Chapitre 1.2

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Le groupe de siciliens les virent arriver et pointèrent, sans un moment d'hésitation, leur fusil dans leur direction. Comme Boss l'avait pensé, d'une manière ou d'une autre, leur guide avait prévenu le groupe de leur arrivée imminente. Heureusement, il s'était abstenu de partager ses intentions.

Tout en ralentissant le pas, Boss leva les mains au ciel. D'un simple regard, il ordonna aux autres d'en faire autant. L'un des hommes cria quelque chose qu'il ne comprit pas, mais devina être un ordre de s'arrêter. Il n'en fit rien cependant. L'homme jeta un regard nerveux autour de lui et redressa son fusil en signe d'intimidation. Malheureusement, il ignorait que peu de choses pouvaient intimider Boss, et ce jeune sicilien aux mains tremblantes n'allait certainement pas le faire hésiter aujourd'hui. Sous les cris grandissants, des cinq autres hommes, Louis et Othello s'arrêtèrent, les mains toujours en l'air.

« Boss ? », prévient Louis, conscient que la situation est à deux doigts de dégénérer.

Le regard dur de Boss sur le jeune Italien ne fit rien pour arranger la situation. Bien qu'étant celui avec l'arme à feu, le jeune homme, ou plutôt le garçon, car il ne semblait pas avoir plus de 16 ans, semblait être terrorisé et sur le point de prendre les jambes à son coup. Boss avait cet effet. Son regard perçant pouvait faire plier n'importe quel homme sous sa volonté. Ce n'est pas pour rien qu'ils l'appellent tous Boss.

Un homme de taille moyenne et avec une barbe de plusieurs semaines, jaunit par le tabac et la saleté, sortit de la cabine. En un mot, il ordonna à ces hommes de baisser leurs armes. Leur chef de toute évidence. Son regard dur pourrait d'ailleurs faire compétition avec celui de Boss.

Maitre Pelli, qui se cachait derrière la carrure massive d'Othello, sortit de son ombre, les mains devant lui en un signe d'apaisement.

« Bongiorno », il commença.

L'homme ne paraissait pas l'entendre, son regard toujours figé sur Boss.

Dans un italien correct, mais avec un fort accent anglais, Maitre Pelli continua :

« Nous venons en amis. Nous sommes venus payer pour voir si ce que l'on dit est vrai. »

Sur ces mots, il sortit lentement de sa poche plusieurs billets. Le geste déclencha un mouvement nerveux parmi le groupe de siciliens qui pointèrent de nouveau leurs fusils en direction des quatre étrangers. Le leader évalua rapidement la valeur des billets que Maitre Pelli tenait dans sa main tremblante, et sans ordonner à ses hommes de baisser leurs armes à nouveau, il demanda, sans lâcher Boss du regard :

« Quanto hai ? »

Boss ne comprenant pas un mot d'italien, ne bougea pas d'un poil. Les deux hommes paraissaient être au milieu d'un combat de regard, le premier qui détournerait les yeux perdait. Le leader, un sicilien dont la peau noircie par des années d'exposition au soleil, fit un pas en arrière tout en évaluant Boss de haut en bas avec un regard de suspicion. Leur guide, avant de partir, les avait bien prévenus que plusieurs groupes armés se battaient pour la garde du trésor que cet homme gardait avidement. Il était possible qu'il refuse de les laisser ne serait-ce qu'approcher la maison et encore moins voir ce qu'elle contenait.

« Nous pouvons payer, généreusement. », répondit Maitre Pelli en italien tout en sortant d'autres billets de son autre poche.

L'Italien, son interêt maintenant piqué au vif, se détourna de Boss pour enfin s'intéresser à Maitre Pelli. Avec une lenteur insupportable, l'Italien s'avança vers lui et se saisit des billets pour les compter. La somme emmenée représentait presque trois mois de salaire. Un sourire avide se dessina sur les lèvres de l'Italien. D'un geste de la main, il fit signe à ses hommes de baisser leurs armes avant de fourrer les billets dans sa poche.

« Vous ne regretterez pas votre argent, mes amis. », leur promit l'Italien les bras grand ouvert.

Boss, Louis et Othello baissèrent les mains tout en restant sur leur garde. L'homme pouvait très bien décider de se débarrasser d'eux après les avoir fait entrer dans la maison. Avant de suivre le leader, Boss jeta un rapide coup d'œil à Louis tout en tapant discrètement sa poche de pantalon. Louis fit un signe de la tête avant de se tourner vers Othello. Les frères échangèrent un regard entendu. Soyez prêts à l'action, les prévenait Boss dont le couteau était glissé dans son pantalon via une boucle en cuir cousue spécialement à cet effet. 

L'Italien ouvrit la porte de la maison et leur fit signe de le suivre. Trop confiant de leur supériorité numérique, aucun des hommes armés ne prit la peine de les fouiller. Louis et Othello entrèrent donc dans la cabane à la suite de Boss, tous trois armés de leurs couteaux. Seul Maitre Pelli n'avait pas pris la peine de dissimuler des armes sur lui. S'ils venaient à se battre, il était bien conscient qu'il n'aurait pas une seule chance. Maitre Pelli n'était pas un homme d'action, et il comptait bien se cacher derrière Othello si les choses venaient à mal tourner.

Boss entra le premier, suivit de près par Louis, Othello, puis Maitre Pelli. Deux des gardes entrèrent à leur suite et fermèrent la porte derrière eux. Ils sont piégés comme des animaux, ne put s'empêcher de constater Maitre Pelli. Cependant, qui étaient les proies et qui étaient les prédateurs ? 

Certains que les étrangers ne représentaient aucun risque, les deux gardes déposèrent leur fusil le long d'un mur recouvert d'une paroi troués, placée à cet endroit pour fermer un trou béant. Cet endroit était plus que délabré. Sans leur prêter plus d'attention, les gardes s'essayèrent à même le sol pour reprendre leur partie de cartes. Un autre sortit une flasque de sa poche et se mit à discuter joyeusement avec son voisin. Maitre Pelli tendit l'oreille : ils discutaient de ce qu'ils allaient faire de leur part. Maitre Pelli n'entendit pas la réponse du deuxième homme, mais le chœur de rire qui éclata, laissa très peu de doute sur le sujet. Il retourna son attention vers l'intérieur de la maison. 

Il leur fallut quelques instants pour que leurs yeux s'habituèrent à l'obscurité ambiante. Toutes les fenêtres étaient fermées et clouées. Cette maison était une prison bien gardée. Une forteresse délabrée et sale. Des bouteilles vident jonchaient le sol et une odeur aigre de sueur et de poisson pas frais flottait dans l'air. Maitre Pelli fit une grimace de dégout en sortant un mouchoir pour se protéger le nez, mais il se ravisa rapidement en voyant le regard noir que Boss lui jeta. En silence, ils avancèrent dans l'obscurité de la cabane. Le chef les emmenait vers une pièce adjacente. Malgré la chaleur étouffante, le sol était détrempé, créant des mares de boue à plusieurs endroits. Le plus flagrant était l'odeur qui vous frappait comme une gifle. Une odeur de poisson pourrie, de marécage et de cadavre. En silence, ils entrèrent dans une autre pièce, encore plus petite que la précédente. Les fenêtres étaient également clouées, ne laissant entrer qu'un filet de lumière. Le cœur de Maitre Pelli se serra en voyant le spectacle devant lui. Un mélange de dégoût et de haine le saisit quand il vit ce qu'il se trouvait au milieu de la pièce : dans une baignoire en cuivre à demi remplit d'une eau grise et odorante, trempait une jeune femme inconsciente.

Le Cirque RossoliniOù les histoires vivent. Découvrez maintenant