Chapitre 49

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Mon fil tiktok ne ressemble plus à rien.  

Avant, les vidéos de lecteurs, lectrices, auteurs et autrices se bousculaient pour briller et attirer mon attention. De temps à autre, des créateurs de bougies ou objets en résine pointaient leur nez. Quelques rares débats (qui m'agaçaient toujours) sur la légitimité des personnes queer (qu'est-ce que ça peut leur faire, qui X met dans son lit ? Comment Y se sent lorsqu'iel se regarde dans le miroir ?). 

À présent, ma timeline est envahie d'extrait de BL Kdrama (je ne vais pas m'en plaindre), de déballage de colis (je ne vois même pas comment c'est arrivé, ça !) et de KPOP. Beaucoup de KPOP. Énormément de KPOP. Et ma recherche de tout à l'heure n'a fait qu'accentuer le phénomène, même si mon problème a été réglé temporairement.

Plus aucun ship n'est venu m'importuner. En revanche, je ne comprends pas pourquoi ma recherche « DKZ » m'a fait tomber nez à nez avec un adorable brun à la voix cave qui n'est, de toute évidence, pas dans le groupe. Hélas, avant que je ne puisse élucider le mystère, mon index à riper et la mauvaise manipulation m'a fait perdre la vidéo. Impossible de la retrouver, même en relançant la recherche.

Son timbre vibre encore à mes oreilles. « Why do I keep getting attracted ».... c'est une très bonne question que je me pose actuellement. Pourquoi cette chanson continue-t-elle de m'attirer ? Pourquoi je n'arrive pas à me défaire de ce visage angélique ? Pourquoi je swipe les tik toks dans l'espoir fou de retomber sur lui ? 

Sans doute pour vérifier si c'était un playback ou non. Parce que sa voix ne correspond pas à son visage. Sans doute aussi parce que les quelques notes de la chanson m'ont séduit et suffisamment intrigué pour que j'aie envie d'en connaître le titre... et de savoir si c'est de la KPOP ou non.

Ça ne ressemblait pas à de la KPOP en tout cas, du moins, pas à ce que j'en ai déjà entendu. Pas à l'idée que je m'en fais non plus. C'était... je ne sais pas, comme si ça résonnait quelque part dans mon âme. Comme si ça m'appelait.

— Raaah, ça m'énerve de pas retrouver ! 

De frustration, je lance mon téléphone sur le bureau. S'il n'était pas si tard ( ou si tôt, selon le point de vue), j'enverrais un message à Minjin ou Jeonho pour me renseigner. 

Enfin, non, pas à Jeonho, ce serait bizarre. À Minjin, ouais. Je le ferai demain. Si j'envoie maintenant, je vais pas pouvoir m'empêcher de scruter mon tel jusqu'à avoir une réponse et ça va m'agacer encore plus.

Je déteste quand mon cerveau me joue des tours de la sorte. 

Après un nouveau râle contrarié, je me lève et m'ébroue ; j'ai besoin de m'aérer l'esprit avant que ça ne devienne une obsession. Pour chasser la fatigue qui me harasse alors que je ne peux pas m'allonger, aussi. D'une main, je rabats la capuche de mon hoodie (celui de Jeonho, toujours) sur ma tignasse, de l'autre, j'attrape ma doudoune (celle de Jeonho, en réalité) et l'enfile avec un soupire d'aise avant de sortir de la chambre d'hôtel.

L'air marin me prend au nez dès les premiers pas. Vivifiant. Apaisant. Bruyant.

Bruyant ?

Ma cervelle endormie me joue-t-elle des tours ou bien y a-t-il vraiment un brouhaha diffus qui s'élève du port ? Probablement des pêcheurs...

À la bonne heure, j'ai toujours rêvé de voir le départ d'un bateau de pêche depuis une île volcanique ! C'est mon plus grand rêve depuis à peu près vingt secondes ! 

Un frisson glacé parcourt mon échine, qui n'a rien à voir avec le froid. Quel besoin avais-je de me souvenir que nous sommes sur un ensemble de cratères ? Peut-être que je devrais tenter l'expérience de la pêche artisanale en haute mer, même si ça ne s'appelle sans doute pas comme ça. 

Mes pas me mènent vers le bord du jardin. Mon regard se perd par delà le muret. Un étrange ballet se déroule ici. Des voitures en nombres. Des personnes qui les déchargent. D'autres qui discutent à quelques pas de moi. Des caisses. Des valises. Et encore tout un tas de choses que la pénombre ne me permet pas d'identifier. 

Ces gens ne ressemblent pas à des pêcheurs. Et puis, il n'y a pas de bateau. Intrigué, j'hésite à m'approcher pour leur demander, surtout lorsque deux d'entre eux me remarquent et me saluent, mais l'idée de parler en anglais à une heure aussi tardive... ou matinale, je ne sais plus, me rebute. 

Je réponds machinalement d'un petit geste de la main, puis tourne les talons. Je ne sais même pourquoi. Pas pour aller me coucher, en tout cas... ou peut-être que je devrais m'allonger sur la table ? Non, il fait trop froid. Forcer la chambre des filles ? Non, c'est toujours une aussi mauvaise idée. Alors, peut-être...

— Stan ? Ça va ? appelle Thierry d'une voix étonnamment chaude et définitivement plus rauque que d'habitude.

La bulle de mes pensées éclate et je me retourne dans un sursaut.

— Oui, je...

Ma voix meurt. Ma bouche s'ouvre. Mes yeux s'écarquillent et mon cœur explose de joie. 

Ce n'est pas Thierry : c'est Jeonho.

Famous 𝓘𝓭𝓸𝓵, Secret 𝓵𝓸𝓿𝒆Où les histoires vivent. Découvrez maintenant