Âmes Étoilées Tome II

21-Grande Prêtresse

Playlist :

My Tears Ricochet - Taylor Swift

Sélina

Sélina luttait désespérément, ses mains griffant la surface de l'eau glaciale sans parvenir à s'y accrocher. Au-dessus d'elle, une poigne implacable l'enfonçait plus profondément, écrasant ses épaules sous la surface de l'eau. Ses poumons hurlèrent dans une agonie insoutenable, un feu dévorant ravageant chaque parcelle de son torse alors qu'elle aspirait désespérément à l'air. Mais il n'y a rien. Rien que le froid mordant de l'eau qui envahissait ses narines et sa gorge.

Ses jambes, pourtant fortes, étaient désormais inutiles, ne répondant plus qu'à des spasmes anarchiques. Son corps entier sembla devenir une coquille étrangère, une machine qui se désagrégeait, fragment par fragment. La glace autour d'elle ne se contenta pas de mordre ; elle s'insinuait jusqu'à son âme, effaçant toute sensation sauf la douleur.

Et puis, le silence. Pas celui de la sérénité, mais celui, cruel, de la frontière entre la vie et la mort. C'est là, dans cet instant suspendu, que des images éclatèrent dans son esprit. Une myriade de visages défilait à une vitesse fulgurante : des regards familiers, des sourires oubliés, des expressions floues. Des voix s'élevèrent, certaines chuchotaient, d'autres criaient, se superposant en une cacophonie écrasante. Un éclat de rire d'enfant, une promesse murmurée, un cri de détresse... Tout se mélangeait, s'effaçait, revenait, comme si son esprit cherchait frénétiquement à assembler les morceaux épars de son existence.

Alors que l'obscurité l'envahissait, un voile épais et irrémédiable, deux bras puissants la tirèrent brusquement hors de l'eau. Sélina émergea dans un fracas, toussant violemment, son souffle déchiré par des hoquets désespérés. Elle cracha une gorgée d'eau glaciale, ses poumons brûlant encore de l'effort insupportable. Les bras d'Orion la lâchèrent doucement, la laissant s'effondrer sur elle-même au bord du bassin.

Recroquevillée, ses bras entourant ses genoux, elle ferma les yeux, cherchant à s'accrocher aux fragments d'images et de voix qui tourbillonnaient encore dans son esprit. Tout semblait si clair, presque tangible... Puis, comme un mirage cruel, ses souvenirs s'effilochaient, arrachés par une force invisible. Sélina soupira d'agacement, frustrée par cette lutte intérieure sans fin, tandis qu'Orion l'observait en silence, ses yeux clairs empreints d'une protection qu'elle n'avait ni demandée ni désirée.

— On y retourne.

Sa voix, basse et déterminée, fendit l'air comme une lame.

Orion fronça les sourcils.

— Tu devrais prendre une pause. C'est au moins la sixième fois de la soirée qu'on fait ça.

Elle releva la tête, le regard noir, défiant.

— J'ai dit que j'y retournais. Elle articula chaque mot avec une lenteur glaciale, comme si le problème d'Orion était une incompréhension linguistique.

Mais ce n'était pas cela, et ils le savaient tous les deux. Orion soupira, vaincu par une obstination qu'il connaissait trop bien.

— Très bien, céda-t-il, avant de reprendre sur un ton plus grave, mais n'oublie pas : tu dois ressentir la même chose que cette nuit-là, quand tu t'es échappée du temple des étoiles. Concentre-toi, Sélina. Ressens ce qui t'entoure. Tu dois me repousser avec de la glace, pas juste refroidir l'eau.

Elle se contenta de fixer Orion un instant, puis se laissa tomber dans l'eau glaciale du bassin, son corps disparaissant dans une étreinte liquide et impitoyable.

Depuis plusieurs jours, ils répétaient cet exercice. Sélina cherchait désespérément à invoquer cette glace, cette force qu'elle avait libérée dans la forêt sans comprendre comment ni pourquoi. Rien ne fonctionnait. Orion avait émis l'hypothèse qu'un blocage psychologique l'empêchait d'atteindre son potentiel. Elle s'était retenue de justesse de le rabrouer : « Qui n'aurait pas de blocage psychologique s'il était amnésique et perdu ? » – mais elle la ravala. Cela n'aurait servi à rien. Mais au fond, elle savait qu'il avait raison, elle était terrorisée de se rappeler, de se souvenir et de découvrir qu'elle était peut-être une des sbires du Roi Obscur. Mais ce qui effrayait encore plus la jeune femme, c'était d'imaginer que là, quelque part, elle avait une mère, elle avait une maman qui devait être désespérée de l'avoir perdue. C'était la seule chose qui lui appartenait, qu'elle avait retrouvée dans ses souvenirs.