Le Poids des Choix

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Les jours qui suivirent la conversation décisive de Clara et Éliott furent marqués par une nouvelle forme de silence. Pas celui de l'indifférence, mais celui de la réflexion. Ils s'étaient promis de continuer, d'essayer, mais ils savaient tous les deux qu'une promesse n'était qu'un premier pas. Un pas vers l'inconnu, vers un terrain mouvant sur lequel ils allaient devoir apprendre à marcher ensemble.

Clara se réveilla ce matin-là avec une sensation étrange. Elle était encore un peu endormie, mais son esprit était déjà agité par les pensées qui s'entremêlaient. Leurs dernières conversations lui tournaient en boucle dans la tête, mais plus elle y pensait, plus elle se rendait compte que les choses n'étaient pas aussi simples qu'elles en avaient l'air. Elle avait accepté de lui donner une chance, mais à quel prix ? Éliott semblait si perdu, si à la fois distant et désireux de se rapprocher. Parfois, elle avait l'impression que ses efforts étaient aussi importants que les siens, mais qu'ils n'avaient pas le même poids.

Elle prit une grande inspiration en s'étirant dans son lit. Elle n'avait pas de réponse à toutes les questions qui se bousculaient dans son esprit. Tout ce qu'elle savait, c'était qu'elle était prête à se battre pour lui, pour eux. Mais était-ce suffisant ? Et si elle se perdait dans ce combat ? Elle n'avait jamais voulu que l'amour devienne une bataille contre soi-même.

Après un rapide petit-déjeuner, Clara se rendit chez Éliott. Il avait proposé de se retrouver chez lui, mais elle ne savait pas exactement ce qui l'attendait. Une autre conversation importante, sans doute, mais quel en serait le sujet ? Un autre test de leurs limites, ou un pas en avant ?

Elle monta les escaliers de son appartement en pensant à ce qu'il allait dire. Éliott n'était pas un homme de grandes déclarations, mais elle savait qu'il n'était pas non plus du genre à laisser les choses en suspens. Si ses blessures du passé étaient toujours là, elles n'étaient plus aussi invisibles. Et c'était bien là, peut-être, qu'ils se retrouvaient sur un terrain commun. Tout ce qu'ils avaient vécu jusqu'à présent les avait amenés à ce point : une confrontation honnête, sans faux-semblants.

Lorsqu'elle arriva chez lui, la porte était déjà ouverte. Éliott était là, dans le salon, les yeux fixés sur son téléphone, mais il la regarda à peine lorsqu'elle entra. Elle se permit de s'installer, comme si de rien n'était, un peu anxieuse, mais se forçant à ne pas le montrer. Après tout, ils étaient dans la même situation, n'est-ce pas ? En équilibre sur ce fil fragile, attendant que l'autre fasse un pas, mais aussi un pas qui pourrait les faire tomber tous les deux.

— Salut, dit-elle, en essayant de donner à sa voix une certaine légèreté, comme un air de normalité qu'elle n'éprouvait pas vraiment.

— Salut, Clara. Ça va ? répondit-il, sans vraiment la regarder, sa voix trahissant une forme de fatigue, de lourdeur qu'il n'arrivait pas à dissimuler. Viens t'asseoir.

Elle s'installa sur le canapé, une certaine distance entre eux, un vide qu'elle sentait bien trop palpable. Les silences, entre eux, étaient de plus en plus lourds. Clara avait du mal à lire les émotions qui se jouaient sur le visage d'Éliott. Il semblait à la fois distant et proche, comme s'il avait un secret qu'il n'arrivait pas à partager, ou peut-être qu'il n'était même pas prêt à l'avouer à lui-même.

Elle se décida finalement à briser ce silence pesant, mais sa voix, lorsqu'elle parla, sembla plus hésitante que ce qu'elle aurait voulu.

— Éliott, je sais qu'on essaie, mais... il y a des moments où j'ai l'impression que tu n'es pas vraiment là. Que tu es ici, mais que ton esprit est ailleurs, dans un autre monde, un autre passé. Je ne veux pas te forcer à parler, mais je me sens un peu perdue, parfois. Comme si je t'aimais plus que tu n'étais prêt à m'aimer, comme si je donnais plus que ce que tu pouvais me rendre.

Il la fixa alors, un instant, sans parler. Clara eut l'impression qu'il l'observait vraiment, pour la première fois depuis un certain temps. Ses yeux étaient pénétrants, presque comme s'il essayait de sonder son âme, de comprendre la profondeur de ses mots. Puis, enfin, il parla, sa voix plus calme, presque douloureuse.

— Tu as raison, Clara. C'est compliqué pour moi, beaucoup plus que je ne veux le laisser paraître. Mais je crois que, quelque part, je me suis un peu perdu dans ce que je ressens pour toi. C'est étrange... Je veux être avec toi, je veux vraiment, mais parfois, j'ai l'impression de ne pas pouvoir m'empêcher de fuir. C'est comme si je n'étais pas capable de laisser ces murs tomber complètement.

Clara se tourna lentement vers lui, son regard rempli de compréhension, mais aussi de douleur. Elle savait ce qu'il ressentait, elle savait qu'il n'était pas du genre à se livrer facilement, et pourtant, il le faisait. Mais est-ce que ce serait suffisant ? Est-ce qu'un jour, il pourrait vraiment baisser sa garde ?

— Tu n'as pas à tout laisser tomber tout de suite, Éliott. Je ne te demande pas de tout effacer, de tout oublier. Je sais que ce n'est pas facile pour toi, mais j'ai l'impression que tu veux tout contrôler. C'est comme si, à chaque fois que tu commences à laisser un peu d'espace à l'amour, tu as peur de t'effondrer. Je ne veux pas te pousser, je ne veux pas te forcer à te dévoiler, mais... je veux juste que tu sois là, vraiment là, à mes côtés.

Il soupira, baissant les yeux. Ses mains tremblaient légèrement, mais il les serra dans son poing, comme pour retrouver un peu de contrôle.

— J'ai tellement peur, Clara. Peur de te perdre, peur de ne pas être à la hauteur, peur de te faire souffrir. Parfois, je pense que ce serait plus simple si je n'essayais pas. Mais au fond de moi, je sais que c'est faux. Je sais que ce n'est pas la solution.

Clara sentit la gorge se serrer. C'était difficile, tellement difficile. Chaque mot qu'il prononçait semblait résonner profondément en elle, mais elle savait aussi qu'elle devait mettre des limites, que tout ne pouvait pas tourner autour de ses peurs à lui. Elle aussi avait ses propres blessures, mais elle ne pouvait pas les laisser définir tout ce qu'elle était. Ils avaient besoin de construire quelque chose ensemble, quelque chose qui dépasse leurs doutes respectifs.

— Je ne peux pas te sauver, Éliott, murmura-t-elle, en posant une main sur la sienne, douce mais ferme. Mais je peux t'accepter tel que tu es. Et si tu veux avancer, si tu veux essayer de construire quelque chose avec moi, alors il faut qu'on fasse ce chemin ensemble. Pas dans la peur, mais dans la confiance.

Un silence s'étendit entre eux, mais cette fois, il n'était pas lourd. C'était un silence qui invitait à la réflexion, qui laissait l'espace nécessaire à chacun pour digérer les paroles échangées. Éliott ferma les yeux un instant, prenant une profonde inspiration, puis, lentement, il tourna son visage vers elle. Ses yeux étaient humides, mais il y avait aussi une forme de soulagement dans son regard.

— D'accord, murmura-t-il. Je vais essayer, Clara. Je vais essayer de me laisser aller, de lâcher prise, de t'accepter toi aussi, sans crainte.

Clara hocha la tête doucement, son cœur battant plus fort, non pas dans l'angoisse, mais dans l'espoir. Peut-être qu'il n'avait pas toutes les réponses, et peut-être qu'il n'était pas prêt à tout, mais ce soir-là, ils avaient fait un pas l'un vers l'autre. Et ce petit pas pouvait tout changer.

Sous un Ciel d'OragesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant