On est restés un bon moment comme ça, tous les deux, nus, allongés sur le lit, à discuter, à rigoler, à se taquiner, à se chatouiller... On aurait dit un vrai petit couple, bien qu'il était clair qu'on n'avait pas cette optique tous les deux. Se rappelant que la dépanneuse devait venir en début d'après-midi, il alla prendre une douche, où je le rejoignis quelques minutes après. Et non, on n'a pas remis le couvert, ça n'est resté qu'au stade des bisous et des câlins. Câlins qui ont continué pendant le repas, et jusqu'à son départ, vers 14h. Après m'avoir filé son numéro (au cas où j'aurais envie de remettre ça, il m'a dit, et j'y ai pensé sérieusement), et un très long baiser sous le regard gêné du garagiste, on s'est dit au revoir.
Est-ce qu'en cet instant précis, j'aurais pu penser que ma vie allait s'esquinter petit à petit à cause d'une simple histoire de cul ? Non, à aucun moment. J'étais grisé par le plaisir que j'avais pris, et par rien d'autre, par ce désir fou de m'envoyer en l'air avec un parfait inconnu simplement pour le fun, sans me soucier des conséquences. Je ne compte plus les jours qui ont suivi où j'ai repensé à ce moment-là en me faisant un petit plaisir solitaire. Je n'étais qu'un petit con qui ne pensait qu'à sa gueule, qui allait bientôt se prendre plusieurs droites d'affilée, et qui allait avoir du mal à se relever.
La rentrée scolaire est vite arrivée. J'allais devoir me supporter les mêmes couillons que l'année dernière. Oui, des couillons. Sincèrement, je ne regrette pas ce mot, parce que c'en était vraiment. Je veux bien croire qu'à ce moment-là, j'étais égocentrique, manipulateur et j'en passe, mais moi, je connaissais mes limites. Eux, non. Envoyer chier les profs ? Oui. Les pions ? Aussi. Le CPE ? Je ne vous en parle même pas. Même moi, je ne me permettais pas ça.
Après avoir enfilé ma chemise et mon blazer, j'étais fin prêt. Une petite retouche cheveux en passant devant le miroir de l'entrée, et c'est parti. Est-ce que j'étais scolarisé dans une école pour petits bourgeois pour me saper comme un pape ? Non, loin de là. Mais j'aimais bien qu'on me remarque, et j'avais une réputation à tenir ; ça faisait partie du personnage. Arrivé devant le lycée, je décidais de m'en griller une dernière avant de rentrer.
- Salut, grand couillon !
Alexandre... S'il n'existait pas, il faudrait l'inventer, celui-là. Mon meilleur pote depuis la primaire, c'est dire si on est proches. On se connaît sur le bout des doigts : le moindre trait de caractère, la manière de s'habiller... On est incollables l'un sur l'autre, même si physiquement, on est deux opposés : il fait un 1m70, blond, des lunettes, des T-shirts de super-héros... Mais c'est mon pote, mon frère d'armes, celui avec qui j'ai fait les 400 coups, le seul qui ne me juge pas quand je fais une connerie...
- Qu'est-ce que tu veux, nabot ? Ta raclée ? Je te l'ai déjà mise un nombre incalculable de fois, lui répondis-je, avec un grand sourire.
- Méfie-toi, vu ma taille, si je te mets un coup de boule, ça va mal le faire.
- OK, je m'incline.
C'est tout le temps comme ça entre nous deux. On se chamaille, mais on s'adore.
- Alors, ce mois d'août ? lui demandai-je.
- ... Joker, me dit-il, dépité.
- C'était si mauvais que ça ?
- Non, mais... Les 3/4 du temps, je devais suivre mes parents, je n'avais pas le choix. Je n'avais presque pas de quartier libre.
- Tu as quand même vu des beaux trucs en Californie, non ?
- Je ne dis pas le contraire, mais j'aurais aimé que papa et maman me lâchent un peu la grappe. J'avais un rencard, et comme ils ont refusé que j'y aille seul... Je te laisse imaginer le résultat.
- Fais-toi greffer un GPS sous la peau, on ne sait jamais, lui proposai-je.
- J'y ai pensé, figure-toi, me répondit-il. Et toi ? C'était comment ?
A peine m'avait-il posé la question, que j'avais une banane jusqu'aux oreilles.
- Toi, tu t'es fait le coup du siècle, me dit-il en me regardant. Rien qu'à ton visage, ça se voit.
- Tu n'imagines pas à quel point.
- Alors, elle était comment ?
- Il. Il s'appelle Benoît, sa voiture l'a lâché devant la maison, et...
- OK, je ne veux pas en savoir plus, me coupa-t-il.
- C'est bon, tu as déjà entendu pire.
- Oui, mais non. Parce que rien que d'y penser, je me dis que tes vacances ont été meilleures que les miennes.
Toujours à se plaindre, mon petit Alex. Tu ne sais pas la chance que tu as eu, toi.
Après avoir fini ma cigarette, on décida de rentrer. On se retrouva tous devant la même salle. 10-15 minutes passent, et toujours rien, jusqu'à ce qu'un pion nous fasse entrer, nous indiquant que notre professeur principal sera en retard, car il était nouveau et ne connaissait pas encore bien le coin. Alex et moi nous posâmes au premier rang, à côté de la fenêtre, comme à notre habitude. L'attente ne fut pas bien longue, car à peine 5 minutes de bordel généralisé, un « SILENCE ! » se fit entendre. Sauf que cette voix me disait quelque chose. J'avais à peine lever les yeux que je me figeais sur place. Un frisson glacé me parcourut le dos, et c'est quand mon regard croisa celui de notre professeur principal que lui aussi a dû comprendre.
Ce nouveau prof en retard, c'était Benoît.
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Sans Issue
General FictionQuel effet cela vous ferait si vous appreniez que vous étiez l'objet du désir de quelqu'un ? Je veux dire... Qu'il pense à vous, jour et nuit, qu'il n'arrive pas à penser à autre chose, qu'il soit obsédé par votre personne... Au point de vous harcel...