III. Le plan loose

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Je savais que je n'entrais pas toujours dans les codes des trentenaires CSP+ d'aujourd'hui. En déco, je n'étais pas "chineuse" mais IKEA. Pour les vêtements, je n'étais pas Maje ou Comptoir des cotonniers mais ZARA. Moins Stan Smith que Converse. Plus Zaz que Daft Punk. Pire, transgression suprême, je n'étais pas "esthéticienne" concernant mes jambes, mais plutôt rasoir. Oui, je sais, le sujet du poil est rarement glamour.

Après un passage rasoir cependant, j'enfilai une robe légère et des sandales plates. Je relevai mes cheveux en chignon faussement négligé -2 minutes pour le coiffer, 10 mn pour le décoiffer. Tout un art. Maquillage léger (que l'inventeur de la BB crème reçoive ici toute ma gratitude) mais soulignant discrètement mes yeux verts, que je pensais être MON atout suprême.

Il ne fallait pas que j'arrive trop tôt, cela aurait pu laisser penser que j'étais aux abois. Pas trop tard non plus, j'étais une fille polie. En arrivant, je les vis tous déjà attablés autour d'une planche mixte (fromage/charcuterie) et d'une bouteille de vin. Sophie et son mari, Marc, Audrey et Seb, les routards, Cédric et Céline, heureux parents de deux terroristes de 5 et 9 ans, Eric, mon pote de lycée et Cynthia, sa récente fiancée (aussi canon que muette et transparente, ce qui nous désolait). En face d'une chaise vide que je devinais être la mienne, un homme d'une quarantaine d'années.

Sur le coup, je fus un peu déçue. Crâne entièrement rasé pour gommer les méfaits d'une calvitie, barbe de plusieurs jours, assez grand, de corpulence moyenne. Toutefois, une chose attira mon attention: ce côté parfaitement soigné, un peu anglais. Pas un vêtement ne semblait avoir été choisi au hasard, chaque détail faisait écho à un autre, comme les lacets jaunes de ses chaussures bateau de marque, renvoyant aux empiècements de sa chemise, la barbe parfaitement entretenue. Lorsque je m'assis et que je vis ses mains, je remarquai des ongles polis et presque brillants.

Il avait un regard à la fois mystérieux et un peu méprisant. Lorsqu'il me fixa, je fus totalement déstabilisée. Moi, la grande gueule de service, j'émis un minuscule -et ridicule- "bonjour" que personne n'entendis.

Marc se chargea de faire les présentations, pour le moins sommaires:

- Paul, Maeva. Maeva, Paul.

Nous nous fîmes un signe de tête en guise de salutations. Histoire d'engager une conversation qui semblait pourtant promise à la clarté des limbes, Marc enchaîna:

- Paul est l'un de mes collègues, il vient d'arriver dans la boîte. C'est notre nouveau directeur financier. Il a emménagé il y a moins d'un mois, et comme il ne connaît personne ici, je l'ai invité, histoire de lui présenter des gens sympas!

Comme personne ne répondit, il insista:

-PAS VRAI PAUL?

Enfin ce dernier fit un effort, modéré cependant:

- Oui. Il y a 3 semaines.

Sa voix était grave, chaude, le contraire exact de ce qu'il semblait être.

Tentant une approche, j'enchaînai bêtement:

- Alors ça va? Pas trop dure l'adaptation?

Il me regarda. J'étais à nouveau paralysée.

- Non.

Il se leva soudainement et lança à Marc:

- Bon, il faut que j'y aille. Merci pour l'invitation. A plus.

J'étais soufflée. Quel goujat! Mais j'étais surtout vexée. C'était à cause de moi? Je ne lui plaisais pas? Je n'étais pas assez "lookée" pour lui? Furieuse, je m'apprêtai à dire ce que je pensais d'eux à mes potes en des termes peu amènes.

Soudain, en s'éloignant, il se retourna et pour la première fois, me sourit.

Je restai muette.

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Si vous avez aimé, pensez à presser l'étoile (aucun sous-entendu dans l'expression!) :) Et comme vous tous j'apprécie les commentaires afin de m'améliorer et d'orienter Maeva dans sa vie amoureuse... A bientôt!

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