J'étais à la maison, assis sur le carrelage froid de l'entrée, appuyé contre le mur, ma cigarette dans une main, la paume de l'autre essuyant mes larmes. Sarah m'avait plaqué. Et je ne pouvais rien faire contre cela.
On sonna à la porte. C'était Alex. Je n'avais même pas eu la force de l'appeler tellement j'allais mal. Un simple texto et il avait rappliqué aussi sec. Et à la vue de mes yeux rouges et de mon nez gonflé, il a tout de suite compris que ça n'allait pas.
- Qu'est-ce qu'il y a ? me demanda-t-il, inquiet, sur le pas de la porte.
- ... Sarah m'a largué, lui répondis-je en reniflant.
- ... Tu lui a dit la vérité, c'est ça ?
J'ai eu un faible hochement de tête.
- Pourquoi tu as fait ça ? (Ce n'était pas vraiment un reproche, il essayait juste de comprendre)
- Je n'avais pas le choix.
Je suis retourné m'asseoir dans mon coin, et il m'a suivi. Je n'avais même pas envie de parler. Je passais mon temps à faire des bulles avec mon nez et à tirer sur ma clope. Alex est resté silencieux pendant un bon moment avant que j'ouvre la bouche.
- Tu te souviens de cet hiver à la patinoire ? lui demandai-je.
- Oui.
- ... Benoît n'a pas digéré que je sois avec Sarah.
- Attends, je ne comprends pas, là. Je croyais qu'il ne se passerait rien.
Je louchais sur le sol. Si, il s'était passé un truc, mais ça, je n'ai pas eu besoin de le dire, il l'a deviné.
- Il y a eu autre chose, c'est ça ?
- ... Je l'ai embrassé, finis-je par avouer.
- Quand ça ?
- Après l'histoire de la rumeur, quand il a voulu me parler à la fin des cours.
- Putain, Austin...
En temps normal, j'aurais répliqué, mais là, je n'en avais pas l'envie.
- Le devoir de Sarah que j'avais rédigé, et qu'il avait mal noté, c'était pour la saquer.
- Quoi ?
- Je... J'ai voulu arranger la situation, mais j'ai fait que l'empirer, lui dis-je en sentant les larmes me monter aux yeux.
- Pourquoi tu ne préviens pas le principal ? Ou le rectorat ?
- Tu crois que je n'y ai pas pensé ? J'aurais dit quoi s'ils me demandaient la raison pour laquelle je le signalais ?
- La vérité, tout simplement.
- Non, je ne peux pas faire ça.
- Austin, je t'adore, mais là, ce n'est pas la bonne solution de te murer dans le silence comme ça.
J'aurais voulu lui répondre, mais tout ce que j'ai réussi à faire, c'est me racler la gorge pour évacuer le mucus qui y était rester coincé.
- C'est pour ça que Sarah t'a quitté ?
- Non. Enfin en partie, si.
- Quoi d'autre, alors ?
- ... Ça fait des mois que je lui mens, et que je lui dis qu'il ne s'était rien passé. Elle me faisait confiance, et moi, tout ce que j'ai fait, c'est accumuler les bobards.
- Tu veux que j'intervienne ?
- C'est mes emmerdes, je ne veux pas te mêler à ça.
- Je le suis déjà, je te rappelle.
Je n'arrivais même pas à soutenir son regard. J'ai secoué la tête de droite à gauche. S'il faisait quoi que ce soit, Sarah saurait qu'il était au courant. Dans un sens, il n'aurait fait que me défendre, mais il était le seul lien qui me restait avec elle, je ne voulais pas perdre ça.
On est restés assis un bon moment sans rien dire, le silence ponctué par mes reniflements perpétuels. Alex prit alors son téléphone, et composa un numéro. J'avais peur qu'il appelle Sarah, mais en fait il appelait ses parents. Il leur demanda s'il pouvait rester dormir à la maison ce week-end.
- Pourquoi tu fais ça ? lui demandai-je.
- Vu l'état dans lequel tu te trouves, je ne te laisse pas tout seul.
Durant les deux semaines de vacances qui ont suivi, il était en permanence avec moi. Il arrivait le matin à la maison et me proposait des sorties pour que je me vide la tête. C'était devenu ma bouée de sauvetage, celle à laquelle je continue toujours de m'accrocher pour avoir la tête hors de l'eau. Il me tirait vers le haut, et moi, je le remerciais à grands renforts de câlins. Qu'on soit dans la rue, dans une file d'attente, ou ailleurs, je le prenais dans mes bras sans arrêt sous le regard incrédule des gens. Je m'en foutais de ce que les gens pensaient. Ça me réconfortait de faire ça, et ça me réconfortait qu'il soit là. Je comprenais mieux ce qu'il avait ressenti quand c'était moi qui m'occupait de lui quand il n'avait pas le moral, maintenant, et je ne l'en remercierai jamais assez.
La rentrée est arrivée péniblement. Ma rupture avec Sarah avait fait le tour du lycée, et les rumeurs concernant les raisons circulaient. Pas une seule ne disait la vérité. Mais je m'en foutais complètement. En cours, ça allait, mais j'étais tellement à plat émotionnellement que je ne réagissais même plus à toutes ces provocations.
J'appréhendais déjà les cours avec Benoît. Je n'avais plus envie de me retrouver dans la même pièce que lui, même pour un cours. Ça me retournait l'estomac, mais je n'allais pas me faire porter pâle à la dernière minute. Alex ne me lâchait plus d'une semelle, même quand j'allais aux toilettes.
Et ce que je redoutais le plus arriva : Benoît voulait me voir en privé. Il ne m'avait pas dit pourquoi, et je n'en avais pas envie. Mais je n'avais pas le choix.
- Je t'attends dehors, me dit Alex avant que la porte se referme.
J'avais mal au ventre. Il se tordait dans tous les sens.
- Ça va ? me demanda-t-il.
Étrangement, j'ai retrouvé le Benoît d'il y a quelques mois : le prof bienveillant, gentil et à l'écoute. Mais ce qu'il avait fait me restait en travers de la gorge.
- Si tu me disais ce que tu me veux, plutôt. (Moins je tardais à rester, plus j'avais de chances d'avoir la paix)
- Je voulais m'excuser pour la dernière fois. Tu as raison, je n'aurais pas dû me comporter comme ça.
- Désolé, ça arrive trop tard.
- Comment ça ?
- ... Tu as gagné, Sarah et moi, on n'est plus ensemble, lui dis-je avec une boule dans la gorge.
- Attends, me lança-t-il alors que je saisissais la poignée.
- Excuse-moi, mais je dois aller vomir, lui répondis-je sans me retourner.
C'était au sens propre. Mes crampes d'estomac étaient tellement intenses que je me suis retrouvé au-dessus de la cuvette des toilettes du lycée à dégueuler mes tripes, sous le regard inquiet d'Alex. C'était plus que ce que mon corps pouvait supporter, et il me le faisait ressentir.
Alors que je vomissais mes boyaux, je n'avais qu'une envie : que les semaines qui arrivent défilent vite et que le lycée soit enfin fini, pour que je n'ai plus à supporter tout ça.
J'en avais marre.
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Sans Issue
General FictionQuel effet cela vous ferait si vous appreniez que vous étiez l'objet du désir de quelqu'un ? Je veux dire... Qu'il pense à vous, jour et nuit, qu'il n'arrive pas à penser à autre chose, qu'il soit obsédé par votre personne... Au point de vous harcel...