Partie 5 : Passion. Chapitre 1 : Ma vie

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Ma journée d'école est finie. Enfin doit-on appeler cela une école ? Elle consiste en une case plus grande que les autres dans laquelle tous les enfants de six à douze ans se retrouvent pour écouter le maitre. Tous les niveaux ensembles et un seul maitre pour tous. Les enfants les plus âgés aident les plus jeunes et nous n'avons aucune obligation de réussite.

En fait, c'est une vie tranquille que nous avons ici. Lorsque l'on a suivi des études en France, une petite école de la brousse peut paraitre ridicule, mais pour les gens d'ici, c'est tout de même sérieux. En réalité, nous n'apprenons que les bases de la lecture, de l'écriture et de calcul. Nous n'aurons pas besoin de plus pour la vie dans le village. De temps en temps, il y a un cours sur l'histoire du Gabon et sa colonisation par la France, ou encore un cours sur la géographie de l'Afrique et la géographie mondiale.

Sinon, nous apprenons aussi le français, juste les bases nécessaires pour être en mesure de discuter avec les touristes de passage au village. Donc, à part les quatre heures par jour passées à l'école, le reste du temps nous jouons ou aidons aux tâches du village. Les tâches sont partagées, à tour de rôle nous allons garder les chèvres, ou nous ramassons les racines manioc, ou nous pilons le millet, ou nous tressons des paniers.

Les garçons commencent à apprendre à chasser le gnou et la gazelle. Ici, la vie est simple, elle est tranquille, sans stress mais aussi sans confort. Je me souviens en France, mon grand lit moelleux, le réfrigérateur, l'électricité, l'ordinateur et l'internet, la machine à laver... Ici, rien de tout cela, c'est étrange, mais cela ne me dérange pas vraiment. Après tout, je n'ai rien connu d'autre depuis ma naissance, ici c'est ma vie, c'est ma famille et j'y suis bien.

La France, c'était mon autre vie, celle d'avant, celle d'avant ma mort puis ma renaissance. En y repensant, les voies du seigneur sont vraiment impénétrables. Pourquoi m'avoir envoyée dans une petite tribu du Gabon. Je me souviens de tout de mon ancienne vie, ou presque. Non, soyons honnête, je sais que j'ai oublié énormément de choses, mais pas tout. Je me souviens même de la traversée de l'océan des âmes.

Comme prévu, j'ai succombé suite à une crise cardiaque. Je m'en souviens, il était 18H30 et je venais de quitter mon bureau. Je me dirigeais vers ma voiture, sur le parking privé de la banque. Il y avait deux adolescents qui faisaient du skateboard sur le parking. J'ai failli les apostropher afin de leur signaler que c'était un parking privé et qu'ils n'avaient rien à faire ici. Mais le parking était quasiment vide et finalement ils ne faisaient rien de mal.

J'ai donc tourné le dos et continué mon chemin vers ma voiture. D'habitude, je la gare près de l'entrée où j'ai une place réservée, mais cette place est en plein soleil, alors je l'ai garé au bout du parking, à l'ombre. C'est ce qui a causé ma perte, j'ai voulu éviter d'avoir trop chaud dans ma voiture, mais en fin de compte, je ne suis jamais arrivé jusqu'à elle.

Un des jeunes a dû tomber ou rater une de ses figures en skateboard, je ne pense pas que c'était volontaire, mais sait-on jamais. Toujours est-il que je me suis retrouvé avec sa planche dans les jambes. J'ai eu peur et je suis tombé, mon cœur a lâché. Je revoie encore les deux jeunes au-dessus de moi, complétement effrayés, me demandant
-  vous allez bien monsieur ?

et ajoutant
- je suis désolé, la planche m'a échappé !

Non, je n'allais pas bien du tout, j'essayais de reprendre mon souffle, mais mon cœur n'amenait plus l'oxygène à mes muscles. Je crois que j'ai réussi à murmurer
- appelez les secours
 mais avant qu'ils arrivent j'étais mort. Je me suis alors retrouvé à flotter au-dessus de mon corps et je revoie les pompiers me faisant des massages cardiaques et même des électrochocs, mais mon cœur n'est pas reparti.

Les âmes sœursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant