Chapitre 15

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Petit à petit, je retrouvais le sourire. Certes, j'avais encore du mal à faire le deuil de ma rupture, mais ça allait mieux. Et Alex y était pour beaucoup. Lui parler me faisait du bien, même si je lui foutais toujours une belle honte en le prenant dans mes bras pour lui faire un câlin. Mais je crois qu'il s'y était fait, vu qu'il n'essayait plus de se dégager de mon étreinte à chaque fois.

Les jours qui nous séparaient du Bac approchaient. Tous les profs mettaient les bouchées doubles pour nous préparer : contrôles, révisions, oraux blancs... On a eu droit à la totale. Même de la part de Benoît. Je l'ai senti différent les jours qui ont suivi : il était plus calme, et se comportait plus comme un vrai professeur. C'est comme s'il essayait de se faire pardonner, malgré ce que je lui ai dit. Je n'avais toujours pas l'intention de le faire, mais j'appréciais les efforts qu'il faisait.

Puis le grand jour arriva. Épreuve après épreuve, les lignes sur les copies se succédaient au rythme des horloges des salles. On était le dernier jour, et comme j'avais fini en avance, j'étais autorisé à sortir à bout de trois heures au lieu des quatre habituelles. Ça tombe bien, mes yeux me piquaient. Je ne savais pas si j'avais un problème de vue ou pas, mais il y avait de fortes chances. Et en plus, j'avais envie de pisser.

Alors que je me lavais les mains après m'être soulagé, j'entendis quelqu'un tousser. Je ne savais même pas qu'il y avait quelqu'un d'autre. Et devinez sur qui je tombe quand la porte s'ouvre ? Et oui, Benoît. Je me demandais ce qu'il foutait ici, vu que ces toilettes sont réservées aux élèves uniquement. Je suis resté le plus calme possible ; après tout, ça allait un peu mieux entre nous deux.

- Tu as déjà fini ? me demanda-t-il en refermant prudemment la porte.

- Oui, j'ai terminé au bout de 3 heures, lui répondit-je en ramassant mon sac.

- Ça ne m'étonne pas de toi, me répondit-il en souriant. Je suis sûr que tu l'auras.

- Merci.

Au moment où j'allais sortir, une odeur familière me chatouilla les narines. Et à ce moment-là, j'ai compris ce qu'il faisait ici.

- Ne me dis pas que tu es défoncé, lui lançai-je en me retournant.

- Ça va, je sortais d'une réunion épuisante, j'avais besoin de décompresser. Et je n'allais pas faire ça dans celle des profs, quand même ?

Il ne niait même pas l'évidence. J'étais partagé entre l'incrédulité et l'incompréhension. C'était un prof de lycée, et il se comportait comme un adolescent. Bon, OK, l'été dernier, c'était le cas aussi, mais les circonstances n'étaient pas les mêmes. Là, il prenait un risque inconsidéré. S'il se faisait prendre, c'était la radiation assurée.

- Tu es inconscient ou quoi ? lui dis-je.

- Ça ne te regarde pas, je crois.

- Oui, tu as raison, ça ne me regarde pas, répondit-je en mettant ma main sur la poignée pour sortir.

Ça ne me regardait plus du tout même. Ce n'était plus mes emmerdes.

- Attends, fit-il en me rattrapant par le bras.

À peine sa main s'est-elle posée sur ma peau qu'il la retira aussitôt.

- Je suis désolé, je n'aurais pas dû te parler comme ça.

- Ce n'est rien.

On s'est regardé fixement pendant quelques secondes. Il me souriait comme aux premiers jours. Il s'est alors approché de moi et... et il m'a embrassé. Le pire dans tout ça, c'est que je n'ai même pas cherché à le repousser. Sentir ses lèvres contre les miennes m'électrisait, comme si mon corps n'attendait que ça depuis plusieurs mois. Je sentis sa main gauche glisser sous mon T-shirt et caresser mes abdos. Mais quand j'ai senti qu'il commençait à dégrafer mon jean, je me suis stoppé net. Oui, j'en avais envie. Du moins, mon corps en avait envie. Mais pas ma tête. Pas après ce qu'il avait fait.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je ne peux pas, désolé, lui répondit-je en me dégageant.

Je me suis passé de l'eau sur le visage. Je devais reprendre mes esprits. Je ne pouvais pas faire ça.

- Tu te fous de moi, là ?

Il me regardait fixement à travers le miroir. Son regard avait changé.

- Commence pas, s'il te plaît, lui dis-je.

- Tu en as envie autant que moi, ne me dis pas le contraire. Sinon, tu m'aurais repoussé.

- Peut-être, oui, mais là, je ne peux pas.

- ... Tu es encore amoureux, c'est ça ?

L'espace d'un instant, j'ai cru qu'il comprendrait. Mais ce n'était pas le cas. Ça ne l'a jamais été pendant tout ce temps.

- Ça fait quatre mois qu'elle t'a largué, pourquoi tu ne passe pas à autre chose ?

- Arrête.

Même le ton de sa voix n'était plus le même. Mes poings se serraient. Je savais où il voulait en venir : me faire craquer pour que je cède.

- Allez, ce n'est pas parce que tu vas tirer un coup vite fait dans les chiottes que ça va aggraver les choses. Il est où, l'Austin que j'ai connu l'été dernier qui ne se souciait pas des conséquences ?

- Il s'est calmé.

- Je suis sûr qu'il est encore là, me dit-il en s'approchant de moi et en m'effleurant l'entrejambe avec sa main.

Là, c'était plus que ce que je pouvais supporter. Je l'ai repoussé.

- Tu crois que je ne vois pas ce que tu essaies de faire ? lui dis-je en le regardant en face. Tu as été plutôt malin de jouer au gentil prof pendant toutes ses semaines, mais tu as oublié à qui tu as affaire, je crois. C'est fini nous deux, fais toi une raison.

J'allais ramasser mon sac quand il me plaqua violemment sur une des portes. La clef de bras qu'il me faisait me clouait contre la paroi, et il appuyait de tout son poids sur moi. Je ne pouvais pas bouger un muscle, j'étais coincé.

- Tu te souviens, il y a un an, quand je t'ai dit que j'aurais aimé que ça se finisse autrement ? me chuchota-t-il à l'oreille.

- Arrête, s'il te plaît, ne fais pas ça.

J'étais paniqué. J'étais à sa merci, et je savais ce qui allait se passer. Sa main caressa mes fesses, et s'aventura à l'avant de mon jean, qui n'était toujours pas fermé depuis tout à l'heure. J'avais beau le supplier, rien n'y faisait.

Et... Pour être honnête, je ne préfère pas imaginer ce qui aurait pu se passer si la porte de la cabine ne s'était pas ouverte brusquement sous tout le poids qu'on lui imposait. J'ai eu le réflexe de m'accrocher au montant, tandis que Benoît chutait lourdement, sa tête heurtant la cuvette. Je ne savais pas s'il allait bien ou pas, et je n'en avais rien à faire. Ce qui m'importait, c'était de quitter cette pièce au plus vite.

Là, c'était allé trop loin. Ça devait s'arrêter pour de bon.


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