Les Enfants de la Machine

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Nekros se tenait devant eux, une cathédrale d'ombres et de lumière mourante. Cette cité, abandonnée à son propre désespoir, n'était ni morte ni vivante. Les tours de métal déformées par le temps semblaient s'accrocher au ciel, comme des doigts suppliants. Au sol, des câbles épais serpentaient entre des carcasses de machines, formant un tapis d'acier et de chair desséchée. Des panneaux holographiques clignotaient sporadiquement, projetant des fragments de slogans oubliés, des images d'un avenir qui n'était jamais venu.

Rad s'arrêta un instant, les yeux fixant les ruines avec un mélange de fascination et de tristesse.
— "Nekros... c'est comme un corps qui refuse de mourir," murmura-t-elle.

Kael, juste derrière elle, balaya les lieux d'un regard sceptique.
— "C'est surtout un endroit parfait pour mourir. Quelqu'un veut bien me rappeler pourquoi on est ici ?"

Oris bondit sur un tas de débris, ses pattes métalliques produisant un tintement léger.
— "Parce que l'aventure, Kael, c'est toujours choisir le pire chemin possible. Et toi, tu as voté pour."

Kael leva les yeux au ciel.
— "Je ne me souviens pas avoir voté quoi que ce soit."

Ira, silencieuse, marchait derrière eux. Sa lumière intérieure semblait plus faible ici, comme si Nekros elle-même absorbait son énergie. Elle murmura, presque pour elle-même :
— "Cette ville respire encore. Écoutez."

Un grondement sourd monta des profondeurs, suivi d'un cliquetis mécanique. Rad fronça les sourcils.
— "Ce n'est pas la ville. Ce sont eux."

Les bruits se rapprochèrent, et bientôt, des silhouettes émergèrent des ruines. Les Enfants de la Machine. Ils étaient le reflet parfait de Nekros : une fusion totale entre biologie et technologie, où la distinction entre l'humain et la machine avait été effacée. Certains avaient des bras entièrement remplacés par des exosquelettes luisants, d'autres des visages à moitié recouverts de plaques métalliques, leurs yeux brillant d'une lumière artificielle. Une femme avait des câbles tressés à la place de ses cheveux, un homme un torse partiellement transparent où un cœur mécanique pulsait.

— "Magnifique," murmura Ira.

Kael, par contre, ne semblait pas impressionné.
— "Magnifique ? Ça ressemble plutôt à un salon de recyclage qui a mal tourné."

Oris roula des yeux artificiels.
— "Bravo, Kael. Provoque-les avant même qu'ils ne nous attaquent. Génie."

Un des hybrides avança, un homme grand et maigre dont la voix oscillait entre des tons humains et un grésillement métallique.
— "Vous osez pénétrer dans notre sanctuaire ?"

Rad posa une main sur le manche de Luxaria, prête à tout.
— "Nous ne sommes pas vos ennemis. Nous cherchons quelque chose."

Une voix plus grave et imposante retentit alors, résonnant à travers la place :
— "Et ce que vous cherchez appartient à Nekros."

Drakon apparut, entouré d'un groupe d'hybrides massifs. Sa présence imposante faisait taire tout murmure. Sa silhouette était presque entièrement mécanique, mais son visage conservait des traits humains, marqués par le temps et la douleur. Ses yeux, d'un bleu lumineux, fixèrent Rad comme s'il voyait en elle quelque chose que les autres ne pouvaient pas comprendre.

— "Je suis Drakon, souverain de cette cité, gardien de l'immortalité. Et toi... tu es différente."

Rad ne cilla pas, tenant son épée prête.
— "Nous voulons le fragment. Rien d'autre."

Drakon éclata d'un rire grinçant, un son qui fit vibrer l'air autour d'eux.
— "Le fragment ? Ce fragment est bien plus qu'une simple relique. C'est une clé. Une promesse. Il fait partie de moi. Et si vous le voulez..." Il sourit, un sourire froid et calculateur. "Rejoins-nous, Rad. Abandonne ta chair mortelle. Ici, tu pourrais être éternelle."

Kael grogna, levant son arme.
— "Encore un mégalomane immortel. Franchement, c'est devenu un cliché à ce stade."

Oris sauta entre eux, agitant ses pattes.
— "Non, mais sérieusement, Kael. Laisse-le finir. Peut-être qu'il a une brochure sympa sur l'immortalité."

Drakon ignora leurs plaisanteries, fixant Rad avec intensité.
— "Tu es forte. Mais la force s'efface. Le temps détruit tout. Ici, nous sommes au-delà du temps. Nous sommes la perfection."

Rad serra les poings, son regard dur.
— "Ce n'est pas la perfection. C'est un mensonge. La vie a un sens parce qu'elle finit. Si tout est éternel, alors rien n'a de valeur."

Drakon sembla surpris par sa réponse. Puis, son expression changea, devenant froide.
— "Alors, tu es une ennemie. Et ceux qui défient Nekros ne repartent jamais vivants."

Les hybrides attaquèrent sans prévenir, leurs mouvements rapides et coordonnés. Rad dégaina Luxaria, son épée illuminant la place d'une lumière dorée. Elle fendit l'air, coupant à travers les membres mécaniques de ses adversaires avec une précision presque surnaturelle.

Kael, bien qu'en infériorité numérique, se battait avec l'habileté d'un vétéran, esquivant les coups et ripostant avec une brutalité calculée.
— "Rad, rappelle-moi pourquoi on fait ça déjà ?" cria-t-il en esquivant un bras mécanique qui aurait pu lui briser la colonne.

— "Parce qu'on n'a pas le choix !" répondit-elle, parant une attaque.

Oris, quant à lui, bondissait entre les jambes des ennemis, distrayant les hybrides avec ses répliques cinglantes.
— "Hé, toi ! J'espère que ta garantie couvre les dommages physiques !"

Ira, toujours en arrière, piratait silencieusement les systèmes des hybrides, les ralentissant suffisamment pour que Rad et Kael puissent porter leurs coups.

Drakon observait, immobile, avant de finalement entrer dans le combat. Il frappa Rad avec une force titanesque, son poing métallique faisant éclater le sol sous leurs pieds. Rad para l'attaque, mais la puissance de l'impact la fit reculer de plusieurs mètres.

— "Tu es forte, Rad," murmura-t-il. "Mais tu ne pourras jamais m'arrêter."

Rad leva Luxaria, son regard brûlant de détermination.
— "Peut-être. Mais je peux essayer."

Le combat s'intensifia jusqu'à ce que Rad, utilisant une manœuvre habile, parvienne à désactiver les jambes de Drakon avec Luxaria. Il s'effondra au sol, immobile mais toujours conscient.

— "Tu peux me détruire," murmura-t-il, sa voix teintée de mépris. "Mais tu ne pourras jamais détruire l'idée de ce que je suis."

Rad, haletante, fixa Drakon.
— "Je ne vais pas te tuer. Mais tu viens avec nous."

Kael s'approcha, un sourire fatigué sur les lèvres.
— "Génial. Maintenant, on kidnappe des dictateurs immortels. On progresse."

Oris bondit joyeusement.
— "Et si on l'attachait avec un joli ruban ? Juste pour l'effet dramatique."

De retour à Tervaniss, ils présentèrent Drakon au Conseil des Cinq Piliers. Les hologrammes des IA flottèrent dans un silence calculé avant que le cube rouge ne prenne la parole.

— "Tuez-le. Il est une anomalie. Une menace pour l'équilibre."

Rad serra les poings.
— "Il est peut-être une menace, mais il mérite une chance de se défendre. Il a choisi une autre voie, mais cela ne fait pas de lui un monstre."

Drakon, bien que captif, observa Rad avec curiosité.
— "Et toi, Rad ? Crois-tu que tuer pour maintenir votre 'équilibre' est différent de ce que je fais ?"

Le silence dans la salle devint oppressant.

— "La vraie question," murmura Drakon, "n'est pas si tu peux me tuer. C'est si tu peux vivre avec ce choix."

Le Conseil insista, mais Rad, le regard fixé sur Drakon, comprit que la guerre qui se préparait à Tervaniss ne pourrait pas être arrêtée par des exécutions. Elle devait trouver une autre voie, avant que la ville ne sombre dans le chaos.

RAD ( SF, Romance, IA, futur)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant