soit d'autre. De grosses larmes roulent sur mes joues, tandis que plusieurs couteaux se plantent dans mon estomac. Mon audition bourdonne. Ma tête pèse une tonne sur mes épaules.

— Ton frère s'est fait descendre, assène-t-il tandis que mon cœur explose.

—    Ton frère s'est fait descendre, assène-t-il tandis que mon cœur explose

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GUARDIANS OF HELLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant