Sous l'arbre des souvenirs

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La forêt s'étendait à perte de vue, un écrin de verdure et de tranquillité qui contrastait avec les tensions de Tervaniss. Ici, sous la voûte dense des arbres, les rayons du soleil dansaient sur les feuilles, et l'air était empli des parfums de résine et de terre humide. C'était un sanctuaire temporaire, un lieu où Rad, Kael, Ira, et Oris pouvaient enfin se reposer.

Rad s'était éloignée du campement, trouvant refuge sous un grand chêne aux racines imposantes. Luxaria, son épée, reposait près d'elle, plantée dans le sol. Elle fixait le ciel à travers les branches, laissant ses pensées s'égarer. L'éclat doré de son armure brillait faiblement dans l'ombre, mais ses yeux étaient lointains, perdus dans un passé qu'elle n'évoquait presque jamais.

Ardyn. Ce nom résonnait encore en elle comme une mélodie douce et mélancolique. L'homme qui l'avait recueillie quand elle n'avait plus rien ni personne. Elle se souvenait du froid mordant de la nuit où il l'avait trouvée, affamée, seule, et en colère contre le monde.

— "Tu veux survivre, petite ?" lui avait-il demandé, sa voix grave mais bienveillante.

Elle avait hoché la tête, incapable de parler. Et c'est ainsi qu'il l'avait prise sous son aile, la ramenant dans son humble maison de pierre, loin de tout.

Ardyn n'était pas un homme ordinaire. Il avait vécu des guerres, des tragédies, et des pertes insondables, mais il portait son fardeau avec dignité. Elle avait appris qu'il avait perdu une fille, disparue trop jeune, et bien que Rad ne l'ait jamais remplacée, il l'avait traitée comme s'il avait retrouvé un morceau d'elle en elle.

— "Tu n'es pas une enfant faible, Rad," lui disait-il souvent. "Mais la force brute ne suffit pas. Un esprit aiguisé est une arme bien plus redoutable qu'une épée."

Il lui avait tout enseigné : comment manier une lame avec précision, comment anticiper les mouvements d'un ennemi, mais aussi des choses plus simples, plus humaines. La cuisine. L'art de trouver des plantes médicinales dans les bois. La philosophie des grands penseurs. Les stratégies de guerre. Chaque leçon était une brique ajoutée à l'édifice de ce qu'elle était devenue.

Mais le moment qu'elle chérissait le plus était celui où il lui avait donné son armure. Une œuvre qu'il avait forgée lui-même, pièce par pièce, en utilisant tout l'or qu'il avait accumulé au fil des années.

— "Cet or, je l'ai gardé pour des jours meilleurs," lui avait-il dit, une étincelle de fierté dans les yeux. "Et maintenant, ces jours sont arrivés. Cette armure n'est pas un cadeau. C'est un héritage."

Et puis, il l'avait emmenée dans une grotte sombre et mystérieuse, où une épée brillait faiblement dans une pierre, comme un fragment d'étoile.

— "Luxaria," avait-il murmuré. "Elle n'appartient qu'à ceux qui comprennent que la lumière vient du cœur. Personne d'autre ne pourra la brandir."

Rad se souvenait de la sensation de l'épée dans sa main, de la chaleur qui l'avait envahie lorsqu'elle l'avait retirée. Ce jour-là, elle avait su qu'elle avait trouvé sa voie.

Ses pensées dérivèrent vers Drakon. Elle ne pouvait pas l'oublier. Ses mots résonnaient encore dans sa tête, un écho de convictions qui, bien qu'opposées aux siennes, avaient une étrange logique.

— "Il voulait fuir la mort," murmura-t-elle pour elle-même. "Mais n'était-ce pas une quête égoïste ? Ou peut-être que nous sommes tous égoïstes dans notre façon de vouloir survivre."

Elle serra Luxaria dans sa main, sentant sa lumière douce et réconfortante. Une part d'elle voulait croire qu'elle faisait ce qu'il fallait, mais une autre doutait. Était-elle si différente de Drakon, elle qui portait une arme pour protéger un monde qu'elle ne comprenait pas toujours ?

Rad fut tirée de ses pensées par le bruissement des feuilles. Elle tourna la tête et vit Kael s'approcher, sa démarche décontractée trahissant une nervosité qu'il masquait mal.

— "Alors, philosophe en herbe, tu comptes nous ignorer toute la journée ou tu partages tes réflexions profondes ?" lança-t-il avec un sourire en coin.

Rad soupira, mais un sourire étira ses lèvres.
— "Je réfléchissais. À Ardyn. À Drakon. À tout ça."

Kael s'assit à côté d'elle, posant son arme contre l'arbre.
— "Drakon, hein ? Tu sais qu'il aurait probablement adoré débattre avec toi pendant des heures. Mais pour être honnête, je ne pense pas qu'il aurait gagné."

Rad le regarda, intriguée.
— "Et pourquoi ça ?"

Kael haussa les épaules, son sourire devenant plus doux.
— "Parce que toi, t'as quelque chose qu'il n'avait pas. Tu crois en les autres. Drakon croyait juste en lui-même."

Un silence tomba entre eux, mais ce n'était pas un silence inconfortable. Kael finit par briser la tension avec un sourire moqueur.
— "Et puis, entre nous, ton épée et ton armure en or te donnent l'air d'une héroïne sortie d'un conte. Ça aide."

Rad rit doucement.
— "C'est tout ce que tu vois, hein ? L'apparence."

Kael répondit, son ton plus sérieux cette fois :
— "Non. Je vois quelqu'un qui porte beaucoup plus que cette armure. Et qui mérite de poser ce poids, ne serait-ce qu'un instant."

Rad baissa les yeux, touchée malgré elle.

— "Merci, Kael," murmura-t-elle.

Il haussa les épaules, son sourire taquin revenant.
— "De rien. Maintenant, si tu veux bien m'excuser, Oris essaie de convaincre Ira de jouer à cache-cache, et je sens que ça va mal finir."

Après un moment, Rad rejoignit le campement. Oris bondissait autour d'Ira, qui restait immobile, ses yeux fixés sur un hologramme qu'elle projetait devant elle.

— "Je refuse de jouer à des jeux humains," déclara Ira d'un ton monotone.

— "Oh, allez ! Juste une manche !" plaida Oris.

Kael observa la scène avec amusement.
— "Je parie qu'Ira gagne sans bouger."

Rad secoua la tête, un sourire sur les lèvres. Elle prit Luxaria et attacha le fragment de Drakon à sa ceinture.

— "On a assez perdu de temps," dit-elle. "Il est temps de reprendre la route."

Le groupe acquiesça, et ils se mirent en marche, quittant la forêt pour l'inconnu. Mais sous l'ombre des arbres, quelque chose avait changé. Rad se sentait plus légère, plus déterminée. Son passé, ses doutes, et même Drakon faisaient maintenant partie de sa lumière.

Et dans cette lumière, elle savait qu'elle trouverait les réponses qu'elle cherchait.

RAD ( SF, Romance, IA, futur)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant