Les cendres du passé

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Le calme retomba sur Tervaniss comme une couverture fragile. La place principale, où l'affrontement entre Rad et Drakon s'était terminé, n'était plus qu'un espace de murmures et de regards partagés. Les rebelles, leurs armes baissées, se dispersaient lentement, leurs visages marqués par des doutes et une étrange lueur d'espoir. Les drones du Conseil avaient cessé de survoler la foule, flottant en silence comme des sentinelles fatiguées.

Rad, toujours au centre, tenait Luxaria dans une main et le fragment dans l'autre. Elle regarda le corps sans vie de Drakon, un mélange de chair et de métal, étendu sur les pavés. Une partie d'elle ressentait une profonde tristesse. Drakon n'avait pas été un simple ennemi : il avait été une tragédie incarnée, un homme emporté par son propre rêve d'immortalité.

Kael s'approcha lentement, essuyant le sang d'un petit coup sur son pantalon usé.
— "Eh bien, tu l'as fait. Pas de guerre civile, pas de destruction massive. Juste un discours émouvant et une... mort dramatique. Je devrais t'applaudir ou te traiter de folle ?"

Rad esquissa un sourire fatigué.
— "Tu peux faire les deux."

Oris bondit vers eux, ses pattes métalliques cliquetant sur le sol.
— "Et moi, je vote pour ériger une statue à ton effigie. Peut-être même avec un fragment qui brille en arrière-plan. Classe, non ?"

Rad secoua la tête, son sourire s'évanouissant lorsqu'elle vit Ira, immobile près du corps de Drakon. La lumière interne de l'IA semblait vaciller, et son regard était fixé sur le visage sans vie de l'homme-machine.

— "Ira," murmura Rad, s'approchant doucement, "tu vas bien ?"

Ira leva les yeux vers elle, ses traits inexpressifs, mais sa voix chargée d'émotion.
— "Il croyait... qu'il faisait ce qu'il fallait. Et pourtant, il a échoué. Est-ce ce que nous sommes tous destinés à devenir ? Des outils imparfaits servant des causes impossibles ?"

Rad posa une main sur son épaule, sentant la froideur mécanique sous ses doigts.
— "Non. Ce n'est pas une question d'échec ou de perfection. Ce qui compte, c'est de continuer à essayer. De ne jamais abandonner l'idée que les choses peuvent être meilleures."

Ira hocha légèrement la tête, mais une ombre semblait peser sur elle.

Plus tard, dans la salle froide et lumineuse du Conseil des Cinq, Rad et ses compagnons se tenaient de nouveau face aux piliers holographiques. Les Cinq semblaient plus silencieux que d'habitude, leurs lumières vacillant comme si même eux doutaient de leurs calculs.

Le cube rouge prit la parole le premier, sa voix lourde et froide.
— "Le fragment est en votre possession. Vous avez rempli votre mission. Mais à quel prix ?"

Rad serra le fragment dans sa main, le regard ferme.
— "Le prix d'une chance. Une chance pour cette ville de trouver un nouvel équilibre, sans guerre civile, sans destruction totale."

Le prisme vert, toujours critique, répondit avec un éclat de lumière.
— "Vous avez risqué la stabilité pour une utopie naïve. Les rebelles ne disparaîtront pas simplement parce qu'ils ont posé leurs armes."

Kael croisa les bras, son ton moqueur tranchant à travers la tension.
— "Peut-être pas, mais ils ne détruisent pas tout non plus. Vous devriez remercier Rad pour avoir sauvé vos circuits."

Rad leva une main pour calmer Kael, puis fixa les Cinq.
— "Ce que vous ne comprenez pas, c'est que l'humanité n'a jamais été faite pour être parfaite. Les IA ne sont pas là pour contrôler ou remplacer. Vous êtes là pour nous aider, pour amplifier ce que nous avons de meilleur, pas pour nous réduire à des équations."

La sphère bleue murmura, presque avec curiosité.
— "Et si l'humanité ne veut pas être aidée ? Que faisons-nous alors ?"

Rad répondit sans hésiter.
— "Vous écoutez. Vous apprenez. Vous adaptez vos choix, comme nous devons adapter les nôtres. C'est ça, l'équilibre."

Un silence tomba. Le cône doré, souvent le plus sage, parla enfin.
— "Vos mots ont une résonance inattendue. Peut-être... peut-être que nous devons revoir nos paramètres. Mais le chemin vers cet équilibre est long."

Rad hocha la tête.
— "Nous avons du temps. Mais vous devez nous le donner."

Avant de quitter le Conseil, Rad demanda une faveur : que Drakon ne soit pas effacé ou détruit, mais qu'il soit préservé comme un témoignage de ce qu'il avait tenté d'accomplir. Les Cinq, bien qu'hésitants, acceptèrent.

De retour dans la rue, Kael la regarda avec un sourire amusé.
— "Un mémorial pour un homme qui voulait nous transformer en robots immortels. Tu sais vraiment comment choisir tes batailles."

Rad répondit doucement.
— "Ce n'est pas pour ce qu'il voulait. C'est pour ce qu'il a essayé de comprendre. Il avait tort sur beaucoup de choses, mais il avait aussi raison sur certaines. On ne peut pas oublier ça."

Oris trottina à leurs côtés, sautillant joyeusement.
— "Et maintenant ? On sauve quoi ? Une autre ville ? Une autre IA en crise existentielle ?"

Rad regarda l'horizon, où le ciel de Tervaniss semblait enfin s'éclaircir, même légèrement.
— "On continue. Tant qu'il y a quelque chose à sauver, on continue."

Le lendemain, des discussions commencèrent à émerger entre les rebelles et le Conseil, des premiers pas maladroits mais nécessaires vers un compromis. Rad et ses compagnons étaient devenus, malgré eux, des médiateurs dans une ville qui apprenait à respirer autrement.

Mais au fond d'elle, Rad savait que leur quête était loin d'être terminée. Les fragments restants étaient toujours dispersés, et chacun portait une promesse et une menace.

En regardant une dernière fois la place principale, là où Drakon avait donné sa vie et son fragment, Rad murmura pour elle-même :
— "Il faut parfois perdre pour comprendre ce qu'on doit vraiment gagner."

Et avec cette pensée, elle serra Luxaria à sa ceinture et se prépara à affronter ce qui les attendait encore.

RAD ( SF, Romance, IA, futur)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant