Les jours s'étaient écoulés, lents et intenses, remplis d'un vide qui pesait sur Clara comme une couverture trop chaude. Les premières heures après la discussion avec Éliott étaient passées dans un tourbillon d'émotions contradictoires. D'un côté, elle se sentait soulagée d'avoir mis des mots sur ce qu'elle ressentait, d'avoir eu le courage d'ouvrir la porte à une nouvelle réalité, même si cette réalité était encore incertaine. De l'autre, il y avait ce vide, cette absence, ce silence qui semblait emporter tout ce qui était avant, tout ce qu'ils avaient partagé. Elle savait qu'elle devait laisser le temps faire son travail, mais elle avait l'impression que ce temps, à ce moment précis, était son plus grand ennemi.
Le matin de ce jour-là, Clara se réveilla dans une pièce qu'elle ne reconnaissait presque plus. Les ombres étaient plus longues que d'habitude, comme si la lumière avait été absorbée par un nuage invisible. Elle avait le cœur lourd, et bien qu'elle ait cherché à éviter tout contact avec Éliott depuis leur conversation, elle sentait que quelque chose avait changé en elle, en lui, et en eux. Il lui manquait, oui, mais ce n'était pas la même absence que celle qu'elle avait ressentie au début de leur relation. C'était une absence chargée de non-dits, de possibles non-explorés, de regrets.
Elle s'étira dans le lit, une fatigue qui n'était pas simplement physique l'enveloppant. Ses pensées étaient encore tournées vers lui, vers ce qu'il lui avait dit, vers la douleur qu'elle avait perçue dans ses yeux. Mais au fond, elle savait que leur relation ne pouvait pas rester figée dans l'attente. Elle devait avancer, comme il l'avait suggéré, peut-être même plus que lui. Il lui fallait comprendre ce qu'elle ressentait réellement, ce qu'elle attendait de l'avenir, et pourquoi, malgré tout, elle ne parvenait pas à tourner la page.
Le téléphone sur la table de chevet vibra soudainement, brisant le silence lourd de la chambre. Clara jeta un coup d'œil, mais ce n'était pas Éliott. C'était une notification, un message de Sophie, une de ses amies les plus proches. Sophie était une confidente de longue date, celle à qui Clara pouvait tout dire, même quand les choses semblaient trop compliquées pour être exprimées.
"Ça va ? Je t'ai vue un peu distante ces derniers temps... Si tu veux en parler, je suis là."
Clara sourit tristement en lisant le message. Sophie avait toujours eu ce don pour deviner quand quelque chose n'allait pas. Sans hésiter, Clara répondit :
"Je crois que j'ai besoin de prendre du recul. Il se passe beaucoup de choses dans ma tête et dans ma vie en ce moment. Je ne sais même pas par où commencer..."
Quelques minutes plus tard, son téléphone vibra de nouveau. Sophie avait répondu rapidement, comme d'habitude.
"Je suis là, toujours. Et si tu as besoin de prendre un café, de parler ou même de rien faire, tu sais où me trouver."
Clara se sentit réconfortée par ces mots, mais une petite voix au fond d'elle lui disait qu'elle ne pouvait pas simplement s'échapper dans les bras d'une amie sans faire face à sa propre réalité. Ce qui se passait entre elle et Éliott n'était pas un simple problème à partager avec ses proches. C'était quelque chose qu'elle devait résoudre seule, en elle-même.
Elle se leva enfin, se dirigea vers la fenêtre, et ouvrit les rideaux. Le monde extérieur semblait si lointain, si insensible à ce qu'elle vivait. La lumière du matin frappait la rue en contrebas, et tout semblait paisible. Mais il y avait quelque chose de différent dans l'air, quelque chose qui annonçait un changement, ou peut-être simplement un réveil, un renouveau.
Clara enfila un pull épais et des bottines, comme si chaque geste avait pour but de la préparer à affronter une bataille intérieure. Elle avait besoin de sortir, de respirer, de se retrouver un peu seule. Mais avant tout, elle avait besoin de comprendre ce qu'elle voulait réellement, ce qu'elle attendait de cette relation qui était devenue plus floue à mesure que les jours passaient.
Elle se rendit au café où elle et Éliott avaient l'habitude de se retrouver, un endroit calme, à l'écart du tumulte de la ville. Là, ils avaient échangé des sourires, des regards furtifs, des mots doux, et parfois même des silences qui en disaient plus que n'importe quelle conversation. Mais aujourd'hui, c'était différent. Clara s'assit à une table près de la fenêtre, un endroit où elle pouvait observer la rue sans être vue. Elle avait besoin de cette distance. Elle avait besoin de la solitude pour laisser ses pensées se poser, pour organiser ce flot d'émotions qui se bousculaient dans son esprit.
En sirotant son café, Clara repensa à la dernière conversation avec Éliott, à ce moment où il lui avait demandé de prendre du recul. Ce n'était pas une demande facile, et pourtant, il l'avait formulée avec une sincérité déchirante. Peut-être qu'il avait raison, après tout. Peut-être qu'ils avaient tous deux besoin de ce temps, de cet espace pour se retrouver eux-mêmes avant de se retrouver l'un l'autre.
Mais la douleur persistait. Elle n'arrivait pas à échapper à cette idée que quelque chose leur échappait, quelque chose qu'ils n'avaient pas su saisir. Était-ce une question de timing ? De maturité ? De peur de se perdre dans l'autre et d'oublier qui ils étaient réellement ? Clara soupira, se demandant si tout cela avait bien un sens. Peut-être qu'ils étaient simplement trop jeunes pour comprendre ce qu'une relation pouvait vraiment demander. Ou peut-être qu'ils n'étaient pas faits pour être ensemble, malgré l'intensité de leur connexion.
Son téléphone vibra encore, mais cette fois, ce n'était pas Éliott. C'était un appel, un numéro inconnu. Clara hésita avant de décrocher. Après tout, qui d'autre que lui pouvait la perturber autant en ce moment ?
— Clara ? La voix à l'autre bout du fil était familière, mais elle avait un ton dur, distant. C'était la voix de son père. Il faut qu'on parle. On a besoin de te voir. Il y a des choses qu'on ne peut pas remettre à plus tard.
Le cœur de Clara se serra. Son père... Elle n'avait pas entendu cette voix depuis des mois. Pourquoi l'appeler maintenant ? Quelque chose en elle se souleva, une vieille angoisse, un malaise qu'elle n'avait jamais complètement évacué. Elle n'était pas prête à affronter son passé, à revoir sa famille qui, malgré les apparences, restait un terrain miné de non-dits et de rancœurs.
— Papa... murmura-t-elle, le souffle court. Qu'est-ce qu'il y a ?
Il y eut une longue pause avant qu'il réponde, mais cette fois, il y avait une urgence dans ses mots.
— Viens à la maison ce soir. On a besoin de te parler de quelque chose d'important. C'est... une question de famille.
Clara sentit la pression monter dans sa poitrine. Pourquoi maintenant ? Pourquoi tout semblait se déchaîner d'un coup ?
Elle posa son téléphone sur la table, un sentiment de confusion totale l'envahissant. Ce n'était pas seulement Éliott et leur relation qui la tiraillaient, mais aussi ce passé qu'elle avait cherché à oublier, à enfouir sous des couches de travail, d'amis et de fuites.
Ce soir-là, Clara aurait peut-être les réponses à ses questions. Peut-être que ce qu'elle allait découvrir à la maison n'était pas ce qu'elle pensait. Mais une chose était sûre : elle ne pourrait plus fuir. Elle devait faire face à tout ce qui l'avait façonnée, tout ce qu'elle avait évité de regarder dans les yeux pendant si longtemps.
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Sous un Ciel d'Orages
RomanceDans la petite ville de Rivemont, deux adolescents aux vies très différentes vont se rencontrer lors d'un été mouvementé. Clara, 17 ans, rêve de quitter la ville pour explorer le monde. Passionnée de dessin, elle se perd souvent dans ses esquisses...