Chapitre 11

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Oui, moi, Austin Delorme, celui que tout le monde connaissait au lycée pour dealer de la drogue, pour se taper tout ce qui bougeait, et ça, sans une once de remord, était en couple. Je ne dirai pas que ça a fait un choc à tout le monde, mais on n'était pas loin. Dès que je prenais Sarah dans mes bras ou que je l'embrassais, que ce soit n'importe où dans l'établissement, on avait droit à des regards fixes de tous les côtés. Et en guise de réponse, il avait parfois droit à un doigt d'honneur de ma part. Je me suis toujours foutu de ce que les gens pensaient, et ça n'allait pas changer. J'étais heureux, au septième ciel, sur un petit nuage, et je pourrais encore vous trouver tout un tas d'expressions de ce genre pour illustrer le bonheur dans lequel je nageais. Et ce n'était pas l'avis des autres qui allait l'entraver.

En soi, j'étais le même qu'avant... à quelques détails près. J'étais toujours un connard, mais à un degré beaucoup moindre, vu que je cherchais moins les emmerdes. Je le faisais toujours, on ne change pas en un claquement de doigts. Mais j'étais plus calme. Est-ce Sarah ou être amoureux qui avait eu cet effet là ? Les deux, sans doute. J'aimais mettre mes bras autour d'elle, et ne pas la lâcher, même quand elle devait s'en aller, la taquiner... Même niveau fringues, un changement s'était opéré : je me prenais moins la tête pour m'habiller, et certains jours, ça se résumait à un jean, un T-shirt et une paire de baskets. Parfois, ça m'arrivait de taxer ceux d'Alex. Imaginez sa tête quand il m'a vu avec « Trust Me, I'm the Doctor » sur la poitrine.

Je n'étais plus tout à fait le même, et ça me plaisait. Et pour rien au monde, j'aurais voulu que ça change.


Et pourtant...


Vacances de Noël. L'occasion de décompresser pour tout le monde, de s'échanger des cadeaux, et de picoler sans avoir à se justifier (Ça va, tout le monde le pense). J'avais invité Sarah et Alex à la maison (enfin, Sarah, c'était surtout pour faire plaisir à mes parents, puisqu'ils voulaient voir « ma première copine », ça ne tiendrait qu'à moi, j'aurais préféré lui offrir son cadeau en tête à tête), et le reste de la famille n'arrivait qu'en fin de semaine (tant mieux en même temps). Après avoir copieusement mangé, notre trio est allé faire un tour à la patinoire municipale. La température avoisinait les -5°, on était couverts comme des oignons, on se mangeait des grosses gamelles, mais on s'éclatait.

 - Ça vous dit des marrons et du vin chaud ? demanda Alex.

 - Ah oui, volontiers, lui répondit Sarah.

Alex partit faire la queue et au moment où on le rejoignait, une voix nous interpella.

 - Salut les jeunes !

Benoît. Depuis que j'étais avec Sarah, pas une seule fois, je n'avais pensé à lui. J'étais définitivement passé à autre chose, je faisais ma vie, et à ce moment-là, j'espérais qu'il en faisait autant lui aussi.

 - Bonjour, monsieur. Ça fait bizarre de vous voir en dehors du lycée, lui dit Sarah.

 - Je t'en prie, appelle moi Benoît, comme tu l'as dit, on n'est pas au lycée, lui répondit-il avec un grand sourire.

 - Je vais rejoindre Alex, j'ai besoin de me réchauffer, à tout de suite.

 - OK, lui dis-je en l'embrassant.

Le geste d'affection de trop. Enfin, à en juger par le regard incrédule de Benoît.

 - Ça va ? lui dis-je.

 - Euh... Ouais. Vous... vous êtes ensembles tous les deux ? me demanda-t-il en désignant Sarah.

 - Oui, ça ne fait pas longtemps.

Rien qu'à sa tête, j'ai deviné qu'un truc clochait.

 - Attends, là, tu es jaloux ?

 - Non, non, pas du tout... Pourquoi je le serai ? balbutia-t-il.

 - Peut être parce que je t'ai embrassé il y a quelques semaines.

 - Qu'est-ce que tu t'imagines ? Je ne suis pas comme ça, me répondit-il d'un air faussement gêné.

Sauf qu'il avait beau essayer de se justifier comme il pouvait, je voyais très bien que c'était ça.

 - Écoute... Tu... Tu m'avais évité le conseil de discipline, je... j'ai juste un moment un moment de faiblesse, ça arrive à tout le monde.

(Putain de bégaiement...)

 - Je n'ai pas dit le contraire, mais...

 - Ça se voyait à tes yeux que tu voulais plus, le coupai-je.

Il n'a rien dit.

 - Je le savais... Bordel...

 - Peut être bien, oui.

 - Nous deux, c'est impossible, tu le sais très bien.

 - Peut être pas maintenant, mais plus tard, qui sait ?

 - Arrête de faire comme si tu ne comprenais pas. Je suis passé à autre chose, fais en autant.

 - ... Tu as bien changé, dis moi, me répondit-il durement après un court silence.

 - Ne joue pas à ça avec moi, ça ne marche pas.

 - Austin ! Tu te magnes ? me lançai Alex.

J'aurais bien aimé, mais là, je réglais un problème aussi brûlant que le buisson ardent.

 - Je ne vais pas te retenir plus longtemps, apparemment, on t'attend, le sort Benoît. Mais ose me dire en face que tu n'as pas eu envie de me baiser il y a plusieurs semaines, dans cette salle de cours, me chuchota-t-il à l'oreille avant de partir.

Bien sûr, que j'en ai eu envie. Mais à l'époque, je me foutais carrément des conséquences de mes actes. Ce n'était plus le cas, maintenant. Malheureusement, mes actes passés m'ont prouvé que ça a toujours des répercussions plus tard.

Je ne sais pas si c'était le temps ou la situation, mais je sentis un froid glacial descendre le long de mon dos.


Et ce n'était que le début.


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