Les Ombres du Passé

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Les jours qui suivirent étaient empreints de cette nouvelle complicité silencieuse qui s'était installée entre Clara et Éliott. Ils n'avaient pas besoin de mots pour se comprendre. Les regards échangés dans les couloirs, les sourires furtifs partagés pendant les pauses, tout cela suffisait à créer une ambiance intime qui les enveloppait comme une douce brume. Pourtant, une part d'incertitude persistait. Clara ne pouvait pas s'empêcher de se demander où tout cela allait les mener. Ils avaient franchi une étape importante, mais quelque chose dans l'attitude d'Éliott laissait présager qu'il portait un fardeau plus lourd qu'il ne voulait bien l'admettre.

Ce vendredi après-midi, après les cours, Éliott proposa de la rejoindre chez lui. Clara hésita un instant. Leur relation avait pris un tournant, mais elle sentait que ce genre de moment pourrait marquer un nouveau chapitre, un tournant décisif. Elle avait toujours rêvé de passer du temps seule avec lui, mais maintenant qu'elle en avait l'opportunité, l'appréhension et l'excitation se mêlaient. Elle ne savait pas exactement pourquoi, mais une partie d'elle redoutait ce moment. Comme si quelque chose d'inattendu allait se produire, un bouleversement qu'elle ne contrôlait pas.

Ils se retrouvèrent devant la porte de sa maison, un petit pavillon en périphérie de la ville, un lieu que Clara n'avait jamais vu de près. Il lui sourit timidement avant d'ouvrir la porte.

— Bienvenue chez moi, dit-il, un peu nerveux, comme s'il n'était pas tout à fait à l'aise avec l'idée d'introduire quelqu'un dans son espace personnel.

Clara fit quelques pas dans l'entrée et s'arrêta un instant pour observer l'environnement autour d'elle. C'était une maison modeste, mais pleine de caractère. Les murs étaient décorés de photos anciennes, des images en noir et blanc de ses parents et de lui enfant, un contraste frappant avec l'adolescent qu'il était devenu. L'atmosphère était calme, presque sereine. Mais quelque chose dans l'air lui paraissait différent, comme si Éliott n'avait pas entièrement ouvert la porte de son monde à qui que ce soit.

— Tu veux quelque chose à boire ? demanda-t-il, brisant le silence avec une légèreté forcée.

— Je veux bien un verre d'eau, répondit Clara, un sourire timide aux lèvres.

Il s'exécuta rapidement, mais ses gestes trahissaient une nervosité évidente. Clara se sentit immédiatement un peu perdue, comme si elle avait franchi une limite qu'elle n'aurait pas dû franchir. Elle n'était pas sûre de ce qui l'attendait ici, de ce qu'il attendait d'elle.

Lorsqu'il revint avec les verres, il s'assit à côté d'elle sur le canapé. Ils restèrent silencieux un moment, les mains crispées autour de leurs verres, échangeant quelques regards hésitants, chacun attendant que l'autre brise la glace. Clara sentit la tension dans l'air, un mélange de désir et de peur. Éliott semblait lutter contre quelque chose qu'il ne pouvait pas verbaliser, quelque chose qu'il n'était pas prêt à partager. Mais Clara savait que ce silence n'était pas une simple absence de mots. C'était l'expression d'un malaise, d'une ombre qui se profilait entre eux.

— Clara, il faut que je te parle, dit-il enfin, sa voix presque un murmure.

Elle se tourna vers lui, soudainement inquiète. Elle n'avait jamais entendu cette gravité dans sa voix, et cela la perturbait. Elle avait l'impression qu'il était sur le point de révéler quelque chose qui pourrait tout changer.

— Qu'est-ce qui se passe, Éliott ? demanda-t-elle, son cœur battant plus fort.

Il la regarda longuement, ses yeux pleins d'un tourbillon d'émotions contradictoires. Il prit une profonde inspiration, comme s'il se préparait à faire face à un lourd fardeau.

— Je... Je ne t'ai pas dit toute la vérité, Clara, commença-t-il, sa voix hésitante. Je ne suis pas aussi simple que tu crois. Ce que tu vois de moi, ce n'est qu'une façade. J'ai vécu des choses que je n'ai jamais partagées avec personne, et... je suis fatigué de tout garder pour moi.

Clara le fixa, son cœur s'emballant. Ses mains tremblaient légèrement, et elle sentit une pression dans sa poitrine, comme si tout à coup, elle se retrouvait face à un abîme. Elle n'était pas sûre de ce qu'elle voulait entendre. Les mots d'Éliott la terrifiaient et l'attiraient à la fois.

— Qu'est-ce que tu veux dire par là ? demanda-t-elle, sa voix presque tremblante.

Il baissa les yeux, se mordillant la lèvre inférieure comme s'il hésitait à franchir une ligne invisible.

— Mon père, Clara... Mon père est... il est parti quand j'étais petit. Il a tout laissé derrière lui. Et ma mère, elle n'a jamais été la même après ça. Elle... elle a sombré dans l'alcool. Elle a été distante, absente. Et moi, j'ai dû grandir trop vite. J'ai dû apprendre à me débrouiller tout seul.

Clara ressentit une douleur sourde dans son ventre. Elle ne s'était jamais doutée que derrière le masque d'Éliott se cachait une histoire aussi tragique. Ce qu'il lui disait était bien plus lourd que ce qu'il avait voulu laisser paraître. Il était profondément marqué par une absence, par des blessures qu'il n'avait jamais guéries. Elle le comprenait maintenant : ce n'était pas la peur de s'engager avec elle qui le bloquait, mais la peur de revivre cette souffrance.

— Je suis désolée, dit-elle, sa voix douce, presque tremblante. Mais... pourquoi ne m'en as-tu jamais parlé ?

Il soupira et leva les yeux vers elle, comme s'il cherchait une réponse lui-même. Il se leva du canapé et s'éloigna un peu, tournant en rond dans la pièce, comme pris dans un tourbillon de pensées qui le dépassaient.

— Je ne voulais pas que tu me regardes différemment. Je ne voulais pas que tu me voies comme... un autre gars brisé. J'ai toujours pensé que si je restais silencieux à propos de tout ça, je pourrais... avancer. Mais je me rends compte que je me suis juste enfermé dans cette douleur.

Clara le regarda, son cœur se brisant un peu plus à chaque mot qu'il prononçait. Elle se leva et s'approcha doucement de lui. Elle avait envie de le prendre dans ses bras, de le rassurer, mais elle savait que ce qu'il avait besoin d'entendre, ce n'était pas une simple consolation.

— Tu n'es pas brisé, Éliott. Tu es... humain. Et tu n'as pas à porter tout ça seul. Si tu veux en parler, je serai là. Mais tu n'as pas à tout garder pour toi, tu sais.

Éliott se tourna lentement vers elle, son visage marqué par la douleur, mais aussi par un regard d'une vulnérabilité qu'il n'avait jamais montré auparavant. Il se laissa finalement aller à la tendre étreinte de Clara. Il posa son front contre le sien, les yeux fermés, les épaules se relâchant sous le poids de la tension accumulée.

— J'ai peur de t'abîmer, Clara. J'ai peur que... que tout ça nous sépare avant même que ça ait commencé.

Clara posa une main sur son dos, la caressant doucement.

— Nous ne sommes pas séparés, Éliott. Ce n'est pas une question de... de ce qu'on a vécu. C'est une question de ce qu'on choisit de faire maintenant, ensemble. Et je ne veux pas te laisser partir.

Ils restèrent ainsi, dans cette étreinte silencieuse, où les émotions se mêlaient et se confondaient. Clara savait que cette conversation marquait un tournant, un moment où la vérité était enfin partagée, et où l'avenir pouvait désormais s'écrire sur une page encore vierge. Mais pour la première fois, elle sentait que les cicatrices d'Éliott n'étaient pas un obstacle. Elles étaient une partie de lui, et elle les accepterait, tout comme elle accepterait tout ce qui ferait de lui l'homme qu'il était.

Sous un Ciel d'OragesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant