CHAPITRE III - LA RENCONTRE

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 Lorsque Yuna sortit de la pension de madame Todt, chez qui elle louait une chambre, l'aube n'avait pas complètement chassé l'obscurité

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Lorsque Yuna sortit de la pension de madame Todt, chez qui elle louait une chambre, l'aube n'avait pas complètement chassé l'obscurité. Le froid matinal lui agressa les narines et lui glaça les oreilles. Elle s'empressa de boutonner son long manteau écarlate jusqu'au-dessus de son nez et enfonça ses mains dans ses poches. Heureusement, son tricorne lui tenait la tête bien au chaud.

La jeune femme, qui d'habitude se rendait au quartier général avec entrain, traînait des pieds sur les pavés des rues de Marbéliard. En l'absence de partenaire attitré, quel intérêt ? Privée de binôme, elle ne pouvait prétendre à aucune mission.

Ah ! Foutue loi !

Depuis une décennie, la reine avait décrété que les chasseurs et les chasseresses devraient désormais travailler en duo. En temps normal, Yuna reconnaissait volontiers la sagesse de cette loi, mais ce matin-là, elle n'était pas d'humeur à se montrer honnête envers elle-même.

Les histoires de monstres se révèlent toujours de sombres récits, lui racontait Derfel, son beau-père adoré.

La jeune femme soupira d'exaspération. On avait recensé par le passé bien trop de cas d'internements ou de suicides au sein de l'ordre. Le conseil royal en avait donc conclu qu'encourager les rapprochements entre les coéquipiers contribuerait à maintenir la sérénité de leur esprit. On tolérait même les relations amoureuses.

Un picotement désagréable à la nuque poussa Yuna à rentrer sa tête dans les épaules. La voix d'Urielle ne cessait de tourner en boucle dans son crâne.

Tu ne peux pas continuer à éviter de te lier aux autres, Yuna ! Tu ne tiendras pas le coup !

Mais qu'en savait-elle ? Que pouvaient-ils tous comprendre de sa situation ? Elle gérait parfaitement ses émotions sans éprouver le besoin de tisser des liens inutiles. S'oublier dans les bras d'un amant ou d'une amante entrait dans les nombreux mécanismes qu'elle avait mis en place. Or, la frustration accumulée la veille avait érodé sa volonté de se trouver une aventure d'un soir. Les esprits s'étaient-ils tous ligués contre elle ?

— Yuna !

Alors qu'elle s'apprêtait à fouler le pavé de la chaussée, une poigne vigoureuse la tira en arrière. Une berline tractée par quatre chevaux roulait à toute allure. Un battement de cœur s'écoula avant que Yuna ne prît conscience qu'elle avait failli se faire écraser. La poitrine sur le point d'exploser, elle se retourna pour découvrir qui l'avait sauvée.

— Oisan ? articula-t-elle, surprise.

Le magicien, blanc comme un linge, lui attrapa les épaules.

— Ça va, Cerisette ? Rien de cassé ?

— Ne m'appelez pas comme ça en pleine rue ! Que fabriquez-vous ici ?

Le Lanidrac plissa les yeux.

— Un « Merci, tonton Oisan, de m'avoir sauvé la vie » ne serait-il pas plus approprié ?

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