ARK II: Evasion

Chapitre 41: Enfants démoniaques

Sinecka était au fond du gouffre. Son monde n'était composé que du décès de Jim et du raz-de-marré de chagrin qui se déchaînait en elle. La douleur brisait son esprit en mille morceaux, si puissante, si accablante, que la jeune femme avait l'impression de sombrer dans la folie. Il n'y avait aucune échappatoire au sentiment de vide absolu qui s'installait dans son âme.

Encore une fois, elle faisait face à la perte d'un proche. Elle avait beau très bien connaître les sentiments que ça provoquait, la familiarité ne changeait rien: C'était tout aussi violent que la première fois. C'était cette même tempête d'aiguilles de métal qui meurtrissait son cœur, encore et encore, dont les entailles laissaient échapper cette tristesse caractéristique. Jamais, elle ne pourrait s'habituer à ça. Jamais.

Et pour en rajouter, il y avait un nouveau sentiment loin d'être agréable qui s'immisçait en elle. Ça manipulait son cerveau avec une facilité déconcertante, s'appuyant sur sa peine pour enfoncer ses griffes dans son être.

Sinecka n'était pas capable de survivre sans Jim.

C'était comme si la mort de son ami avait emporté toute la connaissance que la jeune femme avait acquise pendant sa survie. Qu'il venait de voler toute sa confiance à pouvoir vivre de ses propres moyens. Elle était démunie au-delà des mots.

Bon sang, qu'allait-elle devenir sans lui? Il avait toujours été là, à ses côtés, du début jusqu'à aujourd'hui. Ils avaient vécu ensemble aux épreuves imposées de l'Arche Ragnarök et celle d'Aberration, se soutenant mutuellement dans les moments paisibles comme difficile. Il était bien plus que son meilleur ami: Il était son confident, son pilier, la personne auquel elle portait une confiance aveugle. Le premier Survivant qu'elle avait rencontré et dont elle s'était liée d'amitié. Plus qu'un ami, ou qu'un compagnon d'arme, tout en étant pas de la romance. Le vocabulaire français n'offrait pas de mot approprié pour définir ce lien qui les unissait tous les deux. Alors elle continuait, même avec sa mort, de l'appeler "ami", faute de mieux.

Pour en rajouter, en plus du chagrin et de sa soudaine faiblesse, Sinecka culpabilisait beaucoup. Par le fait qu'elle avait survécu à son accouchement, Jim avait mit le sien à terme. Le tuer de ses propres mains aurait été traumatisant pour la jeune femme, mais au moins, il n'aurait pas eu à encaisser toute la douleur que lui avait provoqué la gestation. Elle s'était égoïstement accrochée à cette possibilité qu'il s'en sorte, un espoir qui avait été complètement pulvérisé en voyant la blessure. Comment, elle-même, avait-elle pu survivre à ça? Même si Karia avait une régénération améliorée, ça n'aurait pas suffi, sans oublier que comparé à la jeune femme, son ami avait eu un médecin à ses côtés.

C'est là que la larve exista de nouveau. Brusquement, une rage s'écoula dans le corps de Sinecka pour se coupler au chagrin dans un cocktail explosif. Elle vira ses mains trempées de sang et de larmes de son visage pour ouvrir les yeux. Son regard se posa automatiquement sur son ami décédé juste en face d'elle, menaçant de la refaire partir en crise de larmes. Mais la colère était plus forte, inondant son corps d'une énergie nouvelle qui n'attendait qu'à être libérée. Elle se leva, pour se focaliser entièrement sur la créature nouveau-née. Cette dernière se trouvait coller contre le flanc de son hôte, claquant du bec et battant sa queue contre le canapé, dessinant des arabesques ensanglantées dessus. Pas de signe d'agressivité évident, alors que cette chose était censée bondir sur tous ceux qui avaient le malheur d'avoir un cœur qui bat.

Sinecka n'avait pas ressenti une telle rage, un tel besoin de vengeance, autre qu'envers les concepteurs des Arches.

Elle allait tuer cette chose.

Elle sortie sa dague en croc de dragon et se jeta sur la créature. Mais avant même de l'atteindre, une silhouette se planta devant elle, lui attrapa le poignet, et dévia son attaque. La jeune femme se défit aussitôt de la prise, et foudroya du regard celui qui osait se mettre sur son chemin. Ses yeux semblèrent s'incendier sur eux-mêmes quand elle reconnut Alexandre. Lui, de toutes les personnes présentes, était le moins qualifier à l'approcher dans son état.