Chapitre 2

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"Bonjour ! Tu dois être Alice, n'est-ce pas ? Enchantée, je suis Isabelle !" me lança la femme en question, avec un grand sourire.

Je m'efforce de le lui rendre et de descendre ma valise par le minuscule escalier du bus. Une fois l'épreuve réussie (non sans mal), je tends la main à la dite Isabelle, en lui souriant de toutes mes dents : autant faire bonne impression, non ?

"Allons, ne sois pas si conventionnelle ! -me lança t-elle avant de me prendre dans ses bras- Désormais, nous sommes une famille, toutes les trois !"

Mes capacités de réflexion marquent une pause : toutes les trois ? Ce n'est pas le trois qui me dérange, au contraire, j'ai eu l'habitude d'habiter avec plus d'un couple sans enfant. Ce qui me perturbe, c'est le toutes... A moins qu'elle ne sache pas parler français (ce qui m'étonnerait fortement vu son attitude très occidentale), elle m'apprend qu'on ne sera qu'un foyer de filles ?

"Excusez-moi Madame, mais..." commençais-je, en quête de plus amples explications.

"Enfin, Alice, pas de vouvoiement avec moi ! Et oublie le "madame", je ne suis pas si vieille !" répliqua t-elle sans défaire son immense sourire.

Je ne fis aucune objection sur son âge, bien qu'elle semblait avoir dépassé la quarantaine depuis quelques temps...

"Ah, hum.. Désolée. Vous avez dit "toutes les trois", mais... Vous n'êtes pas mariée ?" hasardai-je.

Elle me lança un regard en coin, me faisant comprendre qu'il faudra que j'arrête le "vous" tôt ou tard, avant de daigner me répondre :

"Je pensais qu'on t'avait informée ! Il se trouve que non, je ne suis pas mariée, mais j'ai une fille ! Elle s'appelle Rachel et elle ne doit pas tarder à arriver.."

J'allais répondre qu'on me prévenait de la composition de mon nouveau foyer à chaque fois qu'il me tombait un oeil, mais j'ai jugé cette réponse un peu trop brute. Je m'apprêtais donc à me présenter de manière plus convenable : après tout, n'oublions pas la politesse ! Seulement, un élément perturbateur m'empêcha d'ouvrir la bouche et par la même occasion, me fit oublier mon nom, mon âge et la raison de mon existence : une jeune fille, d'environ mon âge, venait de descendre les escaliers de la terrasse pour venir nous rejoindre. Sa silhouette était fine, je pouvais le voir d'ici. Ses cheveux bruns étaient retenus dans une queue de cheval ordonnée, mais laissant s'échapper deux mèches sur les côtés de son visage. Quant à celui-ci... Une pure merveille. Il était simple, mais d'une simplicité à couper le souffle. Sa peau était nette, légèrement rosée sur le haut de ses joues, et ses yeux étaient d'un bleu discret, comme celui auquel le noir de la nuit fait place, lorsque le soleil se lève enfin. J'eus beau l'examiner de haut en bas, de droite à gauche, impossible de lui trouver la moindre imperfection. Cette fille est une déesse incarnée ou on m'explique ? Être aussi belle devrait être illégal... Elle s'arrêta aux côtés de sa mère, me fixant à son tour. Je me sentis affreusement gênée : je devais avoir les cheveux emmêlés, des cernes dignes du Grand Canyon et de la salive séchée sur ma joue gauche... Impossible de faire une meilleure entrée. Je me suis applaudie intérieurement, avant de prendre la parole et de lui tendre la main, en espèrant que cette divinité ait des gants sur elle, pour ne pas se salire en me touchant :

"Sa-Salut ! Je m'appelle Alice ! -bégayai-je, tout en empêchant ma main de trembler- A partir de maintenant, je vais habiter avec toi et ta mère, alors.. J'espère qu'on s'entendra bien !"

Ouf, les mots sont enfin sortis. Pourquoi, bon sang, ai-je eu autant de mal à lui adresser la parole ? Il est vrai que je me suis métamorphosée en décharge ambulante depuis qu'elle est arrivée, mais quand même.. Fierté, reviens !

J'ose guetter la réaction de "Mlle JeSuisTropUneBombe" avant de me rendre compte qu'elle ignore totalement ma tentative de poignée de main. Elle avait tourné la tête vers sa mère lorsque j'avais fini de parler, la questionnant du regard. Isabelle prit alors la parole :

"Rachel, voici Alice. Comme elle te l'a gentiment expliqué (Génial, sa mère a donc également remarqué le vent monumental qu'elle m'a mis..), elle vivra avec nous à partir d'aujourd'hui. Donc, tu peux la considérer comme ta belle-soeur !"

Rachel tourne à nouveau la tête, vers moi cette fois-ci. Je frissonne lorsque ses yeux bleu pâle viennent se poser sur les miens. Il me faut dire quelque chose, n'importe quoi... Engage la conversation, Alice !

"Euh, hum... Merci infiniment de m'accepter parmi vous ! -je baisse légèrement la tête en prononçant ces mots. C'est la première fois que je me comporte comme ça, j'ai vraiment l'impression d'être soumise...- J'espère que ma compagnie ne te dérangera p-"

"Maman, je vais mettre la table. C'est bientôt l'heure du repas."

Hein ? Je me relève et la vois disparaître par la porte d'entrée. Abasourdie, j'ai du mal à assimiler ce qu'il vient de se passer. Sa mère croise les bras avant de jouer la carte du réconfort :

"Ne t'inquiètes pas Alice, elle n'est pas méchante. Elle paraît... Juste un peu froide, je suppose ? -Peu importe ce que tu essaies de me faire avaler, ta fille vient de m'ignorer superbement... De manière aussi superbe que son physique puisse l'être- Il lui faut juste du temps, ne t'inquiètes pas." me rassure t-elle.

Isabelle, j'aimerais tellement te croire. Après avoir répété cinq fois le même "Ce n'est rien", j'empoigne ma valise et suit ma belle-mère qui veut me faire visiter les lieux.

Derrière moi, l'autocar s'en va et lorsque je franchis le pallier, j'ai le sentiment que ma tranquilité est partie avec lui.


How on earth can I love her ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant