Chapitre 13

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La vie dans le cirque continua comme à son habitude. Tous ses membres vaquaient à leur occupation quotidienne, préparant leur spectacle dans la journée, et le soir venu, ils faisaient ce qu'ils savaient faire le mieux : émerveiller et amuser leur public. Rien ne semblait avoir changé. Seule l'absence de Boss et Idi se fit remarquer. La tente de la voyante était fermée depuis plusieurs soirs. Idi ne faisait pas de performance, et l'on ignorait pourquoi. Egalement, Boss ne faisait plus la tournée du cirque comme il le faisait chaque soir, vérifiant que tout était prêt avant le spectacle. Il n'avait pas accueilli en grande pompe les spectateurs non plus. Il était tout simplement absent. Les membres du cirque savaient que Boss et Idi n'avaient pas complètement disparus. On pouvait les apercevoir de temps en temps, traversant le cirque pour aller d'une roulotte à une autre avec hâte, ou quittant le campement pour se diriger vers la mer. Quand on les interpellait, ils refusaient simplement de parler. Quelque chose se tramait.

Malgré l'absence de Boss, tout se passa à l'accoutumer. Les derniers spectateurs repartirent émerveillés ou un peu saoule.

Quand le dernier visiteur franchi le seuil du cirque, Boss apparut enfin. Il était enjoué et félicitait chaque personne sur son chemin. En quelques enjambées, il sauta sur une scène avec une souplesse déconcertante, et cria :

« Votre attention à tous ! Réunion générale dans le chapiteau principal dans 10 minutes. Passez le message ».

Aussitôt dit, il sauta de la scène, et prit la main d'Idi qui l'attendait un peu à l'écart. Ensemble, ils se dirigèrent vers le lieu de rendez-vous sous les regards intrigués des artistes.

La curiosité rassembla tout le monde sur les gradins en moins de 10 minutes. Boss était au milieu du cercle et dévisageait chaque arrivant, un sourire énigmatique aux lèvres. Un murmure d'excitation résonnait sous la tente. Cette réunion improvisée et le sourire de Boss ne pouvait qu'annoncer une bonne nouvelle. Il était tard et malgré la longue journée, personne ne semblait fatigué.

La lumière tamisée du chapiteau projetait des ombres dansantes sur les visages curieux des membres du cirque. L'ambiance était familiale et à la fête. Boss s'en réjouit. Il restait immobile au centre, dans son habit noir impeccable qui accentuait son aura d'autorité. Idi, un peu à l'écart, paraissait presque irréelle, son calme hypnotisant attirant tous les regards. Comme à l'accoutumée, elle était magnifique. Elle portait une robe jaune satinée avec des volants de toutes les couleurs. Ses longs cheveux noirs ondulaient sur ses épaules, lui donnait plus que jamais l'air d'une médium. En la voyant, on ne douterait pas de son appartenance au cirque.

« Mes amis », commença Boss d'une voix forte.

L'audience se tut immédiatement. 

Il continua d'une voix grave, un sourire aux lèvres :

« Nous sommes sur le point d'entrer dans une nouvelle ère pour notre cirque. »

Un brouhaha confus lui répondit immédiatement. Il marqua une pause, scannant les visages en face de lui. D'eux-mêmes, les murmures diminuèrent et le silence revint.

« Pendant des années, nous avons émerveillé des foules avec nos talents et nos numéros spectaculaires. Mais, aujourd'hui, les temps changent. Les gens veulent toujours plus. »

Un murmure approbateur lui répondit.

Encouragé, Boss continua :

« Ils veulent des performances de plus en plus spectaculaires ! »

Le brouhaha reprit. Des « C'est vrai » et « Oui » retentirent.

« Ils veulent plus de danger ! »

Des éclats de voix lui donnèrent raison.

« Ils réclament que nous sautions toujours plus haut, que nous volions toujours plus loin ! »

Des cris approbateurs retentir.

« Ils en veulent toujours plus, et nous continuons de leur donner ce qu'ils exigent, parce que nous sommes le cirque Rossolini ! »

Des applaudissements se mêlèrent avec les cris. Certains se levèrent même pour l'acclamer. Boss leva un bras en l'air, réclamant de nouveau le silence.

« Mais jusqu'où pourrons-nous aller ? », demanda-t-il à l'assemblée.

Il laissa la question s'imprégner dans les visages attentifs en face de lui. Personne ne lui répondit cette fois, mais il pouvait voir de nombreuses têtes acquiescer.

« Aujourd'hui, les gens veulent vivre autre chose. Quelque chose de différent, du jamais vu. Quelque chose de plus profond. »

Boss s'avança vers la foule, plongeant son regard dans chaque membre du cirque.

« Ils veulent une expérience qui ne se limite plus à l'illusion, mais qui touche leur âme. »

La foule, attentive, retenait son souffle, attendant avec impatience où Boss voulait en venir. Seule, Louis, assit au fond, fronçait les sourcils. Il savait que quelque chose se tramait. Quelque chose en lien avec leur révélation d'il y a quelques jours et il n'aimait pas la tournure que prenait cette réunion. Il garda le silence néanmoins, préférant écouter pour l'instant. Il valait mieux se faire discret pour le moment.

Boss reprit, plus doucement, forçant les spectateurs à se pencher sur leur siège pour l'écouter.

« Nous avons une opportunité de transformer ce cirque en bien plus qu'un simple divertissement. Imaginez un spectacle immersif, un voyage dans le mystique et l'inconnu, où chaque spectateur se sentirait touché par une force plus grande qu'eux. »

Louis regarda Idi, debout au bord du cercle. Elle fixait Boss avec intensité. Ses yeux brillaient d'une lumière étrange, et un sourire carnassier se dessinait discrètement sur ses lèvres. Louis serra les poings.

« Laissez-moi vous raconter une histoire. Une histoire ancienne, oubliée, mais puissante. Une histoire qui parle d'une entité... une déesse protectrice et bienveillante. Laissez-moi vous parler de Mère. » 

Le Cirque RossoliniOù les histoires vivent. Découvrez maintenant