VIII. On ne couche pas le premier soir, sauf s'il fait jour.

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- Paul, je peux te rappeler plus tard?

Je désignai Sophie d'un regard furtif afin qu'il comprenne que la situation était délicate. Il se retira simplement, et en souriant nous lança:

- Au revoir mesdames, bonne journée!

Sophie n'en revenait pas.

- Tu m'expliques là? Hier soir tu disais que c'était le pire mec qu'on t'ait présenté depuis longtemps et là... Tu as carrément été chez lui! Et vous faites vos courses ensemble?

- On en reparlera plus tard Sophie si tu veux bien. J'ai pas trop envie là et ce que tu m'as annoncé m'a un peu sonnée.

Elle replongea dans ses pensées. L'irruption de Paul avait créé dans son esprit une petite parenthèse lui permettant d'oublier son divorce et son psy.

- Bon de toute façon faut que j'y aille, je dois récupérer Manon. J'attends ton appel quand tu seras décidée à me raconter.

Je la pris dans mes bras et l'embrassai. "Prends soin de toi So. Hésite pas si tu as besoin de moi."

Quand elle fut partie, je m'assis sur le divan et pris ma tête entre mes mains. Mille émotions se disputaient mon cerveau. J'étais triste et surprise pour Sophie et Marc, heureuse que Paul soit passé et paniquée à l'idée de l'appeler. Jean-Pierre, lui, ne se posait pas toutes ces questions. Il me donna un coup de tête dans les avant-bras afin de se frayer un chemin jusqu'à mes genoux, se posa et commença à ronronner force 12 sur l'échelle de Richter. Je saisis mon portable. Paul était sur répondeur.

- Oui salut c'est moi. Enfin Maeva quoi. Je te rappelle comme promis, désolée pour tout à l'heure, c'était un peu compliqué. Enfin bon, rappelle-moi quand tu as mon message. Je t'embr... à plus.

"Quel message pourri!" Soupirai-je.

J'attendis une bonne demi-heure que le téléphone sonnât en retour, me refaisant le film de cette journée décidément bien chargée en émotions.

Le téléphone ne sonna pas. La torture des questions traditionnelles commençait à monter: et s'il avait cru que je ne voulais plus le voir? Et s'il faisait la gueule? Et s'il avait perdu son téléphone? L'imagination des filles devient très fertile dans ces cas. Elle n'a plus de limites, dans tous les styles, sur tous les tons.

Mon téléphone bipa enfin. "Tu passes chez moi? P."

Ne pas lui répondre tout de suite, ça fait fille qui se morfond derrière son écran. Trop tard: il est en iMessage. Il a donc reçu la notification "lu".

"OK. Dans 1/2h c'est bon?"

J'organisais mon plan de bataille. Epilation. Dessous, coordonnés mais pas trop provocants -pour le moment du moins. Robe sexy et facile à ôter. Cheveux noués pour être mieux dénoués. Mascara waterproof. Tout cela devait faire très naturel. Hors de question qu'il puisse penser que je faisais partie de celles qui couchent le premier soir. Cela dit, c'est un peu comme la grammaire: il y a la théorie, et il y a toutes les exceptions.

En sonnant à sa porte, j'étais déjà totalement électrisée.

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