Le ciel était d'un gris menaçant ce matin-là, comme si la nature elle-même reflétait l'état d'esprit de Clara. Elle se tenait près de la fenêtre, observant la pluie tomber en filets serrés, ses pensées tournant en rond. Ces derniers jours, elle avait vu un changement chez Éliott, un changement qu'elle n'arrivait pas à décrire exactement, mais qui ne lui échappait pas. Il était plus distant, plus fermé, et chaque conversation semblait se terminer sur une note de malaise. Elle avait l'impression qu'il se battait contre quelque chose qu'il ne voulait pas affronter.
Elle n'était plus sûre de ce qu'elle pouvait faire pour lui. Chaque geste qu'elle posait, chaque mot qu'elle lui disait, semblait glisser sur lui comme de l'eau sur une surface lisse. Elle avait peur que, malgré tous leurs efforts, il soit toujours en train de s'échapper. Clara savait qu'il avait besoin de temps pour accepter ce qu'ils vivaient ensemble, mais elle ne pouvait s'empêcher de se demander jusqu'où il était prêt à aller pour affronter ses propres démons.
Ce matin-là, après un moment d'hésitation, elle décida de le contacter. Elle voulait qu'ils parlent, qu'ils trouvent enfin une manière de briser ce silence qui s'était installé entre eux. Mais elle savait aussi qu'il n'était pas toujours facile pour lui de s'ouvrir, et même si elle le souhaitait de tout cœur, elle savait qu'il n'allait pas facilement se confier.
Elle envoya un message à Éliott, son doigt tremblant légèrement alors qu'elle écrivait.
"J'ai besoin de te voir. De parler, vraiment. J'ai l'impression que tu te retires de plus en plus, et ça me fait mal. J'ai besoin de savoir si tu veux qu'on continue à avancer ensemble."
Elle n'attendit pas longtemps avant que la réponse arrive, courte et presque glaciale, comme si chaque mot avait été mesuré et pesé avant d'être envoyé.
"Je suis occupé aujourd'hui, mais on peut se voir ce soir."
Clara lut le message plusieurs fois, ses doigts serrant son téléphone avec frustration. Il y avait quelque chose de plus dans cette réponse, quelque chose qui lui échappait, et pourtant, elle savait que la situation était en train de devenir plus complexe. Elle ne pouvait pas continuer ainsi, dans cette relation où elle se sentait constamment rejetée, éloignée, comme si elle ne savait plus exactement où elle se plaçait. Mais elle ne voulait pas se retirer. Pas maintenant, pas après tout ce qu'ils avaient traversé ensemble.
La soirée arriva plus vite qu'elle ne l'avait imaginé. Clara se retrouva devant son miroir, observant son reflet d'un air distrait. Elle se sentait fragile, vulnérable. La conversation qu'elle avait imaginée dans sa tête à plusieurs reprises lui semblait maintenant insurmontable. Que dirait-elle à Éliott ? Comment aborder cette distance grandissante sans le brusquer, sans qu'il se referme complètement sur lui-même ? Chaque mot, chaque geste, semblait devoir être parfait, sinon tout risquait de basculer.
Elle se força à respirer profondément, à se calmer avant de partir. La route jusqu'à l'appartement d'Éliott semblait plus longue ce soir-là, et chaque coup de frein ou chaque virage sur la route semblait amplifier son anxiété. Mais elle ne pouvait pas reculer. Elle devait y aller, quoi qu'il arrive.
Quand elle arriva enfin devant la porte de son appartement, elle hésita une seconde, les doigts serrés autour de la poignée. Puis, avec une détermination nouvelle, elle frappa doucement. Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvrit. Il se tenait là, habillé d'un pull sombre et d'un jean usé, les cheveux encore légèrement éparpillés, comme s'il n'avait pas pris le temps de se préparer. Il semblait fatigué, ses yeux un peu trop fatigués, mais il sourit légèrement en la voyant.
— Salut, dit-il d'une voix basse. Entre, s'il te plaît.
Clara entra, se forçant à sourire, mais une inquiétude persistante la rongeait. La tension entre eux était palpable. Elle se sentait comme un étranger dans un lieu qu'elle avait pourtant appris à connaître si bien. L'air était lourd, presque oppressant, comme si le moindre mot pouvait briser cet équilibre fragile.
— Tu veux boire quelque chose ? lui demanda-t-il, sa voix toujours un peu distante.
Clara secoua la tête, préférant éviter les formalités. Elle savait que ce n'était pas un moment pour les petites attentions. Ils devaient parler, vraiment parler.
— Éliott, il faut qu'on parle, dit-elle en se tournant vers lui. Je... je ne peux plus faire semblant. Je vois bien que tu me repousses. J'ai l'impression que tout ce qu'on a construit est en train de s'effondrer, et je ne sais même pas pourquoi. Je n'arrive pas à comprendre ce qui se passe.
Il resta silencieux un instant, ses yeux fuyant les siens, comme s'il cherchait ses mots dans le vide. Elle le vit se recroqueviller légèrement, un geste qu'il faisait souvent lorsqu'il se sentait vulnérable, comme s'il se préparait à un affrontement intérieur.
— Je... je ne sais pas si je peux t'expliquer, Clara, répondit-il enfin. Ce n'est pas toi. Ce n'est même pas nous, je crois. C'est moi. Je... je ne sais plus comment être avec toi. Je me sens comme si je m'étais perdu en chemin. Je suis désolé. Je ne voulais pas te faire souffrir.
Elle sentit une boule se former dans sa gorge. Elle avait entendu ces mots, ces phrases mille fois, et à chaque fois, cela faisait plus mal que la fois précédente. Clara s'approcha lentement de lui, ses yeux cherchant à capter l'intensité de ses émotions, mais il semblait fermé, plus que jamais.
— Tu dis que ce n'est pas nous, mais c'est justement de nous dont il s'agit, Éliott, murmura-t-elle. Si tu te perds, je suis là pour t'aider à te retrouver. Mais je ne peux pas t'aider si tu continues à me repousser. Je ne peux pas t'aider si tu ne me fais pas confiance. Si tu n'acceptes pas de... de laisser tomber cette distance entre nous. Je veux comprendre, je veux que tu me laisses entrer dans ton monde, mais tu m'en empêches à chaque fois.
Il se détourna, son dos se raidi. Clara remarqua que son visage s'était durci, comme s'il avait pris une décision, mais qu'il n'était pas encore prêt à la partager.
— Tu sais, Clara, je suis fatigué. Fatigué de tout ça. Fatigué de me battre contre ce que je ressens. Je ne peux pas tout te dire, je ne peux pas tout expliquer. Et parfois, je me dis que c'est peut-être mieux ainsi. Peut-être qu'il vaudrait mieux pour toi que tu t'éloignes, que tu trouves quelqu'un qui te comprenne mieux, qui soit plus stable que moi.
Clara sentit son cœur se briser en mille morceaux. Ces mots, ces pensées qu'il exprimait, résonnaient en elle comme une cloche douloureuse. Elle avait espéré qu'ils pourraient trouver un terrain d'entente, mais là, il était question de tout perdre, de tout effacer. Et pourtant, elle ne pouvait pas laisser ça se faire.
— Éliott, s'il te plaît, ne fais pas ça, dit-elle en se rapprochant de lui, presque suppliant. Je ne veux pas te perdre. Je veux t'aider, mais je ne peux pas te forcer à accepter mon aide. Si tu as besoin de temps, je te le donnerai. Mais ne me repousse pas ainsi. Ce n'est pas de cette manière qu'on guérit, pas comme ça.
Il tourna lentement la tête vers elle, son regard doux mais empli de douleur. Il sembla hésiter, ses lèvres tremblantes, avant qu'il ne parle d'une voix presque inaudible.
— Je suis désolé, Clara. Je... je n'avais pas l'intention de te faire souffrir. Je vais essayer... d'essayer de te laisser entrer. Mais j'ai peur. Peur de te perdre. Peur de te décevoir.
Les mots étaient lourds, presque écrasants. Mais ils étaient aussi un début. Un début qu'elle avait espéré. Clara ferma les yeux un instant, se permettant de respirer profondément. Elle savait que la route serait encore longue. Mais ce soir-là, une chose était claire : ils avaient fait un pas vers l'autre. Un pas qui pourrait, peut-être, les sauver tous les deux.
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Sous un Ciel d'Orages
RomanceDans la petite ville de Rivemont, deux adolescents aux vies très différentes vont se rencontrer lors d'un été mouvementé. Clara, 17 ans, rêve de quitter la ville pour explorer le monde. Passionnée de dessin, elle se perd souvent dans ses esquisses...