Chapitre 10

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Oui, Sarah et moi, on a couché ensemble. Et ne venez pas me dire que vous ne l'avez pas vu venir, vu toutes les allusions que j'ai faites précédemment. Au moment où nos lèvres se sont effleurées, je n'ai pas cessé de me demander si on faisait une connerie. Et pourtant, je n'avais pas envie d'arrêter. J'étais partagé entre le plaisir et la culpabilité.

Disons que... Vous voyez le « Je ne fais pas l'amour, je baise, sauvagement » de Christian Grey, dans Fifty Shades ? Je pensais comme ça avant. C'était purement physique, je prenais mon pied, la personne aussi. Ce n'était que la baise. Parfois brutale et sauvage, même, je le reconnais. Mais avec Sarah, c'était différent. Je prenais mon temps, je caressai sa peau, sa poitrine... Pour la première fois, je découvrais le corps d'une femme. Non pas que je ne savais pas en reconnaître un, non. Mais je le découvrais différemment : chaque courbe, chaque centimètre carré...

Pour la première fois, je découvrais ce que signifie faire l'amour.

Oui, foutez-vous de ma gueule derrière votre écran, je n'en ai rien à cirer. Tout ce que j'ai fait depuis que j'ai découvert le sexe, c'est baiser. Sans sentiments, rien. En même temps, je n'ai jamais aimé m'attacher aux gens. Depuis que je suis petit, j'ai toujours été comme ça, parce qu'aussi loin que je me souvienne, la vie m'a toujours appris que ça n'apportait que de la souffrance : lors d'un décès, d'une rupture... On se retrouve dans une position de faiblesse que je n'ai jamais aimé. Alex et Sarah sont l'exception de cette équation. Je ferai tout pour eux, quitte à me foutre dans une merde pas possible après, l'un parce que je le connais depuis que je suis tout petit, l'autre parce que j'ai senti une connexion dès le départ. Et cette connexion s'est concrétisée par un rapport sexuel tendre, complice, sur l'herbe humide du jardin, sous un ciel étoilé.

J'ai passé toute la nuit à rester éveillé, à scruter le ciel, Sarah lové contre moi, à cogiter, à me demander ce qui allait se passer après. Quand le jour a commencé à se lever, je suis rentré, portant Sarah dans mes bras. Je l'ai posée sur le canapé, avant de la recouvrir d'une couverture. Encore heureux que mes parents n'étaient pas là pour le week-end (oui, ils sont tout le temps en vadrouille, je n'y peux rien). Après, j'ai été cherché nos vêtements restés dehors, et après avoir enfilé mon boxer, je me suis dirigé vers la cuisine pour me prendre un café, avant de me diriger vers le salon. Je me suis assis sur le fauteuil, et je l'ai regardé dormir. Combien de temps ? Je n'en sais rien.

Notre bordel de la veille n'avait pas bougé, si ce n'est l'écran de l'ordinateur qui s'était mis en veille. C'est à ce moment-là que je me suis rappelé qu'Alex devait revenir, et c'est aussi à ce moment que ça frappait à la porte. C'était lui, et j'étais paniqué. Sarah dormait encore, et on était tous les deux à moitié à poil. Malgré ça, je suis allé l'accueillir.

 - Attends, là, c'est toi qui me dit de repasser, et tu es encore en caleçon à cette heure-ci ? me demanda-t-il.

 - Euh... Ouais, on a... veillé un peu tard, Sarah et moi, lui dis-je en refermant la porte derrière moi, après sorti sur le perron.

(Je ne pouvais pas faire mieux comme excuse sur le moment, et je me les gelais)

 - Et vous avez fait quoi, au juste ? Une partie de console ?

 - Euh...

 - Attends, c'est bon, j'ai compris, me dis rien, ajouta-t-il en me regardant de la tête aux pieds avec un sourire.

 - Ce n'est pas ce que tu crois.

(Il n'y a pas plus cliché que cette phrase dès qu'on l'entend dans un film, et pourtant, on est toujours les premiers à la sortir dans ce genre de situation. Amusant, n'est-ce pas ?)

 - Je ne t'engueule pas, tu sais. C'est quand même bizarre que vous ne l'ayez pas fait avant, surtout.

 - Quoi ?

 - Bon... Je vais faire un tour, et je vais passer à la boulangerie en même temps, ça vous laissera le temps d'émerger. Allez, rentre, tu vas attraper froid.

Oui, même Alex l'avait compris avant nous deux. Comment ? Pourquoi ? Aucune idée.

Le reste de la journée, c'était Rencontre du Troisième Type. Bien qu'on sache tous les trois ce qui s'était passé la veille, ni moi ni Sarah n'avions envie d'en parler avec Alex. On était tous les deux gênés à un point que vous n'imaginiez même pas. On n'a pas prononcé un mot sur le sujet, on s'est concentrés sur nos révisions. On aurait entendu un mouche voler. Puis est arrivé le moment de partir.

 - Quoi ? demandai-je à Alex sur le pas de la porte, pendant que Sarah rangeait ses affaires.

 - Vous avez couché ensemble, ce n'est pas un drame, quand même.

 - S'il te plaît, je me sens suffisamment mal comme ça.

 - Il n'y a pas de raison, vous êtes assez grands pour savoir ce que vous faites.

 - ... Oui, si tu le dis.

Non, je ne savais vraiment pas où j'en étais, même à la fin de la journée. C'était tout nouveau pour moi. Et même au moment dire au revoir à Sarah, on a hésité entre la bise amicale et le baiser langoureux. On a eu droit à un beau moment de flottement. Puis je me suis rappelé ce qu'a dit Alex en début de journée ; je me suis alors fendu d'un magnifique « Oh, et puis, merde » avant de me jeter sur elle pour l'embrasser. Cette fois, à cet instant précis, au moment où je l'ai plaqué contre le mur, où nos langues se sont touchées, où mes mains ont croisées les siennes pour se fermer l'une sur l'autre, je savais où j'en étais.

J'étais amoureux, pour la première fois de ma vie.

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