Chapitre 14

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J'ai eu du mal avec les semaines qui ont suivi. Mon moral était presque à zéro, et croiser Sarah à l'intérieur du lycée n'arrangeait rien, encore plus quand je la voyais rire et plaisanter avec d'autres personnes.

J'évitais Benoît le plus possible. Et par dessus le marché, j'avais une éruption de boutons qui me parcourait une partie du corps. Le dermato de la famille m'avait dit que c'était dû au stress du bac, mais moi, je savais que ce n'était pas ça. Pour quelqu'un qui n'a jamais eu de problèmes de peau, je n'étais pas du tout à l'aise avec ça. J'en devenais complexé, à examiner chaque centimètre carré de mon corps dans le miroir de la salle de bains tous les matins, à enfiler des T-shirts à manches longues et des pulls pour ne pas qu'on les remarque... Moi qui adorait être vu par tout le monde, je cherchais maintenant à passer inaperçu. Je ne voulais plus être le centre d'attention, je voulais être normal, qu'on m'oublie.

En plein mois d'avril, alors que les températures des derniers jours se faisaient plus chaudes, j'étais tranquillement installé au CDI. Exceptionnellement, ce mercredi, on finissait à 11 heures, et Alex n'était pas collé à mes basques. C'était moi qui lui avait demandé. Il ne m'avait pas lâché d'une semelle depuis deux mois, et là, j'avais besoin d'être tout seul, de décompresser. Et comme il avait remarqué que j'allais mieux, il n'y voyait aucun souci. Je me suis dit à ce moment-là que j'allais pouvoir me poser avec un bouquin, et penser à autre chose.

Enfin, ça, c'était avant que j'aperçoive Benoît franchir la porte.

Je n'ai pas réfléchi : j'ai pris mon sac et je suis sorti. Où que j'aille dans ce bahut, il était là, je n'étais jamais tranquille. Je me trouvais dans le hall d'entrée quand il m'interpella.

- Tu vas m'éviter encore longtemps ?

Je me suis retourné vers lui : le lieu était désert à cette heure-ci, il n'y avait que nous deux. Enfin, moi et son regard de chien battu.

- Je suis là, maintenant, lui dis-je. Qu'est-ce que tu veux ?

- Écoute, je ne voulais pas que ça aille aussi loin. Je suis désolé, tu ne peux pas savoir à quel point je m'en veux.

- Ça, tu me l'as déjà dit, je peux y aller maintenant ? lui lâchai-je en me retournant pour m'en aller.

- C'est tout ? Ça se finit comme ça ? me demanda-t-il.

Je commençais à sentir les émotions me submerger. Toutes celles que j'avais ressenti et que je retenais jusque là. Ça avait besoin de sortir.

- Tu te souviens quand je t'ai embrassé cet automne ? lui dis-je sans me retourner.

- Oui, très bien même.

- En sortant de la salle de cours, j'ai pris conscience d'un truc.

- De quoi ?

- Que tout ça ne valait pas le coup de prendre autant de risques inconsidérés. Si jamais quelque chose se passait entre nous deux, ça allait mal se finir. Pour toi comme pour moi. C'est pour ça que j'ai tourné la page.

J'essayais de rester calme autant que possible ; je devais aller jusqu'au bout.

- Mais toi... Tu étais prêt à tout foutre en l'air pour une simple histoire de cul, ajoutai-je en me retournant.

Il était immobile et se pinçait les lèvres.

- Tu as franchi la ligne qui sépare le professionnel du privé, tout ça parce que tu étais jaloux de ce que tu ne pouvais avoir, lui dis-je en m'approchant de lui tout doucement, et en le fixant dans les yeux. Tu as profité de l'ascendant que tu avais sur moi pour pouvoir faire souffrir des gens que j'aime. Tu étais prêt à ruiner ma vie et celle d'autres personnes, simplement parce tu n'a pensé qu'à ta gueule.

Sans IssueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant