A ce moment-là, un frisson glacé m'a parcouru l'intégralité de la colonne vertébrale.
- Attends... Répète... De... De quoi tout le monde est au courant ?
C'est la première fois que je mettais à bégayer. De toute ma vie.
- Devine, me répond-il.
- Putain... ai-je dit en me prenant la tête.
- Ça circule depuis hier soir sur Facebook, c'est pour ça que je t'ai demandé si tu étais chez toi, pour que tu jettes un coup d'œil avant.
- Ce n'est pas possible, il n'y a que moi, toi et Benoît qui sommes au courant. Qui a pu...
Et là, ça a fait tilt. Dans un cartoon, j'aurais eu une ampoule au-dessus de la tête.
- Kevin... ai-je lâché.
- Quoi, Kevin ?
- Je l'ai croisé hier au centre commercial, et je l'ai envoyé bouler.
- Pourquoi il ferait ça ?
- Il ne peut pas me saquer depuis le collège. Tout est prétexte pour m'emmerder (Alex était au courant pour la drogue, mais vu la situation, j'ai préféré ne rien dire). Il a dû me voir discuter avec Benoit, je l'ai croisé même pas deux minutes après. Il ne sait rien de ce qui s'est passé.
- Tu vas faire quoi alors ?
- Écoute... Je te rappelle, d'accord ?
Ce que j'allais faire ? Ce connard m'avait foutu dans une merde dont il n'avait pas idée. À ce moment-là, j'avais envie de l'étriper à mains nues, et de le pendre à un arbre avec ses boyaux. Pas au sens propre, non, mais ça vous donne une idée de l'état dans lequel j'étais. Mes mains tremblaient tellement que j'avais du mal à checker mon Facebook avec mon portable. Et effectivement, cette rumeur qui n'en était pas vraiment une s'était répandue comme un virus. Un virus, oui. Les réseaux sociaux peuvent avoir leur utilité, mais là, en l'occurrence, c'était une vraie plaie, et vu les commentaires que j'avais pu lire, ça s'y donnait à cœur joie, bien planqués derrière leur écran. Je me suis même demandé si je n'allais pas faire demi-tour, et prétendre être malade, mais la coïncidence aurait été trop grande. La seule idée qui me paraissait bonne était de faire comme si je m'en foutais. Si je réagissais de manière suspecte, tout le monde allait tiquer. Je devais prendre sur moi, et laisser couler, je n'avais pas le choix. Je n'allais pas accorder ce crédit à Kevin.
Et puis d'un autre côté, tout le monde me connaissait avec cette personnalité là.
Sauf que vu mon tempérament borderline, ça n'allait pas tarder à exploser. Passée la matinée, à subir les messes basses des autres dans la cour, les couloirs ou pendant les cours, je commençais déjà à avoir les nerfs. Au point qu'à midi, Alex m'avait engueulé à plusieurs reprises parce que ça l'agaçait que je tape des doigts sur la table. Sarah n'était pas là, elle était malade. Je l'enviais. Elle n'était pas au courant de ce qui s'était vraiment passé, et je n'avais pas l'intention de lui dire, du moins, pour l'instant.
Vous vous demandez si j'ai tenu jusqu'à la fin de la journée ? Non, même pas. J'ai explosé en plein cours pendant la dernière heure de la journée. Celle de Benoît en plus. Je n'aurais pas aimé être à sa place, le pauvre. Autant dire que les autres et Kevin en ont pris pour leur grade, surtout quand j'ai balancé devant tout le monde que c'était de notoriété publique que la copine de ce dernier était une vraie salope. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de voir l'effet que ça lui faisait, vu que Benoît m'a viré du cours, en m'envoyant chez le proviseur.
Je n'en avais rien à foutre de passer pour un taré, j'avais juste besoin de vider mon sac, et je l'avais fait. Bon, en plein cours, c'était pas l'idéal, mais l'avantage, c'est que j'avais détourné l'attention sur quelque chose de plus croustillant. Parce que oui, la copine de Kevin, cette chère Annabelle, cette pouf maquillée comme un pot de peinture ambulant, était vraiment une salope. Au sens propre. J'entends par là que quasiment tout le lycée lui est passé dessus, sans que ce cher Kevin ne soit au courant de quoi que ce soit. Con comme une huître ? Oui, ça, c'est clair. Certains ont quand même refusé, dont moi, bien que j'en ai déjà eu l'occasion. Avec tout le trafic qu'il y avait eu entre ses jambes, je n'était pas prêt à fourrer ma queue dans un lieu aussi visité que le métro. Au moins, mon coup de gueule avait servi à ça. Sauf que maintenant, je devais affronter le proviseur.
- Entrez, me fit-il après que j'ai frappé à sa porte.
Ce qu'il y a de bien avec ce proviseur, c'est qu'il est loin de ressembler aux autres : il est toujours à l'écoute, prêt à vous aider, en clair, il a le cœur sur la main. Ça, et le fait qu'il est plutôt jeune aussi. Pour un proviseur, ça va de soi.
- Monsieur Delorme ? Vous ne devriez pas être en cours, à cette heure-ci ? me demanda-t-il.
- Je viens de m'en faire renvoyer, lui répondis-je en fermant la porte.
- Expliquez-moi ça, me dit-il en me disant de m'asseoir.
- (Par où je commence ? L'histoire de cul ? Le trafic de drogue ? La vengeance bas du front de l'autre abruti ?) ... On raconte que j'ai couché avec mon prof principal.
- Avec monsieur... ? me demanda-t-il, surpris.
- Oui, c'est ça.
- Rassurez-moi, il n'y a rien de vrai dans tout ça ?
- (Si, ça l'est) Non. Je l'ai appris ce matin, apparemment, ça circule depuis hier soir sur Facebook, et... pour faire court, j'ai eu du mal à faire comme si de rien n'était toute la journée, puisque j'ai insulté une élève en plein cours.
Il se recula de son bureau et appuya ses bras sur les accoudoirs de sa chaise.
- Visiblement, ça ne sert pas à grand chose de sensibiliser les jeunes aux dangers des réseaux sociaux, pensa-t-il à voix haute. Je vous remercie de votre honnêteté, monsieur Delorme, et je comprend votre geste, mais vous risquez le conseil de discipline, ajouta-t-il.
- Je sais.
- Aucune idée de qui a lancé ses rumeurs ?
- Non (De toute façon, que je le dise ou pas, ils auraient trouver qui s'était, alors...).
- Très bien. Je convoquerai votre professeur principal pour avoir sa version des faits. Et le coupable, dès qu'on l'aurai identifié, cela va de soi. Je ne vais pas vous retenir plus longtemps, la sonnerie vient de retentir.
- Je vous remercie, monsieur.
Je savais très bien ce que je risquais. Je savais très bien que j'allais m'en prendre plein la gueule quand j'allais rentrer. Mais j'étais au bord de la crise de nerfs, et ça avait besoin de sortir. Même si je m'étais retenu jusqu'à la fin des cours, Kevin aurait fini sur une civière tellement je me serais acharné sur lui, et j'aurais fini avec une plainte sur le dos, en plus de la vérité, qui aurait éclaté au grand jour. Mon choix était fait.
A ce moment-là, j'ai voulu prendre une cigarette pour me détendre, mais j'avais tellement la tremblotte que j'avais du mal à la fumer. En temps normal, j'arrivais à garder la tête froide en toute circonstance, mais là, c'était mission impossible. J'avais besoin de me défouler, de me détendre. J'ai donc pris la direction du centre-ville, sans savoir où ni quand j'allais m'arrêter. Si je rentrais à la maison dans ses conditions, je risquais l'interrogatoire parental.
De toute façon, je n'avais pas envie de rentrer.
Je voulais être seul.
Au calme, sans personne.
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Sans Issue
General FictionQuel effet cela vous ferait si vous appreniez que vous étiez l'objet du désir de quelqu'un ? Je veux dire... Qu'il pense à vous, jour et nuit, qu'il n'arrive pas à penser à autre chose, qu'il soit obsédé par votre personne... Au point de vous harcel...